Les saisies sont régies par l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et de voies d’exécution (PSRVE) de l’OHADA. Qu’est ce qu’une saisie ? Quand y a-t-on recourt ? Quelle est la forme appropriée de saisie en fonction de la décision dont on dispose ? Voila autant de questions, entre autres, que pourraient se poser un justiciable soucieux du recouvrement de son dû qui semble compromis.
Les voies d’exécution sont constituées par l’ensemble des règles juridiques permettant à un créancier non payé amiablement par son débiteur de contraindre celui-ci à s’exécuter, au besoin avec l’aide de la force publique. Les voies d’exécution ne sont pas faites pour les débiteurs de «bonne foi», même si celle-ci est présumée, qui s’exécutent volontairement car redoutant l’intervention de l’huissier. Ne dit on pas que la crainte du gendarme est le commencement de la sagesse ?
La philosophie du législateur OHADA est de restaurer la sécurité juridique de l’investissement en Afrique et aussi de lutter contre l’insolvabilité du débiteur c’est pourquoi il a mis à la disposition du créancier (personne à qui on doit de l’argent) une panoplie de moyens lui permettant de recouvrer, de force, avec l’aide d’un auxiliaire de Justice qu’est l’huissier ses avoirs sur le débiteur (personne qui doit de l’argent).
Notre article sera consacrée uniquement sur les saisies portant sur les sommes d’argent au niveau des banques, fournisseurs, Maître d’Ouvrage, Trésor Public, employeur, toute personne ou entreprise pouvant détenir de l’argent pour le compte du débiteur, il s’agit des Saisies Attribution et Conservatoire des Créances.
Les règles communes à toutes les saisies
rnSeul l’Huissier de Justice est autorisé à pratiquer les différentes saisies et seuls les juges tranches les contestations et ce, conformément aux dispositions de l’article 169 et suivants de l’OHADA sur les PSRVE.
Dans toutes les saisies, qu’elle porte sur une somme d’argent, un bien meuble corporel ou incorporel, un pied de récolte….., le créancier saisissant doit justifier d’un titre l’autorisant à saisir. L’ordonnance du Président du Tribunal, qui n’est plus valable après 3 mois, est nécessaire pour la saisie conservatoire des créances et la saisie conservatoire portant sur les biens meubles corporels et incorporels. Par contre un titre exécutoire est obligatoire pour les autres formes de saisies dont la saisie attribution. Dans la rubrique des titres exécutoires, nous pouvons retenir, les décisions de justice de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif revêtu de la formule exécutoire dont les ordonnances portant injonction de payer, les protocoles d’accord homologués, les extraits de procès verbaux de conciliation du juge, les actes notariés revêtu de la formule exécutoire, les protêts délivrés par un Huissier ou un Notaire.
rnLes Acteurs de la Saisie Attribution et Conservatoire des créances
rnTrois acteurs animent le processus des saisies attribution et conservatoire des créances. Il s’agit d’un sujet actif qu’est le créancier saisissant, d’un sujet passif qu’on appelle le débiteur saisi et d’un simple exécutant dénommé Tiers Saisi sur lequel pèse une très lourde responsabilité qui peut aboutir au paiement de la créance à la place du débiteur principal en cas de violation des dispositions de l’article 156 de l’OHADA sur les PSRVE.
rnLe Créancier Saisissant
rnL’OHADA offre la possibilité à «tout créancier» qu’il soit chirographaire, privilégié, gagiste ou hypothécaire de pratiquer une saisie sur les biens ou les sommes d’argent de son débiteur.
rnLe Débiteur Saisi
rnLe principe général qui tire son origine de l’adage, «Nul n’est au dessus de la loi», est que tout débiteur peut être saisi mais uniquement sur ses biens ou ses avoirs personnels.
Le Tiers Saisi
rnEn pratique, bien qu’on n’ait pas une définition exacte, c’est toute personne ou structure (privée ou publique) entre les mains de laquelle on pratique la saisie. Cependant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) dans son arrêt célèbre N° 009/2005 du 27 janvier 2005 (Affaire Société Afrocom c/ Citibank) a défini le Tiers Saisi «comme la personne qui détient des sommes d’argent dues au débiteur saisi en vertu d’un pouvoir indépendant, même si elle les détient pour le compte d’autrui». La Haute Juridiction avec cet arrêt impose l’existence d’un rapport d’obligation entre le débiteur saisi et le Tiers Saisi même si l’inexactitude de la déclaration est établie.
rnLa Saisie Conservatoire des Créances (art.54 et suivants de l’OHADA sur les PSRVE)
rnA défaut de titre exécutoire, le créancier ne peut recourir qu’à la saisie conservatoire des créances pour la préservation de ses droits. L’exigence légale étant que la «la créance paraisse fondée en son principe et prouver la menace qui plane sur son recouvrement» conformément à l’article 54 ci-dessus. L’expression «paraisse fondé en son principe» est interprétée dans la pratique comme toute preuve attestant de la créance comme par exemples une reconnaissance de dette, un bon, une facture non acquittée… Elle a pour objet de rendre indisponible une somme d’argent en attendant une décision au fond plus communément appelée jugement de validation de la saisie conservatoire qui doit intervenir au plus tard un (01) mois après la saisie. La preuve étant libre en matière commerciale, tous les moyens seront recevables pour prouver de l’existence de la créance à l’audience.
