Le Malien et son Pouvoir d''Achat : ASRI pose le débat

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“L’homme qui a faim n’est pas un homme libre. Celui qui ne peut s’élever au-dessus des contingences immédiates ne peut se conduire en être pensant”. Au regard de ces propos de feu Félix Houphouet Boigny, qui peut aujourd’hui discuter au Malien le mythe du martyre, le martyre de l’indigent, du pauvre, tant son pouvoir d’achat est insignifiant, malgré les efforts que sont en train de consentir les autorités publiques. Voilà en substance le substrat de la problématique du débat posé, le samedi dernier au Centre Djoliba, par l’Association Solidarité, Responsabilité, Intégrité (ASRI) autour du “pouvoir d’achat des Mailens”.

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        Cette conférence commémorative de la  création de l’Association a regroupé les responsables de l’ASRI, à commencer par son Président, M. Balla Traoré, autour de M. Ibrahim Sissoko, conférencier. La reconnaissance de soi dans un thème, aussi évocateur que d’actualité, explique, en partie, la présence du public à ce rendez-vous du donner et du recevoir.

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            En fait, qu’est-ce que c’est que le pouvoir d’achat?

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          Abordant le sujet à partir d’une approche purement pédagogique, M. Sissoko, se référant au dictionnaire “Larousse”, dira que le pouvoir d’achat est la quantité de biens et services que permet d’obtenir, pour une cellule de base (individu, famille), une somme d’argent déterminée. Une définition classique que le conférencier complètera par une autre du Lexique Economique Dalloz qui dit qu’ “en terme dynamique, l’évolution du pouvoir d’achat est l’inverse de l’indice de prix. La hausse du prix est une baisse du pouvoir d’achat”.

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          Les problèmes relatifs aux coûts de plus en plus onéreux des biens et services destinés à satisfaire les besoins vitaux aux fonctions physiologiques de l’homme, les contraintes liées aux revenus plus ou moins insuffisants, plus ou moins disparates d’une couche sociale à une autre, les fluctuations des cours mondiaux, la continentalité du Mali, sa dépendance des importations, la dépendance de son agriculture des facteurs climatiques, l’incohérence entre les prix appliqués et la loi de l’offre et de la demande ainsi que l’inflation rampante sont, entre autres, les facteurs déterminants du pouvoir d’achat du Malien. Le pouvoir d’achat est lui aussi fonction du revenu.

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            Quelle appréciation fait-on du revenu du Malien?

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            Là dessus, le conférencier, Ibrahima Sissoko, n’est pas parti avec le dos de la cuillère. Il voit dans les grilles des salaires distribués par les entreprises sur la base des conventions collectives un émiettement voulu qui varie d’une branche d’activité à une autre, une cadence lente dans le renouvellement des conventions du secteur privé, l’absence jusqu’à ce jour d’une convention pour le secteur de la presse privée et tant d’autres.

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            Le travailleur malien est l’un des plus mal payés de la sous-région. Le conférencier a soutenu ses propos par des chiffres qui parlent en eux-mêmes. Le SMIG au Mali, dira-t-il, est de 28.000 FCFA contre 50 000 F CFA au Burkina voisin. Les émoluments du cadre supérieur malien ne dépassent guère les 250.000 F CFA. Le prix payé par le Malien moyen pour les denrées absorbe la quasi-totalité de ses revenus. Toute augmentation de salaire est égale à une hausse des prix des biens et services.

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            Conséquences: Les individus et les ménages font face difficilement à la hausse généralisée des prix des biens et services, notamment les biens de consommation courante et services tels que la nourriture, l’énergie domestique, les soins de santé, l’éducation, le transport, le loyer… L’enseignant est obligé de dispenser des cours à domicile, le médecin fait des consultations à domicile ou dans des clinques privées, l’ingénieur fait des plans et des levées topographiques pour des tiers, le fonctionnaire court de gauche à droite pour boucler le mois. Tout le monde s’active avec une seule équation à dénominateur commun : l’instinct de survie.

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            Pour le conférencier, on peut ne pas être dans la légalité, mais qui peut dénier la légitimité à ces prestations dès lors qu’elles permettent de faire vivre des familles sans actes crapuleux? Cela est tellement vrai aux yeux du conférencier qu’il dira que l’auto-suffisance alimentaire n’est pas encore assurée au Mali malgré ses potentiels agro-pastoraux.

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               Peut-on évoluer ainsi? s’interroge-t-il.

