Fermeture de la mine de Morila: un plan ambitieux et innovant

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une mine à titre indicatif

Le processus de fermeture de cette mine, qui a connu ses heures de gloire avec des teneurs de minerai battant des records (souvent 500g/tonne) a, en réalité, débuté depuis 2008 avec la mise en place d’un Comité qui se réunit trimestriellement et qui est composé de plusieurs départements ministériels.
Concrètement, les deux plans sont exécutés simultanément à la phase actuelle de l’opération de traitement du parc à boue.

Le traitement mécanique
La première étape de la visite guidée principalement conduite par Hilaire DIARRA et Jean KEITA, a porté sur l’usine de concassage du minerai. Le constat y est que tous les gros concasseurs sont à l’arrêt. Ce sont les petits broyeurs qui ont pris la relève pour le traitement du dépôt du parc à boue qui permettra de prolonger un peu la vie de la mine et le travail des employés.
Selon les guides, lorsque le dépôt de boue contient 0,50 g/t, il est économiquement rentable. Or, la boue traitée jusque-là contient 0,55 g/t avec la perspective d’avoir une teneur plus élevée. Et pour cause, au cours des premières années d’exploitation, la teneur du minerai traité était si élevée qu’une partie de l’or était déversée dans le parc à boue a été considérée comme négligeable. En période de vache maigre, c’est cette quantité jadis négligeable que les miniers cherchent à récupérer.
Pour ce qui est des machines (concasseurs, broyeurs) à l’arrêt, elles pourraient être redéployées sur un autre site appartenant à la société, cédée à une autre société. Dans tous les cas, elles seront démontées. Dès à présent, c’est le cas de toutes les installations qui n’ont plus d’impact sur la production.

La carrière et le parc à boue
À la mine d’or de Morila, il n’y a qu’une carrière qui approvisionnait l’usine de concassage, a indiqué son chef d’exploitation Sama DIAKITE. Elle mesure 1,5 km de longueur, 920 m de largeur et une profondeur de 220 m. Cette carrière est à l’arrêt depuis mars 2015. Ceci expliquant cela, l’usine de concassage est également à l’arrêt.
La carrière, au regard de sa profondeur, regorge d’importantes quantités d’eaux souterraines. La devise à Morila étant que rien ne se perd, ce sont ces eaux qui sont pompées par deux puissantes machines et drainées pour servir au traitement du dépôt du parc à boue. Cette boue devenue stérile est ensuite drainée vers la carrière pour progressivement la combler, du moins partiellement. Parce que, explique-t-on, il est inconcevable de vouloir combler entièrement une telle excavation. Cela est connu et fait partie du plan de fermeture de la mine validé par les autorités nationales bien avant le lancement des travaux d’exploitation. Le schéma simplifié, c’est que le minerai retourne d’où il vient. Cela participe de l’aspect environnemental. De même (l’ancien) parc à boue sera reboisé, pour tenter de reconstituer l’environnement initial.

Des environnementalistes s’assureront, fait-on savoir, de toute décontamination après la fermeture de la mine. C’est pourquoi ils prolongeront de 2 à 3 ans leurs activités, avant d’inviter le gouvernement à commanditer un audit environnemental qui confirmera que le cahier de charges a été entièrement respecté.

La station d’énergie
La mine d’or de Morila dispose d’une importante station d’énergie d’une capacité de 30 Mw/h. Le courant y est produit à base de diésel. Selon les guides, la station a la capacité de prendre en charge la mine, le village et la ville de Sikasso. Ce qui permettrait de réduire considérablement les délestages et les coupures de courant dans cette capitale régionale. La preuve en est que sur les 5 machines de la centrale, seulement trois sont opérationnelles, les deux autres étant en réserve pour parer à toute éventualité.
Une autre preuve est sa capacité à fournir l’électricité nécessaire pour pomper l’eau à 45 km.
Selon les miniers, la condition pour la céder à EDM était qu’elle s’engage à prendre en charge la mine, le village et Sikasso. Ce qui ne semble pas lui agréer particulièrement, ses objectifs étant probablement ailleurs.
Cette centrale fait désormais partie du projet d’agrobusiness qui nécessitera une quantité importante d’électricité pour son bon fonctionnement.

La mangueraie
Elle est séparée de la centrale électrique par une route. D’une superficie de 8 ha, la plantation comporte 7 espèces de manguiers.
Selon les guides, des contacts sont pris avec des associations de femmes à Sikasso pour l’écoulement des fruits. L’on se montre optimiste à ce sujet.

