Quel sale temps pour IBK et son gouvernement ! Alors que certains jettent un regard dans le rétroviseur pour regarder le chemin parcouru un an après son élection, chez d’autres, y compris ceux qui ont voté RPM, l’enthousiasme est en berne. Dans la presse, dans l’opposition politique, sur les réseaux sociaux, IBK est devenu la proie de la flamme des critiques, des crises de colère et de déception. Sur le réseau social Facebook, bastion de la propagande et royaume de la pourriture, des jeunes « facebookistes » ont même créé une page « Anfilila » (on s’est trompé…de choix ?) qui souligne le désaveu à l’égard de celui qui prétendait incarner le changement. Aujourd’hui, l’agitation sociale émerge comme un trait rouge contre l’incroyable dilettantisme de ceux qui détiennent les leviers du pouvoir.
La grève de L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), organisation syndicale malienne la plus importante, a lancé cette agitation. 48h de grève générale la semaine dernière. Après un dialogue de sourds avec le gouvernement qui, au cours des négociations, a estimé impossible de procéder à une hausse salariale et une baisse tarifaire, puisque que les caisses de l’Etat sont vides, et le pays sort à peine d’une crise multidimensionnelle. Le syndicat ne voyait pas les choses sous cet éclairage, et était d’avis que « Tout près de nous, le problème casamançais existe depuis des années. Mais il n’a pas empêché les gouvernements successifs sénégalais de faire face aux problèmes de leurs travailleurs. C’est une question d’appréciation. Au-delà de ça, ce n’est pas parce qu’il y a cette crise au nord qu’il faut oublier les problèmes existentiels qui ont pour noms : cherté de la vie, problèmes de l’armée et de l’école, entre autres. S’il faut prendre des armes pour se faire écouter, l’UNTM a dit que dans un Etat démocratique, il y a d’autres voies qui s’offrent à elle pour le faire : nous utilisons l’arme qu’est la grève. (1) »
On dira ce qu’on voudra, mais cette grève de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) a mis à nu une mauvaise gestion de la communication, des consultations du gouvernement, et signé l’arrêt d’une mort probable du dialogue social. On est vraiment en droit de se demander pourquoi c’est après le dépôt du préavis de grève de l’UNTM qu’une commission de médiation a pris naissance.
L’UNTM a tout simplement montré à ses militants que l’Union est debout, alors que le gouvernement a montré, à tous, qu’il est couché. Car, cette grève, qui a causé une perte de plusieurs milliards de FCFA pour l’économie nationale, pouvait être évitée. On ne serait pas dans la situation d’impasse actuelle.
Alors qu’un accord avec le syndicat des travailleurs n’est pas encore trouvé, le Groupement des commerçants maliens (GCM) et le Syndicat national des commerçants détaillants du Mali (Synacodem) n’ont pas fait mystère non plus de leur désapprobation vis-à-vis de nouvelles mesures contenues dans la circulaire n°14-0025/MEF/DRPPV adressée aux directions régionales des douanes. Ces nouvelles dispositions sur le dédouanement, visent tout simplement à mettre à contribution la douane et les impôts après que le FMI et la Banque Mondiale eurent gelé l’aide qu’ils devaient allouer à notre pays. Voilà les raisons de la dégradation de la relation entre les commerçants et les douaniers qui ont appliqué ces dispositions sans même avertir.
Interrogé par Les Echos, Ousmane Guittèye, vice-président du GCM, a déploré que “la douane s’est bornée à mettre en œuvre automatiquement la nouvelle mesure sans concertation, refusant même la clause transitoire”, et que « la note sera très salée pour le consommateur qui va payer les marchandises au triple de leurs prix actuels si la mesure était imposée. »
Plus de 2000 camions garés aux frontières laissent entrevoir un risque de pénurie de denrées alimentaires et de biens de consommation. Pour couronner le tout, une menace des commerçants d’aller en grève si les mesures ne sont pas levées.
Après les travailleurs, les commerçants, au tour de quelle catégorie de la société de se gendarmer contre un gouvernement qui, selon l’interprétation la plus partagée, fait les frais « d’une mauvaise gouvernance financière »…
Quel sale temps… ! D’ores et déjà, il y a lieu d’être craintif devant cette ébullition sociale. Là où il faut être un peu plus inquiet, c’est de dire qu’une hausse du prix des denrées de première nécessité contient tous les ingrédients d’une grogne sociale aux conséquences fâcheuses.
(1) YACOUBA KATILE, SG DE L’UNTM A L’ISSUE DE LA GREVE DE 48 H
“L’Etat avance la crise du Nord pour masquer la réalité”, Les Echos
Boubacar Sangaré