Le secteur des BTP au Mali : Les maux et les palliatifs pour la croissance économique

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« Lorsque l’on dispose d’une bonne route, on aura une bonne économie et inversement. La route contribue à l’amélioration de la santé, l’accroissement du commerce, la consolidation de la paix et au rapprochement des peuples tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Un bon bâtiment est signe de richesse, de meilleur cadre de vie, d’amélioration des conditions de travail et de repos et de transformation de rêve en une réalité, source principale de créer une émergence… ». La remarque est du ministre de l’Equipement, des Transports et du Désenclavement, Mamadou Achimi Koumaré. C’était au cours de la cérémonie d’ouverture des travaux de la 7ème assemblée générale ordinaire d’information de l’Organisation patronale des entreprises de la construction au Mali (OPECOM). L’événement s’est déroulé le samedi dernier dans la salle de conférence du Conseil national du patronat du Mali (CNPM). C’était en présence du secrétaire général du Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, NGolo Coulibaly, du représentant du Président du CNPM, Aguibou Coulibaly et du Président d’honneur de l’Organisation. Les responsables des entreprises affiliées à l’Organisation et des structures faitières du secteur des BTP partenaires ont massivement répondu à cette invitation.

L’événement a permis aux professionnels du secteur de poser des diagnostics sans complaisance de leur métier, qui commence à être arpenté par des commerçants, a déploré le président de l’Ordre des Ingénieurs conseils. Il a également déploré l’invasion du marché malien par des entreprises étrangères. « Pendant que certains entreprises non maliennes font plus de 900 milliards de Fcfa de chiffres d’affaire, certaines entreprises maliennes peinent à s’offrir un petit camion pour transporter des matériels sur leur chantier. » a-t-il martelé avant d’inviter les Autorités à privilégier le made in Mali dans la construction. « Il faut que les Maliens construisent le Mali. Comme ce fut le cas pour le Maroc. » a-t-il déclaré. Aussi profita de l’occasion pour rapporter un propos du ministre marocain de la Logistique nationale. « Il y a 50 ans, pour construire un pont, les ingénieurs français les faisait prendre du thé à côté. Mais aujourd’hui, le Maroc est entièrement construit par les Marocains. » a-t-il dit. Selon lui, le Mali peut faire autant. Mais, il faut une volonté politique forte pour imposer la préférence nationale.

Des palliatifs pour donner du souffle au secteur !

Le président des urbanistes, Diarra Sissoko, a insisté sur la nécessité de créer un cadre d’échange formel pour permettre à l’ensemble des intervenants de la filière de discuter des problèmes qui assaillent le métier du bâtiment et esquissé des pistes de solutions. Il a déploré l’émiettement des Organisations et la dispersion des structures de tutelle, empêchant les différents acteurs de se retrouver et de former un groupe de lobby capable de défendre leur intérêt. Les géomètres ont quant à eux plaidé pour la levée des mesures de suspension des attributions des titres de propriété dans le domaine foncier. Des mesures prises par le gouvernement pour moraliser le secteur. Elles visaient à mieux circonscrire le phénomène de spéculation foncière en vue de désamorcer certaines crises sociales liées à ce phénomène. Selon lui, les géomètres subissent les effets collatéraux de cette mesure, qui pèse lourdement sur leur métier.

Auparavant le président de l’OPECOM, avait peint la situation que traverse la corporation dans son discours d’accueil. A l’entame de ses propos, Ismael Diallo a tenu à placer l’événement dans son contexte, celui de la relance du secteur, qui est à genoux depuis l’éclatement de la profonde crise sociopolitique en mars 2012. Selon lui, le secteur est empêtré dans un gouffre financier, l’empêchant de conquérir des marchés qui doivent normalement lui revenir de droit. Cela pour deux raisons principales. Le premier défi à relever est d’ordre organisationnel, qui revient à la profession d’y remédier. Il s’agit là d’un problème de gouvernance des entreprises. Il y va de leur crédibilité, a estimé Ismael Diallo. Mais, le second, qui est relatif à l’accès aux marchés, notamment publics, et le financement bancaire. Sur ce côté, la réponse relève de la seule compétence de l’Etat. A ce sujet, il a fait des suggestions portant sur des mesures à prendre immédiatement et à moyen terme.

