La menace des banques maliennes face à la cybercriminalité était au centre des débats de la 8ème édition de la rencontre entre l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali (Apbef) et la presse privée, tenue le 16 mars dernier, à Ségou. Ce grand rendez-vous annuel a été l’occasion de passer au peigne fin cette nouvelle forme de criminalité. C’est pourquoi, les banques maliennes se préparent déjà pour faire face à ce nouveau phénomène, puisque certaines banques en ont été victimes en décembre dernier.
Depuis janvier, l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali (Apbef) a un nouveau bureau dirigé par la directrice générale d’Ecobank-Mali, Mme Touré Coumba Sidibé. Elle a remplacé Moussa Alassane Diallo qui fut Pdg de la Banque nationale de développement agricole (Bnda) pendant plusieurs années, avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2018.
La nouvelle équipe est déterminée et engagée à consolider les acquis. Ce qui amène obligatoirement à cultiver de bonnes initiatives avec les différents partenaires dont la presse privée. C’est dans ce cadre que la tradition a été respectée avec la tenue de la rencontre entre les banques et la presse, le 16 mars dernier, dans la salle Gabriel Cissé de Ségou.
Placé sous le haut patronage du ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, ce grand rendez-vous annuel a tout simplement tenu toutes ces promesses, de l’avis des participants. Etaient présents à la cérémonie d’ouverture des travaux présidée par Dr Boubou Cissé, les autorités politiques et administratives de Ségou, les directeurs généraux des banques et établissements financiers ainsi que les présidents des organisations de la presse (Maison de la presse, Assep, Urtel) et de nombreux directeurs de publication.
Si le thème de l’édition 2017 portait sur “le financement bancaire des entreprises maliennes : défis et opportunités” développé par le Directeur général de la Banque malienne de solidarité (Bms-sa) Babaly Bah, cette année les organisateurs ont mis l’accent sur un autre thème, tout ausi d’actualité. Il s’agit de la “Cybercriminalité : menaces du 21ème siècle pour les banques”.
“Du début des rencontres Banques/Presse à nos jours, les thèmes abordés ont en général traité des sujets de financement et de relance économique. Cette 8ème édition dérogera à cette règle, mais abordera un sujet tout aussi important. En effet, le 21ème siècle voit la consécration des technologies numériques comme la fin du Moyen-âge en Occident a vu celle de l’imprimerie. L’ère numérique ignore désormais toutes les frontières. Elle permet l’accès à la culture et à la connaissance, favorise les échanges entre les personnes. Elle rend possible la constitution d’une économie en ligne et rapproche le citoyen de son administration. Les technologies numériques sont porteuses d’innovation et de croissance, en même temps qu’elles peuvent aider ou accélérer le développement des pays émergents. Mais tous les progrès dans le monde génèrent aussi de nouvelles fragilités et vulnérabilités propices aux menaces ou aux risques car ils aiguisent l’imagination des criminels. Comme vous l’avez deviné, il s’agit de la Cybercriminalité qui est désormais une vraie réalité ” précisera la présidente de l’Apbef dans son mot de bienvenue.
Selon elle, “la cybercriminalité est d’autant plus dangereuse qu’elle pénètre au sein des familles, là où la délinquance ordinaire n’avait pas accès jusqu’à présent. Dès lors, cette nouvelle forme de criminalité laisse apparaitre, comme une évidence, l’adaptation des différents systèmes qu’ils soient informatiques, organisationnels et même judiciaires”. Voilà ce qui justifie le choix du thème : “Cybercriminalité : menaces du 21è siècle pour les banques ?”.
Pour Mme Touré Coumba Sidibé, les banques sont une cible de choix pour les hackers : “Depuis la cyberattaque commise contre la Banque centrale du Bangladesh, en février 2016, le monde bancaire est en état d’alerte maximal car les pirates ont réalisé le casse du siècle en ordonnant un transfert frauduleux de 81 millions de dollars d’un compte américain de la Banque centrale du Bangladesh vers une banque située aux Philippines. De plus, rappelons-nous les récentes attaques cybercriminelles que les banques du Mali ont subies”.
Aux dires de la présidente de l’Apbef, le choix de ce thème n’est pas fortuit. “Cette rencontre contribue à offrir un cadre de dialogue, d’échange et de concertation sur ce phénomène qui prend de l’ampleur chaque jour. Il s’agit d’échanger sur les solutions mises en place par les banques pour se protéger et réduire le niveau des attaques auxquelles elles ont à faire face. Ce dont il ne s’agira pas surtout, c’est de remettre en cause la digitalisation des services offerts à la clientèle car avec la vulgarisation de l’internet, des Smart phones, la globalisation des réseaux sociaux, cette ère du numérique est irréversible. Nous savons tous que la seule constante connue sur cette basse terre, c’est bien le changement” dira-t-elle.
En tout cas, comme dira Mme Touré Coumba Sidibé, “les banques et établissements financiers sont dans la dynamique de relever les défis et obstacles à la construction au Mali d’un secteur financier accessible à tous et sécurisé. A ce titre, notre profession cherchera à susciter et à renforcer l’adhésion des décideurs politiques et autres acteurs concernés à ses efforts visant à assurer aux populations à faible revenu ainsi qu’aux micros entreprises, un accès durable à une large gamme de produits et services financiers. L’objectif final étant la construction d’un secteur financier malien inclusif pour le développement et la croissance économique de notre pays. Cet objectif ne saurait être atteint avec les efforts des seuls banquiers” a-t-elle conclu.
