Comme le vent de la démocratie, la création des caisses de micro crédit suscita l’espoir en Afrique. Sans se tromper, on peut dire que les défenseurs du multipartisme ont crée ces micro finances pour accompagner ce vent nouveau qui a soufflé sur le continent.
Le micro- crédit est né en 1974 au Bangladesh à l’initiative d’un professeur d’économie, Muhammad Yunus par le prêt de petites sommes à des tresseurs de paniers puis à des femmes jusqu’à la création de la Grameen Bank (Banque du village). C’est un prêt de faible importance accordé dans les pays moins avancés (PMA) aux populations pauvres n’ayant pas accès aux crédits bancaires, pour faciliter le développement d’une petite entreprise ou l’achat d’outils de travail. La Grameen Bank disposait en 2005 de 1400 succursales dans le pays.
En Afrique comme ailleurs, le micro- crédit est surtout l’affaire des femmes. Elles assument généralement la majeure partie du petit commerce, en particulier dans l’alimentation locale (légumes, poisson, brochettes ou beignets, et même à longue distance (ventes de pagnes de Cotonou sur les marchés du sahel par exemple).
Au Mali, 97 institutions financières de micro- crédit sont agrées. Toutes les régions sont couvertes même si la densité de couverture est faible dans les régions du Nord. Selon les plus hautes autorités du Mali : « le micro crédit est un moyen efficace de lutte contre la pauvreté ».Qui sont les promoteurs de ces caisses d’épargne de crédits ? C’est là, toute la problématique d’une bonne gestion des fonds. Le nombre global de sociétaires des institutions de micro finance s’élève à 831071 dont 475952 hommes et 313256 femmes réunis au sein de 41863 groupements. Au Mali, le taux annuel moyen de remboursement des micro- crédits ne dépasse pas les 25% (2005). Le remboursement est hebdomadaire et le crédit est renouvelé contre le dépôt d’une petite épargne qui permet d’enrichir la caisse et d’emprunter peu à peu des sommes importantes. Ces prêts sont le plus souvent accordés à des femmes réunies en tontines.
En 2003, la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) estimait déjà que 3,7 millions d’Africains bénéficiaient du micro- crédit. Jemeni est le nom de l’une des institutions de micro crédit, il couvre le territoire, son réseau compte des milliers de sociétaires. Elle s’était taillée une grande notoriété auprès de sa clientèle après quelques années d’existence. Jemeni se classait deuxième après Nyèsigiso en matière du nombre croissant des actionnaires.
Mais à partir de fin 2009, le réseau de micro- crédit Jemeni traverserait des crises de trésorerie si on croit aux informations recueillies auprès de certains actionnaires : AK dit avoir déposé 4.600.0000 F CFA en 2007, KS, 1.760.000 F CFA en 2007 et NC 700 000 F CFA en 2004. Au moment où nous mettions sous presse, ces clients courraient toujours entre les différentes caisses pour rentrer en possession de leur dû. Mais impossible. Informé, nous avons joint au téléphone des responsables de la caisse Jemeni qui ont fui notre entretien.
Comment en est-on arrivé là ?
Selon les actionnaires interrogés par nos soins, Jemeni remboursait chaque semaine 20 .000 F CFA à tous les clients qui avaient des dépôts. Cette somme a été diminuée à 15000 F CFA plus tard. De nos jours, toutes les caisses Jemeni dans le district de Bamako seraient en cessation de paiement. Et pour cause ? Selon toujours les mêmes sources, l’ancienne administration (dont le directeur serait en fuite à Paris) aurait décaissé tous les sous pour les investir dans la construction d’écoles privées à Bamako et à l’intérieur. D’où la faillite du réseau Jemeni, soutiennent nos sources. Et l’évidence n’a pas démenti cette déclaration.
Récemment, le ministre de l’Economie et des Finances n’avait-il pas affirmé que des fonds sont disponibles pour renflouer les caisses de micro- crédit afin de les permettre de combattre la pauvreté ? L’enrichissement des uns, appauvrissement des autres créent des déséquilibres intolérables : crise- blocage, révolution. D’une façon ou d’une autre, il faut trancher.
Les récentes tournures prises par Jemeni ressemblent à celles de la tontine de Badiallo.
Amy SANOGO