Depuis plus de 20 ans, le Mali est engagé dans un processus de décentralisation. Cette initiative qui rime avec l’avènement de la démocratie, devrait permettre la participation efficiente des populations dans le développement local. Malheureusement depuis bientôt 20 ans, l’on a souvent l’impression de tourner en rond. Chose grave, les autorités locales que ce soient les maires, les chefs de villages et les notabilités, ils sont souvent des spectateurs lors de la prise de certaines décisions qui vont affecter durablement leur vie. L’ARACF née dans le cadre de l’initiative étatique de faire précéder l’exploitation de l’uranium dans la commune de Faléa, d’une exploration, veut aujourd’hui jouer un rôle d’avant-garde dans le cercle de Kéniéba. Doté d’un potentiel exceptionnel en matière d’agriculture, si des dispositions exceptionnelles ne sont pas prises, le cercle de Kéniéba risque de ne pas pouvoir se nourrir. Les habitants du cercle de Kéniéba, ont tendance à ne se consacrer qu’a l’exploitation minière et les champs de productions agricoles sont abandonnés. A cela quand on ajoute tous les problèmes de santé, de sécurité, de pollution des cours d’eau et de destruction de l’environnement, sans risque de se tromper l’on peut dire que Kéniéba est assis sur une bombe. C’est conscient de cela que l’ARACEF et son partenaire Rosa Luxemburg, ont décidé d’initier des activités de sensibilisation et d’encadrement de la population afin qu’elle défende mieux ses droits. A cet effet, la conférence débat grand public organisée au Conseil de cercle de Kéniéba, a enregistré la participation de la quasi totalité des chefs de villages et de quartiers de la Commune de Kéniéba. Animée par le Pr Issa Ndiaye du Forum Civique, Nouhoun Keita de l’ARACEF, Cheick Oumar Camara, Premier vice Président du Conseil de cercle de Kéniéba et El Béchir Singaré de Amnesty International, aux dires des participants, la conférence fut bénéfique. D’entrée de jeu, le Professeur Issa Ndiaye a indiqué que les occidentaux sont riches de nos ressources naturelles, alors que nous peinons à amorcer le développement chez nous.
Malgré les 2/3 des ressources minières, l’Afrique est pauvre
« Les Etats africains ont 2/3 des ressources minières du monde. Mais, les africains n’ont que les maladies et la pauvreté », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter que la crise du nord du Mali n’est que la matérialisation de la conquête des ressources naturelles de notre pays. « Vous verrez, ils vont tous motiver la rébellion par la souffrance des touaregs, mais personne ne nous dira d’où viennent les armes utilisées dans la rébellion, du moment que les touaregs ne les fabriquent pas », a-t-il indiqué. Avant de déclarer que « la guerre du nord est une guerre pour le contrôle des richesses du Mali ». Le Pr Issa Ndiaye dira que d’une façon générale Kéniéba contribue de façon exceptionnelle au budget national, sans que les populations de la localité ne voit le développement. « Il faut créer un cadre de réflexion nationale pour que les filles et fils du Mali se donnent la main pour sauver le Mali des prédateurs », a-t-il conseillé. Le Pr Issa Ndiaye a rappelé que l’ARACEF veut mobiliser les populations de Kéniéba, dans l’attente et la paix, pour réfléchir sur des stratégies qui vont permettre que l’Etat prenne en charge leurs préoccupations pour le développement. Il a aussi indiqué que l’Etat du Mali part du principe que nous sommes incapables d’exploiter nos richesses par nous même pour notre développement. « Il est convaincu qu’il faille faire appel aux capitaux étrangers », a-t-il indiqué. Face à une telle politique, le Pr Issa Ndiaye estime que le premier combat, c’est la relecture du code minier. Mais, il reste convaincu que cela ne peut pas se faire sans le peuple malien. « Il faut que les maliens se donnent la main pour que l’exploitation des ressources nationales se fasse dans le sens du développement du pays », a-t-il conclu. Pour sa part, El Béchir Singaré a invité les populations de Kéniéba a conseillé les jeunes à reprendre les habitudes traditionnelles d’exploitation minière. En un mot, il a invité les populations à arrêter l’orpaillage pendant l’hivernage pour s’occuper des travaux champêtres. Mais, il reste persuadé qu’il y a un gros travail pour que les populations sachent leurs droits. Et, pour dire que El Béchir Singaré a raison, Modibo Sissoko, ancien Président de la jeunesse de Kéniéba, a indiqué que l’Association des femmes de Kéniéba est confrontée à un problème qui n’aurait jamais eu lieu si elles connaissaient leurs droits. Selon lui, la mine de Tabakoto réclame la somme investie sous forme de don pour l’aménagement d’un jardin maraicher au profit des femmes. Quand à Sékou Sissoko, représentant du chef de village de Djoufoudougouni, a estimé que l’exploitation minière dans le cercle de Kéniéba n’arrange personne. Selon lui, les mines ne sont pas là pour le développement des localités. « Elles s’accaparent de nos terre sans notre avis et nous végétons dans une misère indescriptible : pas de courant, pas d’eau potable, pas de production agricole, pas d’infirmerie digne de nom et pas de travail pour nos enfants », a-t-il estimé. Faféré Samaké, secrétaire général du syndicat des enseignants de Kéniéba, n’arrive pas à comprendre les exonérations fiscales que l’Etat accorde aux sociétés minières pendant les premières années d’exploitation. Bamoussa Sakiliba, Présidente des femmes, a estimé que l’exonération de trois ans que l’Etat accorde aux sociétés minières, est une véritable perte pour notre pays. « Si l’Etat malien refuse de percevoir des taxes sur trois ans auprès des sociétés minières, l’Etat doit prendre des dispositions pour compenser les collectivités qui souffrent de leurs activités », a-t-elle estimé. Cheick Oumar Camara pense que la responsabilité des différents gouvernements maliens est engagée, à cause de la corruption à ciel ouvert qui plombe la préservation des intérêts des populations. Face à tous ces problèmes, le Pr Issa Ndiaye va les inviter à imiter Faléa qui a mis sur pied l’ARACEF pour la défense des ses intérêts. « L’union sacrée est la pierre angulaire de votre réussite. Ayez une volonté de vous battre pour le développement de votre localité, mais ayez une très bonne stratégie qui vous garantirait des succès », a-t-il indiqué. Avant d’inviter les uns et les autres à cesser d’appeler l’aide extérieure. « Aidons nous, nous même. C’est la meilleur aide », a-t-il conclu. Pour sa part, El Béchir dira que le changement doit être individuel, avant d’être collectif. « Organisez-vous pour réclamer le respect de vos droits économiques, socio et culturels », a-t-il conseillé.
Assane Koné