Le vice-président de la Maison de la presse, Alexis Kalambry, a saisi cette opportunité pour rendre un vibrant hommage à l’ancien président de l’Apbef, Moussa Alassane Diallo, avant de féliciter Mme Touré Coumba Sidibé pour la confiance placée en elle pour diriger cette Association. “Madame, vous succédez à Moussa Alassane Diallo ! Votre défi est d’autant plus grand qu’il est celui qui a brisé la glace entre banquiers et journalistes. Il est celui qui a pu négocier pour nous des taux à un chiffre et qui a fait que nous avons des interlocuteurs dans les banques. Nous devons également en grande partie à Moussa Alassane le fait de nous retrouver annuellement pour échanger, discuter pour commencer. En même temps que nous vous félicitons, nous allons vous juger : faites en sorte que ce cadre ne disparaisse pas ! Nous vous y aiderons”. Avant de préciser : “Oui, chers confrères, faisons en sorte que nos partenaires banquiers aient des raisons de continuer à nous rencontrer pour échanger. Car, en faisant le bilan de l’année, il y a eu des choses dont on ne peut pas être fiers et qui ne sont pas de nature à encourager les banquiers dans la collaboration”.
En tout cas, la Maison de la presse se réjouit de ce partenariat. “Nous tenons au renforcement de ce partenariat et assurons les banques que la presse est disposée à aider à la promotion du taux de bancarisation dans notre pays”. Parole de Alexis Kalambry.
Le ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, était très fier de prendre part pour la 3ème fois consécutive à cette 8ème édition de la rencontre Banques-Presse privée. “J’avoue que je suis heureux de participer à vos travaux qui m’offrent l’occasion de rencontrer des personnalités du monde de l’économie et des finances ainsi que celles des médias. La rencontre de Ségou se singularise par la pertinence des idées abordées sans complaisance ni faux-fuyants. Les questions d’une brulante actualité sont développées dans un esprit perspicace, en vue de faire évoluer les choses dans le sens de l’intérêt général” a-t-il souligné.
S’agissant du thème sur la cybercriminalité, Dr Boubou Cissé dira que certaines banques de la place ont été, dans un passé récent, dans le collimateur des cybercriminels, qui ont été mis hors d’état de nuire en décembre dernier par les forces de sécurité.
“La problématique de la cybercriminalité ne doit laisser personne indifférent et les mécanismes à mettre en place pour lutter efficacement contre les délinquants “Itech” doivent prendre en compte la collaboration agissante des forces vives de la nation, bien entendu dans la rigueur car il y va de la survie et de la protection de notre économie nationale. De l’analyse des principaux indicateurs macroéconomiques, il y a lieu de retenir que la croissance du PIB est demeurée soutenue à 5,3% en 2017 et est attendue à 5,0% en 2018, portée notamment par la vigueur des dépenses d’infrastructures publiques et la bonne tenue de l’agriculture” dira le ministre de l’Economie et des Finances.
Au cours des débats très fructueux, plusieurs directeurs généraux de banques sont conscients des enjeux de la cybercriminalité. C’est pourquoi, ils se préparent face à ce nouveau phénomène en mettant des moyens pour renforcer et sécuriser leur système informatique. C’est le cas de la Banque nationale de développement agricole (Bnda) ou encore la Banque malienne de solidarité (Bms-sa).
Autre thème débattu, c’est bien “quel l’impact des médias dans l’amélioration du taux de bancarisation au Mali ?”. Il devrait être développé par l’ancien ministre de la Communication, Mahamadou Camara. Après un faux bond de ce dernier, le président de la Maison de la Presse, Dramane Aliou Koné, était obligé de développer ce thème. Pour ce faire, il était assisté par Alexis Kalambry.
Aux dires de Dramane Aliou Koné, le taux de bancarisation au Mali reste toujours faible et se chiffre à seulement 14%. Selon lui, plusieurs facteurs expliquent cela comme la situation du pays. “Par rapport aux autres pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire, nous sommes en retard. Ces pays ont réussi la prouesse de doubler aujourd’hui leur taux de bancarisation en 10 ans. Il faut aujourd’hui l’adoption d’un véritable programme de sensibilisation et de communication à l’endroit des populations afin de briser les tabous et autres idées reçues sur la banque” dira-t-il. Avant de préconiser la formation des journalistes sur l’information financière.
A l’issue de cette journée de concertation entre Banques et presse privée, plusieurs recommandations ont été formulées. Il s’agit de l’instauration d’un cadre permanent d’évaluation des relations banques-presse, la mise en place d’une Commission mixte de suivi, l’organisation d’une campagne radiophonique sur la bancarisation avec le partenariat entre Apbef et l’Urtel. Sans oublier l’information avec la presse sur les cas d’attaque de cybercriminalité et la formation des journalistes sur l’information financière. Les participants invitent aussi les autorités et le patronat à virer dans les banques les salaires de plus de 50 000 Fcfa.
A.B. HAÏDARA