Le phénomène de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme a pris des proportions démesurées dans notre pays. Tenez-vous bien, depuis sa prise de fonction à la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), il y a deux ans seulement, le Président de cette structure, l’ancien ministre Marimpa Samoura, a déjà reçu 200 déclarations de soupçon de blanchiment de capitaux et de financement terrorisme.
Sur lesquelles 24 dossiers ont été transmis à la justice, qui ont connu 4 condamnations lors de la dernière session des Assises de la Cour d’Appel de Bamako. Ces informations ont été données par le Président de la CENTIF lors de l’atelier de sensibilisation à l’intention des journalistes sur ces phénomènes, le 7 juillet dernier à la Maison de la presse.
Face à l’importance du fléau dans notre pays, le Président de la CENTIF a invité les populations à l’éveil des consciences et à avoir le courage de dénoncer les soupçons de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Selon lui, ce n’est pas égoïste que de dénoncer ceux qui font la fraude fiscale ou ceux qui se livrent à des détournements de deniers publics.
«Pour les Maliens, c’est normal qu’un agent des douanes ou qu’un travailleur des impôts puisse construire des maisons par ci et par là. Sur quelle base? Entre celui qui doit payer 10 millions d’impôt et qui s’arrange à payer seulement 2 ou 5 millions à l’Etat et celui qui le dénonce, qui est le plus égoïste?», s’est-il interrogé, appelant à l’éveil des consciences avant que le phénomène ne détruise notre économie.
Il également a relevé que le blanchiment ne se limitait pas à la vente de la drogue. Selon lui, le phénomène a gangréné tous les secteurs d’activité de notre pays. C’est pourquoi il a en a appelé à la vigilance afin de démasquer ces malfrats. D’où l’idée de ce partenariat qu’il a scellé avec la presse, pour informer et sensibiliser l’opinion sur ce danger qui mine notre société. Selon lui, en initiant cet atelier, il s’agissait d’imprégner les journalistes du concept de blanchiment.
«Comment comprendre que la Côte d’Ivoire et le Sénégal, plus industrialisés que le Mali, paient respectivement à l’UEMOA 30 et 15 milliards FCFA sur la base de leurs importations et que notre pays ne paie que 5 milliards de FCFA? Cela veut dire que notre pays importe moins que ces deux pays. Il y a quelque chose qui ne va pas. Nous devons tous prendre notre responsabilité et agir», a-t-il déclaré.
Rappelons que la CENTIF a pour mission le traitement et la transmission d’informations en vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. A ce titre, elle «est chargée notamment de recueillir, d’analyser, d’enrichir et d’exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration ou d’une information reçue, au titre des dispositions des articles 15, 36, 43, 70, 79, 80, 86 et 111 de la Loi sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, reçoit également toutes autres informations utiles nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment celles communiquées par les autorités de contrôle ainsi que les officiers de police judiciaire, qu’elle traite, le cas échéant, comme en matière de déclaration d’opération suspecte, peut demander la communication, par les assujettis ainsi que par toute personne physique ou morale, d’informations détenues par eux et susceptibles de permettre d’enrichir les déclarations de soupçons».
La CENTIF est la seule structure habilitée à recevoir les déclarations de soupçon au Mali. On ne peut lui opposer le secret professionnel dans l’exercice de ses missions. Elle doit en retour garantir la confidentialité des informations qu’elle reçoit des assujettis. Elle traite et analyse immédiatement les informations recueillies et procède, le cas échéant, à des demandes de renseignements complémentaires auprès du déclarant, des autres assujettis, des Cellules de Renseignement Financiers étrangères ainsi que de toute autorité publique et / ou de contrôle.
Lorsque ses investigations mettent en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment du produit d’une activité criminelle ou du financement du terrorisme, la CENTIF saisit le Procureur de la République. C’est ce sens qu’elle a déjà transmis à la justice 24 dossiers, sur lesquels il y a déjà eu 4 condamnations à des peines diverses.
Youssouf Diallo