La ferme piscicole
Une autre attraction de ce projet d’agro-business est la ferme piscicole de Morila. Actuellement, l’on dénombre 24 cages flottantes, avec une capacité de 12 000 alevins par cage. L’élevage de l’espèce Tilapia, la seule disponible pour le moment, prend six mois. La production est estimée à 3 tonnes de poissons par cage.
Le double défi pourrait être la distance qui sépare Morila des villes de consommation, mais avant la vulgarisation du projet de pisciculture, il reçoit régulièrement, apprend-on, la visite des autorités compétentes au plan régional de Sikasso.
Il faut souligner que la ferme piscicole devrait contribuer à l’alimentation des futurs écotouristes qui feraient le choix du futur ancien site minier de Morila qui regorge d’atouts au nombre desquels, il y a la compétitivité du prix pratiqué sur le kilo de poisson, sa nature écologique.
À noter que les travailleurs de la ferme piscicole sont des villageois qui s’assurent ainsi un revenu stable.
Outre cette ferme, Morila dispose d’un espace avicole. Le chef de production, Abdoulaye TOURE, a fait savoir qu’il se compose de 3 bâtiments de production : 2 bâtiments pour les poules pondeuses et 1 bâtiment pour les poulets de chair. Pour les pondeuses, il y a 15 000 sujets par bâtiment, dans des conditions ultras modernes, à l’instar des poulets de chair, avec des mesures d’hygiène sans reproche.
Le taux de ponte, a révélé M. TOURE, est de 75 %, représentant environ 2 œufs par sujet et par jour. Ce qui correspond à une production de l’ordre de 80 alvéoles par jour.

Les autres installations
C’est à croire que Morila qui a vocation à être un agro pôle est déjà dans l’après-mine, par rapport à l’agro-business. En effet, il y a déjà un super marché ; une salle de gym pour les amateurs ; une cantine ; une installation face à une mare artificielle avec une vue imprenable. À cela, il faut ajouter plus de 50 chambres, une clinique médicale bien équipée.

Le plan socioéconomique
À la fermeture de la mine, les travailleurs ne seront pas laissés pour compte, nous ont expliqué nos deux principaux guides, Hilaire DIARRA et Jean KEITA. Pour les villageois qui ont travaillé dans la mine, il est prévu un fonds pour le financement de micro-projets qu’ils auront monté eux-mêmes. Ce financement est constitué du fonds social, des produits de la vente des avaries. Dans tous les cas, rassure-t-on lesdits travailleurs auront de quoi gagner dignement leur vie.
La communauté villageoise fera également partie du projet d’agro-business, a-t-on informé, dans le cadre de futurs partenariats.

Les challenges
Après la visite guidée, le PDG de Randgold Resources, Dr Mark BRISTOW, a animé une conférence de presse, entouré de ses collaborateurs, au cours de laquelle il a exprimé sa satisfaction de la bonne exécution du plan de fermeture de la mine de Morila.
Toutefois, a-t-il souligné, une société minière fait du business et elle est appelée à partir. Aussi, a lancé un cri de cœur le PDG, le plus grand défi est de trouver un récepteur des investissements réalisés. De ce point de vue, il a particulièrement interpellé le Gouvernement qui doit être très présent, à travers un accompagnement sans réserve.

Par rapport au secteur privé, il y a eu des prises de contact avec le Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Un puissant opérateur privé s’est même déclaré partant pour cet ambitieux et innovant projet en Afrique.
Le Dr BRISTOW tient par ce projet à briser la mauvaise réputation qui précède les entreprises minières, à savoir qu’elles viennent exploiter, faire du profit et répartir. Pour lui, il s’agit de démontrer qu’on peut exploiter avec des locaux et laisser de la valeur ajoutée. Il rappelle fort à propos que l’ensemble de ses responsables miniers sont des locaux.

« Notre souhait, c’est de laisser après l’exploitation de la mine quelque chose d’économiquement viable », a martelé le responsable minier.

Pour réussir cette viabilité, il faut un développeur. C’est pourquoi Mark BRISTOW a jeté son dévolu sur le Centre Songhoï, une appellation d’inspiration malienne qui est une école de formation des fermiers-entrepreneurs basée au Benin et qui est une référence en Afrique.

Avec le Centre Songhoï, il s’agira de faire un grand pôle de développement agricole à travers la mine.
Randgold expérimente un projet similaire à Loulo-Gounkoto où elle a ouvert un collège de formation agricole.
Succédant au Dr BRISTOW, Hilaire DIARRA a révélé qu’environ 2 millions de dollars ont déjà été investis dans le développement de Morila pour en faire un centre commercial industriel.

Les défis, selon lui, sont le manque d’infrastructures, le problème de gouvernance, le faible rendement des sols dans la région de Sikasso, le défi qui n’est pas encore relevé.
En ce qui est des partenariats, il a cité : Gouvernement, ONG et organismes de régulation ; sociétés minières et investisseurs ; employés et communautés.

Chiaka BERTHE a présenté le complexe minier Loulo-Gounkoto qui est de classe mondiale.

Par Bertin DAKOUO, Envoyé spécial

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