L’or du Mali profite plus aux compagnies minières qu’aux communautés et à l’Etat. Une situation sur laquelle a enquêté la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Elle a dressé un rapport accablant rendu public hier.
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Le rapport rendu public au cours d’une conférence de presse dans un hôtel de la place, est un document de 51 pages, rédigé par une mission internationale d’enquête, qui s’est déroulée pendant une douzaine de jours au Mali (du 4 au 18 juin 2006). L’équipe d’enquête a été appuyée par l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH). Le rapport s’intitule : « Mali, l’exploitation minière et les droits humains ».
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La mission s’est entretenue avec des compagnies minières, le ministère de l’Energie et des Mines, les organisations syndicales, la direction nationale de la géologie et des mines (DNGM), la direction nationale des impôts, les communautés villageoises à Morila et Bougouni, etc.
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L’enquête était conduite par Isabelle Gourmelon de France (journaliste économique indépendante, spécialiste de l’Afrique), Aurélie Arnaud (coordinatrice du Cedim) et Jean-Claude Katendé, président de l’Asadho-Katanga (Association africaine de défense des droits de l’Homme à Lubumbashi en République démocratique du Congo et spécialiste des questions minières).
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Son constat est que le cours de l’or se porte bien sur le marché international. Dans le même temps, les pays producteurs au sud du Sahara ne gagnent que des broutilles. Le Mali est classé 3e producteur d’or en Afrique et le métal jaune a pu surclasser le coton dans notre PIB. Paradoxalement, la croissance du PIB a dégringolé en 2004. Il a du mal à retrouver son niveau antérieur de 2005 et 2006. Une autre faiblesse : notre pays se retrouve avant-dernier dans le classement du développement humain durable du Pnud avec le rang de 175e sur 177. Le taux d’analphabétisme est de 70 % et 90 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour.
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Selon les enquêteurs, l’or est le symbole aveuglant d’une richesse nationale qui ne profite pas aux Maliens en ce sens que 94 % de l’or est exporté. Le reste sert à la joaillerie locale. De 18 % d’exportation en 1996, l’or est passé à 65,4 % en 2002 contre 22,4 % pour le coton. En 1997 et 2005, les exportations aurifères du Mali se sont élevées à 2,290 milliards de F CFA.
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La loi des finances de 2006 a focalisé le plan de croissance de l’économie nationale à 6 % en se référant sur l’ouverture de nouvelles mines.
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Tout cela n’est que mirage en réalité. Le rapport dénonce un code minier auquel le Mali ne tire que des subsides. D’ailleurs, les miniers préfèrent qu’il leur soit appliqué le code de 1991 qui leur accorde le bénéfice de 5 ans d’exemption fiscale que celui de 1999 qui ramène le délai à 4 ans.
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Mauvaises contribuables
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L’Etat malien est en même temps percepteur, actionnaire et contrôleur. Avec ces trois casquettes et le pouvoir des compagnies minières à jouir de leur puissance d’argent, les rapports de force sont jugés déséquilibrés. L’Etat n’a aucun moyen de contrôle physique de la production de la quantité d’or, ni d’un appareil pouvant mesurer l’impact de la pollution environnementale. Selon Mme Gourmelon, la DNGM a fait savoir au cours de leur passage qu’elle n’a aucun moyen de contrôle. Le seul appareil qui contrôle les risques de pollution appartient à une compagnie minière de la place, ajoutera-t-elle.
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Sur le plan de la fiscalité, les services de recouvrement ont souvent eu maille à partir avec des compagnies d’extraction. Le rapport fait cas d’un conflit qui a opposé pendant 2 ans les impôts à deux sociétés minières. Celles-ci devaient 15,6 millions de dollars au titre des taxes sur les bénéfices impayés et les pénalités afférentes. L’Etat en est sorti perdant, n’empochant que le tiers du montant, soit 5,2 millions de dollars.
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Les compagnies minières traînent la réputation de mauvaises contribuables. Le rapport de la FIDH les accuse d’être les responsables du faible taux de recouvrement des recettes non fiscales de l’Etat. Le ministre de l’Energie, des Mines et de l’Eau, rencontré par la mission, a avoué « son impuissance à contrôler les acteurs privés d’un secteur attractif ». Il a plutôt fait valoir l’argument d’un Etat partenaire.
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« Troisième producteur d’or d’Afrique, le Mali ne récolte que des poussières ». Telle est l’analyse faite par les conférenciers sur la première page de leur document. Pour Me Bréhima Koné, président de l’AMDH, le Mali doit reprendre en main la gestion de son or et cela s’inscrit dans le cadre, a-t-il rappelé, de l’initiative de transparence dans l’exploitation des ressources minières.
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D’autres intervenants comme Jean-Claude Katandé n’ont pas manqué d’épingler les institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale, responsables en partie de cette situation. Les défenseurs de droit de l’homme n’écartent pas de soumettre la question au niveau des instances sous-régionales comme la Cour de justice de la Cédéao et de l’Uémoa afin d’aider les populations à entrer de leur droit inaliénable de jouissance de la richesse nationale.
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Abdrahamane Dicko
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L’affaire de Morila
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Cette mission a été inspirée par le Forum social mondial polycentrique de Bamako, tenu en janvier 2006. La FIDH, le Secours catholique et le Centre d’études sur le droit international et la mondialisation à Montréal (Cedim) avaient organisé un atelier au sujet de la responsabilité sociale des entreprises. Ce qui avait servi de tribune à d’anciens travailleurs de Morila pour dénoncer la détention de 9 de leurs camarades et d’anciens mineurs, alors incarcérés depuis plus de quatre mois. L’affaire, qui a fait grand bruit en Europe, a conduit la FIDH à ouvrir une enquête qu’elle a confiée au président de l’AMDH en avril 2006. Les enquêtes ont été élargies au respect des droits économiques et sociaux dans l’extraction de l’or au Mali et au Burkina. Le rapport du Burkina sera publié ultérieurement.
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A. D.
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