Les mesures immédiates

Elles concernent l’apurement à 100% de la dette intérieure de l’Etat au profit des entreprises de la construction tant au niveau du Trésor public que des Agences d’exécution comme l’AGEROUTE, l’AGETIP et l’AGETIER. Cet apurement doit inclure des Agios bancaires et les intérêts moratoires prévus par le code des marchés publics. Il a réclamé le dédommagement des entreprises de la construction, victimes des différents événements survenus dans le pays depuis 2012 (occupation du nord et coup d’Etat, etc.). Il a également demandé de favoriser la participation des entreprises nationales aux travaux de construction nationale. En prenant des mesures suivantes.  Il s’agit de revoir à la baisse les conditions d’éligibilité aux marchés, que sont : les montants des chiffres d’affaires, le montant des lignes de crédits, l’expérience en travaux similaires.

Ismael Diallo a surtout insisté sur l’obligation faite aux multinationales de s’ouvrir aux entreprises nationales en sous-traitance, notamment à concurrence de 30 à 40% de part de marché. Il n’est un secret pour personne que l’essentiel du financement de nos infrastructures de développement, notamment les routes, les ponts et barrages, nous viennent de l’extérieur. Et les bailleurs exigent que l’exécution des travaux soit confiée aux entreprises de leur pays respectif. Du coup, 50% de ces marchés échappent à nos entreprises. Un manque à gagner incommensurable pour notre économie, qui ne bénéficiera d’aucune valeur ajoutée, que les effets induits peuvent apporter sur le reste de l’économie. Conséquence, pérennisation de la pauvreté.

Le Président de l’OPECOM a également plaidé pour le regroupement des entreprises nationales en prenant en compte du cumul de leurs chiffres d’affaire et d’autres critères de qualification comme le personnel, le matériel et les expériences.

L’Etat dans une dynamique encourageante !

Il a par ailleurs souhaité la mise en place d’un programme de construction du pays en mettant en place un fonds d’équipement des Régions, des Cercles et des Communes pour l’aménagement des terres agricoles, la construction des routes, des hôpitaux, des écoles, des industries de transformation des produits locaux en vue d’améliorer la qualité de vie des populations.  Il a plaidé pour la mise en place d’une société de location de matériels de travaux publics capable de répondre aux besoins des entreprises nationales pour l’exécution des différents marchés sur le plan national et sous-régional, la mise en place d’un fonds du BTP pour faciliter le crédit aux entreprises nationales et réintroduire le métier de tâcheron dans la catégorisation des entreprises.

Heureusement que le cri de détresse du Président de l’OPECOM n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Le ministre Mamadou Achimi Konaré a promis de donner une suite favorable à leur requête. Séance tenante, une réponse concrète a été donnée à la situation des arriérés.

« J’ai écouté avec beaucoup d’attention vos préoccupations, les difficultés auxquelles votre organisation est confrontée et notamment le non paiement des arriérés de certaines de vos entreprises par l’AGEROUTE. Je puis vous assurer que nous avons donné des instructions pour que dans les plus brefs délais ces arriérés soient épongés et que de telles situations soient évitées à l’avenir. » a-t-il déclaré.

Pour ce qui concerne, l’accès aux grands travaux par l’abaissement des critères de qualification, il a levé le voile sur la disponibilité de l’Etat à aller vers la préférence nationale dans sa politique de construction nationale. « L’Etat ne peut pas continuer à s’endetter sans que les effets escomptés de cet endettement ne bénéficient pas à son économie à travers ses entreprises. », a-t-il martelé.

Selon lui, l’ambition du gouvernement est d’accompagner le secteur de la construction en créant les conditions propices à son épanouissement afin que ce secteur vital pour notre économie soit un des moteurs de la croissance. A cet effet, il a assuré l’auditoire de la disponibilité des Pouvoirs publics à  l’organisation des assises du Bâtiment et des Travaux Publics. Cet événement, qui va se tenir dix ans après la tenue des Etats généraux du BTP, va se pencher sur le bilan de ces précédentes journées de réflexion avant de projeter les actions futures pour permettre au secteur de jouer pleinement son rôle dans le processus de développement de notre pays. Selon lui, le Mali ne saurait atteindre un taux de croissance de plus de 7% sans les investissements massifs dans le secteur des BTP.

Quand à Aguibou Coulibaly, il a, au nom du Président du CNPM, salué l’OPECOM pour cette initiative, qui offre l’heureuse occasion aux différentes organisations professionnelles du secteur des BTP de se retrouver et de parler de leur problème commun afin de dégager ensemble des pistes de solutions. Il a également donné l’assurance que son organisation ne ménagera aucun effort pour  soumettre au gouvernement l’ensemble de ces points contenus dans son mémorandum dans le cadre d’une nouvelle démarche qui sera développée et expliquée à temps opportun.

Mohamed  A. DIakité

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