Pour les émigrés maliens contraints à quitter la France, la mise en exploitation des mines d’or de la région de Kayes offre des possibilités d’emplois plus attractives que l’agriculture. Mais, nombreux sont ceux qui n’attendent que l’occasion de… repartir.
« Pour faire de l’agriculture ou l’élevage, il ne suffit pas d’avoir des terres ou même des moyens. Cette région n’est pas celle d’agriculteurs. Nous ne connaissons pas l’agriculture. Nous n’y sommes pas habitués. Notre profession depuis l’enfance, c’est l’imagination. On ne peut changer la vie des gens avec une baguette magique », explique Mamadou Damba, un ancien émigré malien en France.
En effet, dans cette région de Kayes à l’ouest du Mali, à la frontière avec le Sénégal et la Mauritanie, dont sont originaires de nombreux émigrés, les conditions climatiques ne sont guère favorables au développement agricole et pastorale. Les pluies y sont presque inexistantes et l’avancée du désert de plus en plus alarmante.
Les habitants de la région (plus d’un million de personnes) sont à 80 % des ruraux, mais leur principale ressource est le commerce.
Pour faire leurs affaires, les villageois ont pris l’habitude d’émigrer, soit dans d’autres régions du pays, soit à l’étranger, notamment en France.
L’émigration des hommes jeunes est une seconde nature dans cette région déshéritée où les gens vivent grâce à l’argent venu de l’extérieur.
Une blague populaire ne dit-elle pas que le premier cosmonaute à avoir marché sur la lune, y avait rencontré un homme…. originaire de Kayes.
A la question de savoir ce qu’il y faisait, il aurait répondu : « je cherche de l’argent pour faire vivre mon village !».
La fermeture des frontières et les rapatriements de Maliens de France ont donc bouleversé l’économie de la région.
Pour venir en aide aux jeunes « refoulés » et décourager les autres de prendre à nouveau le chemin de l’exil, le gouvernement malien avec l’aide de la Coopération française a pris il y a quelques années des mesures : assistance au montage de petites entreprises et l’aménagement de terres cultivables.
Mais les « sans papiers » qui se sont résignés à travailler la terre sont minoritaires. Nombreux sont ceux, confie un notable de Nioro-du-Sahel, une petite ville de la région, qui sont repartis pour d’autres pays ou qui vivent dans la capitale en attendant que la France rouvre ses portes.
Rêves dorés.
Toutefois, la mise en exploitation, depuis quelques années, des mines d’or découvertes dans le village de Sadiola, près de Kayes, a permis à de jeunes villageois de rester sur place.
On assiste depuis, à une ruée dans la région des « sans papiers » en « transit » à Bamako.
Ces mines ont créé plusieurs milliers d’emplois avec des salaires frôlant parfois les 100 000 Fcfa.
C’est avec fierté que Gassiré Sako et Kissima Doucouré, refoulés de France, témoignent : « Nous étions partis de la région, non pas parce que nous n’aimions pas notre pays, mais parce que nous n’avions pas le choix. Il n’y avait rien ici. Mais nous ne repartirons plus en France. Là-bas, nous cherchions l’argent, c’est-à-dire l’or. Puisque nous en avons maintenant ici, adieu la France ! ».
D’autres, cependant, ne cachent pas leur désespoir et rêvent de s’exiler à nouveau.
Hammé Sylla et un groupe d’amis, anciens de France, mineurs depuis quelques mois, ne s’habituent toujours pas à la chaleur infernale des mines. « Ecoutez, explique M. Sako, là-bas en France, nous gagnions beaucoup pour un travail plus humain. En seulement cinq ans de séjour, nous avons pu envoyer de l’argent au village pour construire des mosquées.
Ici, avec ce que nous gagnons, nous ne pouvons même pas acheter des chapelets ou des nattes de prière. Nous retournerons en France, dès que la porte sera ouverte. D’ailleurs, ces mines n’offrent aucune garantie, elles peuvent tarir un jour ».
Boubacar Sankaré
mali fan maw ka bara keni tieye no kèra anmi ta nie
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