De 700 Fcfa en 1993, le kilo de viande de bœuf est passé de nos jours à 1800 Fcfa. Du coup, la consommation de la viande est devenue un luxe inaccessible à la majorité des Maliens.
Il est 08 heures au marché de Sabalibougou en ce mardi 26 juillet 2011. Comme des abeilles, les femmes se bousculent sous les hangars des bouchers.
En moins d’une heure, les attroupements des ménagères commencent à se disloquer et, se soldent par quelques querelles et des injures, à l’endroit des bouchers.
Des gigots de bœufs sont pourtant toujours là, suspendus, mais les ménagères en ont fini avec les bouchers et se dirigent vers les vendeurs de poissons. Et pour cause, la viande "moins chère" celle de la tête de bœuf est finie.
Le reste est intouchable : 1800 Fcfa le kilogramme de viande pour des ménagères dont la majorité ne dispose que de la misère de 500 Fcfa, voire 250 Fcfa pour l’achat de tout ce qui fera la sauce du jour.
Le témoignage de cette dame qui vient de se faire déchirer le boubou dans la bousculade, est éloquent : "Ah bon ! pourquoi on se bousculait ? Mon fils, puisque vous ne payez certainement pas de prix de condiments, sachez que seuls les bouchers peuvent manger de la bonne viande, parce ces cupides aussi ont profité de la situation pour augmenter le prix de la viande.
Comment peut-on comprendre cela, quand on sait que la viande ne nous vient pas de l’extérieur ? C’est honteux, inhumain et scandaleux ! Avec 500 Fcfa de prix de condiment, peut-on acheter de la viande ? Ce pays est foutu. Chacun veut sucer le sang de l’autre. D’ailleurs, même le "tièkouroulé" (poisson fumé) commence à nous coûter cher".
Vilain poisson dont nos fleuves regorgent, le "tièkouroulé" est en effet, devenu la "viande" salvatrice des ménagères. Il y en a pour toutes les bourses et suffisamment pour tout le monde. C’est pourquoi, les ménagères qui viennent d’abandonner les stands des bouchers ne se bousculent plus pour s’en procurer.
Mais pourquoi diable une nouvelle augmentation du prix de la viande depuis quelques jours ?
Madou Sow, un jeune boucher de la place explique le phénomène : "On nous accuse partout pour l’augmentation du prix de la viande, comme si nous avons à y gagner. Ecoutez, sur le marchés de bétail, le prix de l’animal augmente de jour en jour. Or, celui du kilo de viande n’a subit de hausse que deux fois seulement. Nous vendons très souvent à perte et moins de viande d’ailleurs, car la clientèle est de plus en plus rare. Il y a seulement quelques mois, je vendais quotidiennement la moitié d’une carcasse de bœuf. Aujourd’hui, c’est à peine si j’arrive à liquider un gigot. Je sais que, c’est parce que le kilo de viande est cher, que nous avons peu de clientèle, mais, devrons-nous le vendre moins cher à nos dépens pour attirer les clients ? ça jamais ! Je ne donnerai pas mes yeux à mes beaux parents. Si les vendeurs d’animaux décident aujourd’hui même de diminuer leur prix de vente, nous diminuerons à notre tour le prix du kilo de viande. Et tant que ce n’est pas le cas, qui veut acheter de la viande, qu’il l’achète, sinon, il a le choix de manger du "tiékouroulen". Il y en a en à gogo".
Des ovins, bovins, caprins et porcins, il y en a aussi à gogo au Mali où l’offre est nettement supérieure à la demande.
Paradoxe inexplicable quand, selon des statistiques officiels, plus de 600 000 têtes sont proposées annuellement aux marchés locaux de Bamako qui consomment à peine la moitié.
Mais, chose bizarre, le prix du kg de viande ne cesse de grimper et pourrait même attendre les 2000 (bœuf) Fcfa le kilo avec os.
Le poisson qui vole au secours du Malien
Le phénomène s’explique-t-il par la fièvre de l’exportation qui a gagné les producteurs ?
Selon un expert en la matière, l’exportation du bétail malien vers l’étranger n’a aucun impact sur la hausse des prix de la viande locale.
D’abord, explique-t-il, y a quelques temps, le boucher acquérait l’animal à crédit et ne remboursait le marchand qu’après vente, mais actuellement c’est donnant-donnant.
Ensuite, il y a le fait que les prix du bétail sont libéralisés et les producteurs augmentent le prix du bétail pour simplement supporter leurs différentes charges alourdies par la conjoncture économique actuelle !
Partout dans le pays aujourd’hui, le prix du kilo de viande de bœuf est de 1800 Fcfa , celui du mouton à 2250 Fcfa et il faut louer la discipline à ce niveau car, des prix officiels concernant la viande n’existant pas actuellement, le pire pouvait arriver.
Boubacar Sankaré