Confrontée à la menace de l’exploitation de l’Uranium, la population de Faléa ne veut pas croiser les mains pour assister impuissante, à la pluie de malheurs planifiée pour s’abattre sur elle. De renforcement de capacité en renforcement de capacité, elle veut se faire entendre sur le terrain du respect de ses droits fondamentaux.
La Commune rurale de Faléa, située à environ 510 km de Bamako, dans le cercle de Kéniéba, est un véritable scandale géologique. Dotée d’un couvert végétal exceptionnel et traversée par plusieurs cours d’eau, le sous sol de la commune rurale de Faléa regorge de métaux précieux.
La découverte de gisements faramineux d’uranium dans ce paradis sur terre, est en passe de devenir un véritable cauchemar pour la population. Déjà abandonnée à elle-même, par un Etat qui spolie plus qu’il n’assiste, la population de la commune rurale de Faléa, loin de baisser les mains, veut se dresser comme un seul homme pour faire valoir son droit à la vie dans un environnement saint et capable de lui assurer un épanouissement adéquat. Tout porte à croire qu’elle n’a pas le choix. 80% du territoire de la commune rurale de Faléa est aujourd’hui sous l’emprise des permis miniers. Selon Malé Camara, Maire de la commune, il y a même des permis qui sont superposés sur les même surfaces.
L’Etat du Mali ou du moins ceux qui sont chargés d’animer l’administration malienne, n’ont-t-il pas fait leur choix : privilégier les sociétés minières corruptrices et piétiner les droits fondamentaux d’une population qui ne demande qu’à vivre dignement sur les terres léguées pas ses ancêtres. Dans le contexte ou le Mali de plus en plus ressemble à une société anonyme, il n’y a rien de surprenant que l’administration, dont des acteurs sont corrompus jusqu’à la moelle épinière, privilégie des intérêts sordides. Mais, au nom de la démocratie, la population de Faléa, assistée par l’Association des ressortissants et amis de la commune de Faléa (ARACEF), veut vivre débout.
Après avoir vécu avec beaucoup d’inquiétude l’arrivée des multinationales qui ont fouillé et refouillé son sol pour se faire une idée sur les potentialités annoncées, la population de Faléa est aujourd’hui dans une phase de réarmement moral et intellectuel pour faire face à la phase de l’exploitation de son sous sol. Pour cela, avec le soutien de la Fondation Rosa Luxemburg, l’ARACEF à travers sa structure technique de gestion des projets (ASFA 21), dans le cadre de son Projet de renforcement des capacités techniques de la population, des élus, de la société civile et des leaders traditionnels, a initié du 14 au 16 mars 2014, un Forum sur le développement local de la Commune rurale de Faléa.
Un forum pour jeter les jalons du développement local
Selon Nouhoum Keita, coordinateur du Projet, le Forum a pour objectif de créer un espace d’échange d’informations, de connaissances et de savoir-faire dans le domaine du développement local du Cercle de Kéniéba et de faire l’état des lieux des dégâts et des entraves causées aux initiatives de développement par les activités minières industrielles dans la Commune Rurale de Faléa. Venus d’Europe, notamment de la France, de Bamako, de Kayes, de Kéniéba et des 21 villages de la commune de Faléa, les participants au forum devaient structurer une vision d’ensemble de toutes les problématiques, identifier des objectifs stratégiques communs et des actions unitaires de tous les acteurs locaux contre les pratiques de l’industrie minière et les politiques publiques néfastes dans le secteur des mines-énergie. Ils devaient aussi assurer la cohérence et la viabilité de la lutte des populations de la Commune Rurale de Faléa et de leurs élus contre le projet d’ouverture d’une mine d’uranium sur leur territoire et renforcer les collectivités territoriales dans leur rôle de conception, de pilotage et de coordination des projets, programmes et actions de développement local. Dés l’entame des travaux, M’ba Fily Daga Keita, Chef de village de Faléa, a sollicité le soutien de tous les participants au forum, pour aider Faléa à faire face aux énormes difficultés qui l’assaillent dans son processus de développement. « Quand le projet d’exploration de l’uranium est arrivé à Faléa, je me suis opposé, parce que l’Etat malien n’a pas pris la peine de nous informer. Nous n’attendons que l’Etat face les choses dans les formes. L’Etat doit nous dire pourquoi ils sont-là et les conditions de leur établissement sur nos terres », a-t-il déclaré.
Pour sa part, Malé Camara, Maire de Faléa, après avoir soutenu que 80% de la superficie de sa commune est sous l’emprise de permis, a indiqué que les sociétés débarquent à Faléa sans informations préalables et se mettent à fouiller le sol comme elles veulent. « Tellement la corruption est passée par-là, il y a même des superpositions de permis », a-t-il indiqué. Mais, il reste convaincu que si les services techniques de l’Etat avaient collaboré avec les communes dans l’attribution des permis, cela allait régler beaucoup de chose. Cheick Oumar Camara, Premier vice-président du Conseil de cercle de Kéniéba, a invité la population de Faléa à la mobilisation pour renverser la tendance qui consiste à la confiner sur seulement 20% du territoire de la commune. « Nous allons nous battre pour qu’on nous rende une partie de ce qui nous appartient », a-t-il déclaré. Avant de soutenir que Kéniéba ne doit plus se focaliser que sur les ressources minières, parce que le cercle a un potentiel agricole à valoriser. Soumaïla Sangaré, Sous-préfet de Faléa, a ensuite salué l’initiative du forum, avant d’inviter les participants à des réflexions fructueuses pour le développement de la commune.
Assane Koné