La fraude et la corruption sont érigées en mode de gouvernance à la Paierie générale du Trésor public. C’est du moins le constat fait par le rapport du Vérificateur général couvrant la période 2014-2017.
Occupant une place centrale dans l’exécution des dépenses publiques de par sa responsabilité de comptable assignataire des ordres de paiement émanant de tous les ordonnateurs délégués de la portion centrale du Budget d’Etat, à savoir toutes les Institutions, tous les ministères et organismes personnalisés, la Paierie générale du Trésor est indexée par le Vérificateur général comme une machine de destruction du denier public.
Dans son dernier rapport, le bureau du Vérificateur dénonce la légèreté, la mauvaise gestion et la corruption de la Paierie générale du Trésor. Ce, à travers les paiements des dépenses avant ordonnancement.
Dans le document, indique-t-on, de janvier 2014 au 30 juin 2017, la Paierie générale du Trésor (PGT) a décaissé 42,22 milliards de FCFA au titre des dépenses payées avant ordonnancement. Aussi, les missions de vérification du Bureau du Vérificateur Général ont révélé des irrégularités dans la gestion des opérations de paiement et d’encaissement.
De nombreux dysfonctionnements et des irrégularités financières qui se sont caractérisés par des manquements dans le dispositif de contrôle interne ainsi que dans les opérations de paiement des avances sont aberrants.
« La PGT n’exerce pas tous les contrôles requis en matière de paiement des dépenses avant ordonnancement. Contrairement à la réglementation en vigueur, elle n’exige pas de pièces justifiant le service fait sur des avances octroyées aux différents ordonnateurs. Lesdites avances sont régularisées par mandats budgétaires sous-tendus uniquement par des décisions de mandatement qui sont insuffisantes pour justifier les dépenses telles que les frais de mission, de formation, d’achats de matériels et de fournitures diverses. L’inobservation de ces dispositions, qui constituent des motifs de rejet, ne permet pas à l’Etat de s’assurer de l’effectivité des dépenses concernées », s’offusquent les services de contrôle du BVG.
La PGT approvisionne irrégulièrement des régies d’avances. Dans le cadre du paiement de dépenses avant ordonnancement, elle a mis à la disposition du Régisseur spécial de la Primature en 2016 des montants de 80 millions de FCFA et par deux fois 200 millions, par opération individuelle, alors que la limite est fixée à 50 millions de FCFA. De plus, le total des avances payées audit régisseur pour la même période s’élève à 508,10 millions, supérieur au seuil de 416 millions fixé par l’arrêté de création de la régie spéciale. L’inobservation des dispositions instituant les régies n’est pas de nature à assainir la gestion des fonds publics, précise le rapport.
Comme si cela ne suffisait pas, enfonce le présent document, les DFM ne respectent pas des dispositions réglementaires dans le cadre du paiement de dépenses avant ordonnancement. Les DFM, dans le cadre de la régularisation des dépenses payées avant ordonnancement, soumettent aux visas du Contrôle Financier et de la PGT les mandats budgétaires sous-tendus uniquement par des décisions de mandatement. Ainsi, ces différents corps de contrôle à priori ne peuvent pas exercer les appréciations sur la régularité et la justification de la dépense, la réalité du service fait et la conformité aux spécifications définies lors de la commande, l’exactitude des montants mis en paiement et le caractère libératoire du paiement.
A lire le dernier rapport du VGAL sur la Pairie générale du Trésor, les manquements décelés font sursauter tout bon citoyen.
« Des avances octroyées en 2014, 2015 et 2016 pour un montant total de 3,19 milliards de FCFA n’ont pas encore été régularisés malgré les diligences effectuées par la PGT à travers les correspondances adressées au Directeur Général du Budget et aux différents ordonnateurs». Or, expliquent les vérificateurs, selon la réglementation en vigueur, la régularisation des dépenses payées avant ordonnancement doit intervenir, par mandat budgétaire, au plus tard la fin de l’exercice budgétaire au cours duquel le paiement a été effectué. En plus, s’indigne le VGAL, des Directeurs des Finances et du Matériel n’ont pas produit des pièces justificatives à l’appui des mandats de régularisation des avances reçues. A titre d’exemple, le Directeur des Finances et du Matériel du ministère chargé des Finances n’a pas produit de pièces justificatives de l’utilisation des avances octroyées par la PGT au titre des exercices 2014, 2015 et 2016 pour un montant de 160,81 millions de FCFA. De même, le DFM du ministère chargé des Affaires étrangères n’a pas justifié des appuis octroyés à l’Ambassade du Mali à Paris en 2014 d’un montant total de 100 millions de FCFA, bien que des mandats de régularisation aient été émis. Le montant total de ces irrégularités s’élève à 260,81 millions de FCFA. Egalement, le Directeur des Finances et du Matériel du ministère chargé des Finances a irrégulièrement justifié des avances. Il n’a pas fourni d’ordre de mission pour justifier des avances d’un montant de 69,22 millions accordées en 2016. Il n’a pas, non plus, produit de pièces justificatives pour des avances payées à des missionnaires d’un montant total de 51,64 millions de FCFA. Le montant total des avances de frais de mission irrégulièrement justifiées s’élève à 120,86 millions de FCFA.
Du côté du ministère de l’Equipement et des transports, c’est la délinquance financière qui gouverne. Selon le rapport du VGAL, le Directeur des Finances et du Matériel du ministère de l’Équipement et des Transports n’applique pas les dispositions contractuelles relatives aux pénalités de retard. En effet, dans le cadre de l’exécution d’un marché, deux bateaux ont été réceptionnés le 11 janvier 2016 suivant procès-verbal de réception, alors que la date contractuelle était fixée au 22 septembre 2013, soit un retard de 841 jours pour des pénalités évaluées à 190, 48 millions de FCFA, explique-t-on.
Le Régisseur du ministère chargé des Affaires Etrangères est aussi dans le lot. Il a effectué des achats fictifs sur des avances mises à sa disposition. Précisément, dans le cadre des cérémonies de signature de l’accord de paix d’Alger, il n’a pas pu fournir la preuve de l’existence physique des biens acquis pour un montant total de 77,93 millions de FCFA.
Oumar KONATE