L’Afrique subsaharienne sort de la récession

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PERSPECTIVES. La croissance économique va rebondir à 3,3 % à la fin de cette année, prévoit le dernier « Africa’s Pulse », rapport de la Banque mondiale sur l’état de l’Afrique.

Après avoir connu sa première récession depuis plus de 25 ans, consécutive au Covid-19, l’Afrique subsaharienne renoue avec la croissance. Ce rebond tient, selon la dernière édition du rapport Africa’s Pulse, édité par la Banque mondiale, au prix élevé des matières premières, à l’assouplissement des mesures mises en place pour lutter contre la pandémie et la reprise du commerce international. Fort de ce constat, les analystes ont revu à la hausse leurs prévisions. Et tablent désormais sur une croissance de 3,3 % pour 2021. Un rythme de reprise plus faible que celui des économies de marché avancées et émergentes.

La vaccination creuse les écarts de croissance

Plusieurs explications à cet état de fait. En effet, les auteurs estiment que la relance reste fragile, en raison du faible taux de vaccination sur le continent, des préjudices économiques prolongés et du manque de dynamisme de la reprise. « Un accès aisé et équitable à des vaccins anti-Covid-19 sûrs et efficaces est essentiel pour sauver des vies et renforcer la relance économique en Afrique », explique l’économiste en chef pour la région Afrique à la Banque mondiale, Albert Zeufack.

Le Fonds monétaire international (FMI) avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur une reprise mondiale à deux vitesses. L’Organisation mondiale du commerce mais aussi le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou encore l’université d’Oxford sont tous unanimes : «  un déploiement plus rapide des vaccins permettrait d’accélérer la croissance régionale ». Elle pourrait donc aisément être ramenée « à 5,1 % en 2022 et 5,4 % en 2023, l’allègement des mesures de confinement stimulant la consommation et l’investissement », affirme Albert Zeufack.

Une relance hétérogène et des réformes structurelles fortes

Dans le détail, l’étude fait état d’une relance économique hétérogène selon les pays de la région, avec pour les trois principales économies, l’Angola, le Nigeria et l’Afrique du Sud, une croissance attendue à respectivement 0,4 %, 2,4 % et 4,6 %. « L’Afrique du Sud et le Nigeria mis à part, le reste de l’Afrique subsaharienne a su rebondir plus vite avec un taux de croissance de 3,6 % en 2021. Du côté des économies ne disposant pas de ressources naturelles abondantes, comme la Côte d’Ivoire et le Kenya, on s’attend à une reprise forte avec une croissance de respectivement 6,2 % et 5 % », décrivent les analystes d’Africa’Pulse.

Le rapport souligne qu’en réponse à la pandémie, les pays africains ont entrepris des réformes structurelles et macroéconomiques. Certains se sont ainsi lancés « dans des réformes structurelles difficiles mais nécessaires, comme l’unification des taux de change au Soudan, la réforme des subventions des produits pétroliers au Nigeria, et l’ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications en Éthiopie. » Pour preuve la plupart d’entre eux ont été relativement disciplinés sur les politiques monétaire et budgétaire. Résultat, le déficit budgétaire régional, qui s’élève à 5,4 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2021, devrait baisser pour atteindre 4,5 % du PIB en 2022 et 3 % du PIB en 2023. Cependant la rigueur budgétaire, associée à une marge de manœuvre limitée, a empêché les pays d’Afrique d’injecter les ressources nécessaires au lancement d’une politique de relance vigoureuse face au Covid-19.

La pression de la dette

La principale alerte porte sur la dette publique. Elle a fortement augmenté dans les pays d’Afrique subsaharienne, poursuivant une tendance qui avait précédé la crise du Covid-19. En moyenne, la dette publique brute devrait atteindre 71 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2021, soit une augmentation de 30 points de pourcentage du PIB depuis 2013. « Il faut que les pays africains collectent et publient des données sur leurs dettes plus nombreuses et de meilleure qualité, et améliorer la production de rapports sur leurs passifs éventuels », soutiennent les analystes d’Africa’s Pulse. « Dans ce contexte, il est impératif de poursuivre le renforcement des capacités au sein des gouvernements afin d’améliorer la gestion de la dette, et en particulier les audits et les contrôles internes. »

Exemples concrets : des pays comme l’Angola, le Mozambique et la Zambie, qui étaient déjà vulnérables avant la pandémie, ont vu leurs finances publiques se détériorer davantage. La richesse pétrolière a permis à l’Angola de s’engager dans des emprunts à grande échelle, mais le poids de la dette a fortement augmenté une fois que les prix du pétrole et la valeur de la monnaie ont baissé, atteignant un pic de 134 % du PIB en 2020. Autres pays cités : le Mozambique, la République du Congo et la Zambie, qui ont souffert de la gestion opaque de leur dette en période d’expansion. « Avec un accès limité aux financements, ces pays auront du mal à amorcer une vraie reprise économique », avertit le rapport d’Africa’s Pulse.

Transformer les défis en opportunités

En plus de la montée de la pression budgétaire et du niveau de leurs dettes due à la mise en œuvre des mesures de relance économique durable et inclusive, les pays d’Afrique subsaharienne sont confrontés à l’augmentation des effets du changement climatique. Les auteurs d’Africa’s Pulse recommandent aux pays de saisir cette opportunité pour enclencher leurs transitions vers des modèles économiques moins polluants, de la même manière qu’ils ont su saisir l’occasion offerte par la pandémie pour lancer des réformes. Cette transition leur offrira des bénéfices à long terme, en réduisant les aléas naturels et en créant des opportunités de développement économique.

Le financement, la clé d’une reprise durable

Quoi qu’il en soit, « l’accélération de la reprise économique en Afrique subsaharienne nécessite un financement supplémentaire important. La région a besoin de plus de financement pour contrer les effets de la pandémie et soutenir une reprise robuste et inclusive ». Pour les auteurs, « ces financements sont nécessaires pour réduire les inégalités de trajectoire de reprise entre les pays riches et les pays pauvres », mais « dans un environnement d’incertitude permanente autour du coronavirus et de ses variants, un programme agressif d’assainissement budgétaire est contre-intuitif et pourrait s’avérer préjudiciable à la croissance à long terme notamment en exacerbant les impacts durables de la pandémie sur la santé et l’éducation. » En août, le FMI a décidé d’une allocation générale de droits de tirage spéciaux (DTS) d’un montant record : 650 milliards de dollars. « Un bon “coup de pouce”, mais il pourrait ne pas être suffisant. » L’objectif est que les pays riches prêtent leur part de DTS aux pays africains ou s’en servent pour attirer des fonds privés afin de soutenir les petites et moyennes entreprises, et non pas seulement les États. « La réalisation des objectifs de développement de la région nécessitera des contributions de toutes les sources potentielles, y compris les institutions financières internationales et le secteur privé », insistent les analystes d’Africa’s Pulse.

SOURCE: https://www.lepoint.fr/afrique

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