Exploitation minière en Afrique : Le Directeur général de l’Irse-Mali, Moussa Ben Deka Diabaté pose la problématique

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Afin d’éclairer l’opinion sur la problématique de l’exploitation minière en Afrique, une activité qui suscite beaucoup d’interrogations au sein  de la population malienne, nous avons sollicité et obtenu un entretien avec le directeur général de l’Institut de la Responsabilité sociétale des entreprises (Irse-Mali), Moussa Ben Deka Diabaté, sur la question.  

Aujourd’hui-Mali : Pouvez-vous nous définir l’exploitation minière et qui sont ses acteurs ?

Moussa Ben Deka Diabaté : l’exploitation minière est définie comme étant l’ensemble des activités d’extraction des minerais en vue d’en disposer pour des fins utilitaires ou commerciales. Elle englobe les études préliminaires, la recherche, l’exploration, l’exploitation et les activités de transformation industrielle.

En ce qui concerne les acteurs, nous pouvons les classer en trois catégories, l’Etat parce que les ressources minérales appartiennent à l’Etat, les sociétés  minières et leurs actionnaires qu’on  appelle  les multinationales, à savoir les  partenaires  techniques  et  financiers qui  sont  les  grandes  Institutions financières internationales, à l’image des institutions de Breton-Woods et les particuliers, notamment les activités d’orpaillage et de petites mines

Comment peut-on expliquer les milliards générés par l’exploitation minière et la misère des pays africains ?

D’abord, il faut noter que le continent africain a les deux tiers des réserves de matières premières dans le monde. Par exemple la Guinée dispose plus  de  40  milliards de tonnes de bauxite (un minerai qui permet d’avoir l’aluminium), une quantité capable d’approvisionner l’industrie mondiale de l’aluminium pendant plus de cinq cents ans, soit trois fois en tout cas en matière de délais plus longs que tout le pétrole connu sur terre.

Aussi, le Niger a un pourcentage énorme du nucléaire français de l’uranium, la RDC détient un tiers des réserves mondiales de cobalt et pourtant ce continent est décrit comme un continent pauvre. Finalement, nous pouvons se poser la question de savoir si l’Afrique est un continent qui est  pauvre ou un continent  qui s’appauvrit ?

La réponse, c’est que l’Afrique est un continent qui s’appauvrit par la politique d’exploitation de ces ressources. Cependant, nous n’allons pas mettre tout simplement la responsabilité sur les étrangers, l’Afrique a sa part de responsabilité,  peut  être  même  à  80%, parce que si nous disons que ce sont les Occidentaux pourquoi n’avons pas pu résister ou faire comme eux par les expertises ?

Imaginez que  dans  les  années  40, le  Qatar  n’avait  pas  de  pétrole, c’est  au cours  des  années  40  que le pétrole a été découvert, mais aujourd’hui le  Qatar  a  la  souveraineté  sur son  pétrole.

L’Afrique d’aujourd’hui ressemble un peu au Japon des années 40. Alors qu’aujourd’hui, le Japonais ou le Qatari n’a rien à envier à celui d’un citoyen lambda de l’Union  Européenne. Ils sont en avance parce qu’ils ont pu résister aux multinationales. Ils ont pu  résister  en tout  cas  aux  puissances,  peut-être  même, jadis  coloniale  et  nous  n’avons  pas  pu résister.

Qu’est-ce que nos dirigeants doivent faire pour renverser cette tendance ?

Nos dirigeants doivent savoir mettre nos compétences en valeur et se tourner vers une politique plus juste et équitable dans l’exploitation de nos ressources minières. Malheureusement, la corruption a pris le pas sur la bonne gouvernance, du fait que nous avons plus de dirigeants alimentaires que visionnaires.

Dans ce secteur-là, c’est le plus opaque, il y a un véritable problème de transparence autour des passations des  marchés dans ce domaine. La question que nous devons nous poser, c’est bien sûr comment les revenus de ce secteur sont redistribués. Aujourd’hui, il faut questionner le cadre juridique en Afrique. Il s’agit principalement du code minier, les codes d’investissements, des conventions minières, sans oublier les acteurs administratifs unilatéraux. C’est le  cas  des permis  de recherche et des  concessions, etc.

Au regard de ce qui précède, nous avons tout l’impression de penser que nos Etats disent que ces ressources appartiennent aux multinationales et qu’ils peuvent venir exploiter à leur guise.  A cela, il faut voir les clauses  de stabilité  fiscale  douanière  qui  y sont insérées. Cela est très difficile à comprendre. Avec ces clauses, c’est très difficile de développer l’Afrique sur la base des conditions actuelles de l’exploitation de nos ressources. La question que l’on peut se poser est de savoir s’il y a une  volonté  politique émaillée de  transparence. Sinon, l’Afrique ne manque pas de ressources humaines compétentes car le domaine minier est un domaine technique et extrêmement complexe, parce qu’avoir des ingénieurs est une chose, mais avoir des experts en matière  de montage  financier et rédaction des contrats miniers est encore très difficile. Il faut attendre 20  ans, 30 ans  ou 40 ans. Nous devons comprendre que ce sont des formations extrêmement pointues qui nécessitent non seulement une spécialisation, mais aussi une expérience avérée sur la question.

       Réalisé par Boubacar PAÏTAO

 

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