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        Le nombre d’enfants en milieu rural qui manquent, d’année en année, à l’appel de l’Instituteur faute de moyens pour les parents de payer les manuels scolaires et les cotisations de l’école est élevé. Combien sont-elles, ces filles poussées dans la rue par la force des choses à la quête de moyens de subsistance pour la vieille mère et le vieux père, tous deux  impotents, les frères et soeurs en bas âge? “Que d’honneur bafoué ! Que de dignité perdue !” S’offusque-t-il, face au drame vécu au quotidien à travers la vitrine qu’offre le spectacle de la rue avec son cortège d’enfants mendiants, d’indigents aux quatre coins de la rue et sur les places publiques; de foyers éprouvés, de parents démunis, de jeunes diplômés sans emplois. Le Malien traînera-t-il toujours ce mal-vivre, fait souvent de souffrances, de diète ( quand on est à une ration par jour), et de misère? 

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       Non ! Dit le conférencier, Ibrahima Sissoko. Comme alternative à ce spectacle de désolation, à ce tableau sombre de ces moments cauchemardesques du peuple malien, M. Sissoko préconise un sursaut national.

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              Le sursaut national

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              Il faut, selon le conférencier, mettre en synergie nos efforts et nos expertises. Il faut des états généraux et sectoriels pour poser le diagnostic, et, partant de là, prescrire et appliquer la thérapie. Les atouts ne manquent point pour cela. Dans ce registre, il citera, entre autres, les ressources minières (l’or, les sédiments potentiels), les ressources agro-pastorales, les ressources énergétiques  (Manantali,  Sélingué, Sotuba, Félou, Tossaye et Gouina), les ressources humaines (d’éminants cadres dans tous les domaines, des professeurs et des avants tels que Cheick Modibo Diarra, Magisa Maguiraga, des artistes comme Salif Kéïta, Kandia Kouyaté, Oumour Sangaré…).

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            Toute considération faite, dira le conférencier, le Mali est potentiellement autosuffisant. Il faut aujourd’hui exploiter et mieux gérer ces ressources abondantes et variées pour mettre un terme à la rareté des biens et pour assurer, à tous les niveaux, la disponibilité des denrées de base, toute chose qui conforterait l’offre en jouant du coup sur le niveau des prix. Sans cela, tout serait voué à l’échec.

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                 Au conférencier alors de s’arroger le droit de faire des critiques acerbes sur certaines inopportunités mises en avant par nos gouvernants successifs. A quoi bon, selon lui, de produire de l’or si l’on ne peut enregistrer des retombées significatives sur nos revenus, si l’on ne peut bénéficier des effets induits sur l’environnement socio-économique en terme d’écoles, de dispensaires, de routes? A quoi bon de financer à coup de milliards d’emprunts et de subventions l’Office du Niger, s’il ne peut produire de quoi nourrir l’ensemble de la population malienne, s’il ne peut suppléer aux besoins d’importation de riz?

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            Ces questionnements resteront en suspend tant que nous n’envisagerons pas de développer la filière  coton, d’accroître la valeur ajoutée locale en diversifiant les produits issus de la transformation industrielle, tant que les pseudo-privatisations laisseront une forte impression d’ “inachevé” et de “manque”.

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        Face à l’alteration du pouvoir d’achat des Maliens à tous les niveaux de l’échelle sociale, M. Ibrahima Sissoklo interpelle l’Etat pour qu’il revoit les différentes politiques qu’il a mises en oeuvre, lesquelles donnent aujourd’hui le sentiment que nous n’avons fait, depuis l’indépendance du pays, que du “sur place”, vu que nous n’avons pas atteint les objectifs visés, surtout dans le domaine de l’auto-suffisance alimentaire.

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            Somme toute, conclura-t-il , il est impérieux de faire le choix d’une véritable politique économique et sociale, reposant sur une production conséquente, secrétant à tous les niveaux des revenus conséquents et mieux partagés, une politique qui permettra aussi de réduire le champ de la pauvreté et qui suscitera l’espoir pour les 10 millions d’âmes vivant au Mali.

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           A noter qu’un hommage mérité a été rendu à Mme Tahara Dramé, une des présidentes de l’ASRI, arrachée à l’affection des siens, non pas sans douleur, car l’illustre disparue incarnait toutes les valeurs fondatrices de l’Association, à savoir, action, solidarité, responsabilité et intégrité.

rnAdama S. DIALLO

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