Dans nos précédentes parutions, nous évoquions le bras de fer qui oppose la population de Djidjan à la société Somilo, propriété du géant Rangold Ressources, au sujet des tuyaux de cyanure qui traversent le village. Après plusieurs tentatives, la population vient de décider d’ester en justice la Société minière. L’annonce a été faite le samedi dernier au cours d’un grand meeting tenu sur la place publique de Djidjan.
Il faut rappeler que dans le cadre du traitement des minerais, certains produits très mortels comme le cyanure et le plomb sont utilisés dans les mines. À la fin de la chaîne de traitement, ces produits passent par un tuyau vers un déversoir final. À Djidjan-Loulo, les tuyaux par lesquels passent les produits toxiques traversent le village à travers un canal. Face au manque de système d’adduction d’eau potable, les habitants et les animaux n’ont, pour leurs besoins, recours qu’à l’eau de la seule rivière qui traverse le village. Les enfants risquent donc leur vie tous les jours en jouant dans le canal qui loge les tuyaux.
En vue de prévenir toute catastrophe en cas de perforation des tuyaux, les populations de Djidjan-Loulo, à plusieurs occasions, avaient tiré la sonnette d’alarme en sollicitant le retrait des tuyaux. À travers des correspondances adressées aux autorités locales et nationales surtout le Premier ministre Moussa Mara, la communauté de Djidjan avait sollicité leur aide. Cette demande d’aide est restée sans réponse concrète. Vue l’ampleur de la situation, la population de Djidjan veut passer à la vitesse supérieure. Pour cela, elle a décidé d’introduire une plainte contre la Somilo, pour pollution de l’environnement et non respect du cahier des charges. Cette fois-ci, la population espère voir les tuyaux être retirés par la voie judiciaire. Les autorités viennent de leur donner l’occasion avec le thème de la rentrée des Cours et Tribunaux qui est : «justice et protection de l’environnement».
Au cours de cette audience solennelle, tous les intervenants ont reconnu que la protection de l’environnement au Mali souffre de l’inapplication de la panoplie de textes nationaux et internationaux ratifiés par le Mali. La communauté de Djidjan espère que cette fois-ci, elle aura gain de cause et compte sur le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita qui, lors de cette même rentrée, a déclaré que «nul ne doit plus se permettre de violer les règles élémentaires de protection de l’environnement». Et à Djidjan, la population est sûre d’une chose : son environnement est pollué et agressé par la Somilo.
La preuve a été donnée lors du meeting organisé par Niarga Kéita qui avait travaillé pendant deux ans dans le laboratoire de la Somilo. Selon lui, le cyanure qui coule dans les tuyaux a une teneur en élément toxique de 80 PPM (plus petit microbe). Or, selon les spécialistes, pour qu’un produit ne soit par dangereux, il doit avoir une teneur inferieure à 25 PPM. Pour justifier ses propos, cet ancien employé de la Somilo ajoute que c’est pour cette raison que lorsque les tuyaux se percent, la Somilo déploie des vigiles sur les lieux pour empêcher les enfants et les animaux de roder dans les parages. Une autre preuve de la dangerosité du cyanure est la mort d’un âne qui avait brouté de l’herbe près d’un tuyau percé. La rigidité cadavérique en est la preuve (voir photo).
Des témoignages qui battent en brèche les allégations du chef de village de Djidjan Kéniéba, Mogotafing Sissoko, qui affirmait lors d’une caravane de camouflage organisée par la direction de la société que le cyanure n’a tué même pas un poulet dans leur village. Tout compte fait, même si le combat entre Somilo et Djidjan ressemble à celui de David contre Goliath, la population se dit prête pour le duel.
Drissa Tiéné
ppm c'est pas plus petits microbes mais plutôt partie par millions.
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