Marché financier: Le pays va très mal

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Le vote de soutien de l’ONU à la force d’intervention de la CEDEAO peut mettre en confiance les investisseurs étrangers et les bailleurs de fonds classiques.

Tiénan Coulibaly, Ministre de l’Economie, des finances et du Budget

Mais, une chose est sûre : la relance de l’activité économique n’est pas dans l’immédiat.

En dépit les divers rabattements fiscaux incitatifs visant à stimuler notre économie, mais faute de carburant dans le réservoir, à présent la grosse machine peine à redémarrer. Comme quoi, la crise économique ne se résout pas au même rythme que la crise politique. Surtout dans dons notre cas. L’irruption des militaires dans l’arène politique à la faveur du coup de force du 22 mars dernier contre le régime finissant d’ATT a entraîné notre pays dans un profond précipice. Les grands argentiers du monde se sont détournés de la destination Mali. Depuis lors, les principales sources d’approvisionnements en liquidité nous sont fermées au nez. L’argent n’aime pas le brut, dit-on dans le petit univers fermé des financiers.

Il faut rappeler qu’au lendemain du coup d’état, la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) et les principaux partenaires techniques et financiers occidentaux ont annoncé qu’à l’exception des volets humanitaires, toutes les autres formes de coopérations techniques et économiques seront suspendues avec notre pays. La mesure s’est traduite par la suspension des décaissements en instances ou à venir pour le financement des projets et programmes en cours d’exécution. Or, notre économie est supportée à plus de la moitié par les financements extérieurs. Ainsi, faute d’argent, toutes les entreprises sont arrêtées. Les quelques rares entreprises qui résistent encore à la crise tournent au ralenti avec le strict minimum. Conséquence : le marasme économique s’installe. Les ménages peinent à trouver de quoi vivre. La plupart de nos compatriotes (des ouvriers artisans ou manœuvres dans les chantiers de construction) vivent au jour le jour.

La récente visite du ministre de l’économie et des finances, Tiéna Coulibaly, au siège des Institutions de Breton Woods (la BM et du FMI) à Washington pour renouer le fil du dialogue suscite certes l’espoir. Mais, Une chose est de reprendre les discussions, la reprise de la coopération en est une autre. Car, dans les procédures de la Banque, la suspension du partenaire est une décision facile à mettre en œuvre, mais à l’inverse, le processus de la reprise est un mécanisme complexe et trop lourd à se mettre en place. Ce qui fait que la relance de l’activité économique n’est pas dans l’immédiat.

Il faut signaler que le coup d’état du 22 mars s’est greffé à une situation déjà délétère. Pendant plus d’une année, notre pays vivait une partition de fait et en quarantaine du fait de certaine presse occidentale à la solde de leur chancellerie. Les trois régions septentrionales et une grande partie des régions de Mopti et Kayes, qui sont toutes deux dans la même bande sahélo-saharienne étaient déclarés zones rouges par la France de Nicolas Sarkozy. Du coup cette partie, qui constitue les ¾ de notre territoire était interdite à leur ressortissant. Ainsi économiquement affaiblie et militairement déserté par nos forces armées et de sécurités du fait des multiples accords insensés signés avec nos Autorités, l’occupation de notre pays était devenue une opération banale. Stratégie ou pas, en tout cas, la mise en quarantaine de septentrion a permis aux sbires du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) d’introduire le maximum de matériels de guerre sur notre territoire et de prendre position au tour de certaines grandes villes du septentrion : Ménaka, Aguelhok et Tessalit.

La guerre du nord a fini par un climat de peur autour de pays, qui était inscrit sur la liste des pays à risque par les agences de notation internationale. Du fait de cette peste contagieuse notre pays est fui par les grands investisseurs étrangers, notamment occidentaux. À Paris, où il s’était rendu dernièrement pour démarcher des partenaires potentiels, le directeur général de la Société de gestion et d’intermédiation (SG-Mali), Karim Bagayoko s’était vu opposé une fin de non recevoir par des partenaires. Or quelques mois plutôt, ceux-ci avaient manifesté leur intention de visiter notre pays. La destination Mali était très prisée, les investisseurs se bousculaient à notre portillon. Ils étaient intéressés par notre immense ressource minière. Le potentiel est énorme et le secteur reste largement ouvert. À cela s’ajoute le code minier, dont les avantages fiscaux épatent les investisseurs. C’est pourquoi malgré la crise, certains voulaient braver l’interdit et venir voir des opportunités d’investissement.

Selon notre interlocuteur, leur optimisme se fonde sur des signaux positifs actuels qu’envoie le pays au reste du monde. Ils estiment ainsi que le climat des affaires s’améliore progressivement. Mais, ces investisseurs optimistes ne regardent pas dans la direction que leurs conseils juridiques. Ceux-ci estiment que le risque pour notre pays est encore trop élevé. Leur appréhension est fondée sur la grande influence des militaires dans le jeu politique, mais surtout la position dominante des islamistes dans le septentrion du pays, qui est inquiétante. Car pour eux, les djihadistes peuvent faire irruption dans les grandes villes du sud à tout moment. Or, de telle hypothèse n’est plus envisageable.

En effet, la menace d’invasion du sud par les islamistes semble s’éloigner, depuis le vote aux Nations unies par le Conseil de sécurité d’une résolution en faveur d’un soutien de l’Onu à une force ouest africaine d’intervention pour déloger les islamistes du nord de notre pays. Selon Karim Bagayoko, l’annonce du déploiement de cette force d’intervention de la CEDEAO peut mettre en confiance les investisseurs étrangers les plus hésitants. Elle peut avoir aussi un effet d’entraînement sur les bailleurs de fonds classiques, notamment la BM et le FMI.

 

Mohamed A. Diakité

 

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