rnL’huissier de Justice sur qui pèse toute la responsabilité du respect des dispositions de l’OHADA mènera jusqu’à son terme la procédure de saisie c’est-à-dire au paiement de la somme d’argent par le tiers saisi plus communément appelée main vidange. Il faut signaler qu’entre la signification de l’ordonnance au Tiers saisi et le paiement il s’écoulera au moins un délai de 45 jours sans préjudice des procédures dilatoires (demande de main levée, délai de grâce, contestation de créance, défense à exécution et réédition des comptes.
La Saisie Attribution des Créances (art. 153è suivants de l’OHADA sur les PSRVE)
La saisie attribution des créances a remplacé la saisie arrêt de l’ancien code de procédure civile commerciale et sociale du Mali. Contrairement à la saisie conservatoire des créances, on ne peut y recourir qu’avec un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. La Haute Juridiction a donné une définition claire de ces deux principes dans l’Arrêt N° 021/2004 du 17 juin 2004 dans l’Affaire SDV Côte d’Ivoire c/ Société RIAL TRADING. Elle édicte que la «créance est liquide lorsqu’elle est évaluée en argent» et aussi qu’il y a exigibilité «lorsque le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou condition susceptibles d’en retarder ou d’en empêcher l’exécution ». Le délai de main vidange parle Tiers saisi est au moins de 30 jours à compter de la dénonciation, sauf autorisation expresse du débiteur de payer avant terme.
rnLes diligences obligatoires du Tiers Saisi Banquier
rnLe banquier court un énorme risque dans la gestion des saisis depuis la notification jusqu’au paiement. Pour en tirer quoi ? Le banquier dont le rôle est de facturer tous les services assume cette tâche combien risqué GRATUITEMENT sans contrepartie. Quelles sont ses obligations ?
rnD’abord le banquier vit sous la hantise des dispositions de l’article 156 de l’OHADA sur les PSRVE à la notification du PV de saisie (de quelque nature que ce soit). Il doit répondre soit «directement» soit au plus tard «dans un délai de 05 jours, si la notification n’est pas faite à personne» au risque de se voir condamner des «causes de la saisie en cas de déclaration inexacte, incomplète et tardive».
La difficulté de cet article réside non seulement dans le risque que courent les banques mais aussi dans son interprétation par le juge. Une banque avec plus de 25 agences et bureaux peut elle prendre le risque de répondre sur place ? La réponse est bien évidemment NON puisse que l’article 156 ci-dessus condamnerait aux causes de la saisie en cas de réponse inexacte. Certaines banques de la place par le passé, ont été condamnées, soit pour n’avoir pas répondu, soit pour avoir répondu tardivement malgré que le débiteur n’ait pas de compte ouvert en son sein. La CCJA a rassuré les banques dans son arrêt N° 009/2005 du 27 janvier 2005 en imposant, comme préalable, l’existence d’un rapport d’obligation entre le débiteur saisi et le Tiers Saisi pour répondre des causes de la saisi.
Quelle interprétation fait t on de la «notification à personne»? Le Décret N° 09-220/P-RM du 11 mai 2009 portant modification du Code de procédure Civile, Commerciale et Sociale dans son article 763 a donné une définition de la signification à personne en ces termes : «La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute personne habilitée à cet effet». Cependant certaines banques de la place ont été condamnées aux causes de la saisie pour avoir observé le délai de 05 avant de répondre à la saisie.
rnEnsuite, le banquier doit veiller sur toutes les remises de chèques faites sur le compte du débiteur saisie et arbitrer parmi ceux qui entrent dans le champ d’application ou pas selon que les remises aient été faites antérieurement ou postérieurement à la saisie conformément à l’article 161 de l’OHADA sur les PSRVE. En cas de diminution de sommes saisies, après le traitement de la remise, le banquier est tenu d’en informer l’huissier dans un délai de 08 jours avec copies de toutes les pièces justificatives.
Enfin, en cas de paiement, le tiers saisi doit s’assurer qu’il n’y a aucune contestation en cours et se prémunir de documents attestant de cela conformément à l’article 164 de l’Acte Uniforme sur les PSRVE sous peine d’engager sa responsabilité. Le banquier se retrouve souvent avec deux documents, de deux Juridictions différentes, pour une même affaire donnant des instructions contraires. Le banquier n’étant pas habilité à interpréter se trouve dans l’obligation de prendre une décision au risque d’engager sa responsabilité auprès de la Juridiction dont la décision n’a pas été prise en compte.
La gestion des saisies étant très complexe et risquée pour le banquier, il y a lieu de mettre en place une procédure avec un tableau de bord des différentes étapes afin d’éviter le pire.
rnBirama FALL
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