L’usine Huicoma est fermée, les bateaux de la Comanav n’ont pas quitté le quai cette année. Et l’exploitation du sable est ralentie par la saison pluvieuse.
Les secteurs vitaux de la capitale du Meguetan sont paralysés. Tous les acteurs économiques et sociaux de la vieille cité industrielle reconnaissent que Koulikoro n’a jamais connue une crise économique et sociale d’une telle acuité, que celle qu’elle vit aujourd’hui. Le mal vivre du moment est perceptible dans les causeries et les débats des habitants. La ville de Koulikoro est située à une soixantaine de kilomètres à l’est de Bamako. Ici, l’activité économique tournait autour des unités industrielles que comptait la ville : l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma), la Compagnie malienne de navigation (Comanav), l’Industrie de construction navale (INACOM), les Grands moulins du Mali (GMM), la Briqueterie moderne du Mali. Aujourd’hui, l’usine des Grands moulins du Mali (GMM) est la seule unité qui tourne. La crise sécuritaire et politico institutionnelle aux conséquences paralysantes a frappé de morosité les piliers de l’économie régionale koulikoroise. La période hivernale n’arrange rien à la situation. Après la fermeture des usines, les koulikorois s’étaient rebattus sur l’exploitation de sable. Mais les premières grandes pluies ont fait monter le niveau du fleuve. Et la crue continue. L’exploitation du sable devient un métier difficile voire à risques. Actuellement, à Koulikoro les activités économiques sont pratiquement aux arrêts. D’abord Huicoma, ensuite la Comanav. Les Koulikorois sont convaincus que l’Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA- Koulikoro) constituait les poumons de l’activité économique à Koulikoro. La fermeture de cette unité a rendu la ville très vulnérable. Elle était la fierté de toute la population du Méguétan. Elle employait la majorité des bras valides. Les femmes excellaient dans la transformation des résidus de l’usine en savon, qu’elles vendaient un peu partout à travers le pays. A Koulikoro, l’usine était le principal employeur et la ville rayonnait au fur et à mesure que la production augmentait. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute. La fermeture de Huicoma a entraîné la dislocation de la cellule familiale, la déperdition scolaire des enfants particulièrement des filles, l’accroissement de la pauvreté. Mamadou Diarra, ancien ouvrier à l’Huicoma est nostalgique de la période d’abondance. Il rappelle qu‘«au moment où l’usine tournait à plein régime, Koulikoro était une ville chaleureuse, économiquement prospère, où il faisait bon vivre. La fermeture de l’usine a tué cette joie de vivre. Le quinquagénaire Diarra a la gorge nouée en commentant la situation : « nous avons peur de recevoir nos parents parce qu’il n’ y a rien à la maison. Les gens vivent « au jour le jour ». Seules les femmes sont encore actives dans les foyers. Elles se débrouillent bien. Nos enfants ont été obligés d’abandonner les classes pour aller travailler comme aides ménagères à Bamako. Les rares Koulikorois qui vivent bien ont des parents fonctionnaires à Bamako, qui leur envoient fréquemment des présents. » La crise qui a frappé notre pays en mars 2012 n’a pas arrangé les choses. Les attaques des envahisseurs contre les cercles de Nara et de Banamba ont fragilisé la région et la ville de Koulikoro. Les foires hebdomadaires favorisaient des échanges commerciaux dynamiques. Ces marchés sont presque abandonnés aujourd’hui. Pour ne rien arranger la fermeture de la frontière mauritanienne a donné un coup d’arrêt au commerce inter – frontalier jadis prospère. Par ailleurs, les Koulikorois sont sevrés de revenus par l’arrêt temporaire de la Compagnie malienne de navigation (Comanav) et de l’Industrie de construction navale (INACOM). L’inactivité des bateaux de la Comanav pour cause d’insécurité a donné un coup de frein à l’économie de la ville. Les allers et retours des bateaux occasionnaient des échanges économiques rentables entre les passagers et les koulikorois. Le citoyen Bakary Traoré, koulikorois bon teint décrit avec émotion l’impact de l’arrêt provisoire des travaux à la Comanav. « La Comanav en plus de sa mission de désenclavement, était notre source de vie. Mais après l’attaque des terroristes, c’était suicidaire d’entamer une campagne fluviale. En plus, il n’y avait ni fret, ni passagers pour les destinations habituelles des bateaux. Moi, j’étais « pousse- poussier » au niveau du port et je vivais de ce travail. A l’arrivée des bateaux, je débarquais les frets et bagages des bateaux que je transportais dans les différentes gares routières. Avec ce travail je gagnais ma vie et j’arrivais même à économiser. Aujourd’hui, je ne suis plus rien même pas un bon chef de famille. J’ai même honte de rentrer à la maison bredouille le soir parce que je n’ai rien à offrir à ma famille », indique t-il en larmes. seul recours. Aujour-d’hui l’activité économique dans la capitale du Méguétan tourne presque essentiellement autour des petits commerces et de l’exploitation de sable et de gravier. Cette activité lucrative occupe la plupart des koulikorois particulièrement les femmes de Koulikoro. Les Koulikorois sont confrontés actuellement à une pauvreté ambiante. Ils s’adonnent massivement à l’exploitation du sable pour gagner leur vie. Ainsi, tous les bras valides de la ville se retrouvent tous les matins sur les berges du fleuve Niger. Les hommes sont embarqués dans les pinasses et les pirogues. Ils vont extraire le sable sur les parties nos profondes du fleuve. Les femmes sont affectées au déchargement des pirogues transportant le précieux sable. Et les enfants s’assurent que le moindre grain de sable n’est perdu dans le sillage des mamans. Ce travail très pénible occupe toute la ville, chacun occupant une partie de la chaîne de l’excavation à la vente. Les femmes sont en première ligne. Elles n’hésitent pas à entrer dans l’eau pour extraire le sable. Certaines s’occupent même de négocier avec les clients pendant que d’autres sont affairées dans les gargotes. L’exploitante de sable, Mme Assitan Kané, raconte son parcours. « Mon mari était cadre de l’Huicoma Koulikoro. Je fabriquais du savon pendant que ma coépouse excellait dans la vente des produits savonniers. Notre vie s’est écroulée depuis la fermeture de cette usine. Mon mari est sans travail. Il y a deux ans, il a fait une crise de tension. Il est désormais paralysé. Ma coépouse et moi avons été obligées d’investir les berges pour faire bouillir la marmite pour nos 15 enfants. Le frère de ma coépouse lui a donné de l’argent pour entreprendre une activité rentable. Elle m’a remis cet argent pour l’investir dans l’exploitation de sable. Nous sommes aujourd’hui vendeuses de sable », développe notre interlocutrice. Mme Diarra Djénéba Diarra, est elle aussi exploitante de sable. Elle s’est lancée dans le dur métier de l’extraction « Je n’ai pas d’autre choix. Je suis obligé de faire ce travail pour nourrir ma famille. Beaucoup de femmes à Koulikoro ont choisi d’autres voies pour subvenir aux besoins des familles. Je préfère travailler honorablement au bord des berges du fleuve à extraire le sable. Mon mari, ancien employé de l’huicoma est décedé depuis trois ans » dit-elle très émue. Cette courageuse mère craint la période hivernale qui ralentit son activité. Beaucoup de famille ont déjà envoyé les filles travailler dans la capitale comme aide-ménagères afin d’aider la famille à dépasser cette période de soudure. Le désespoir étreint tous les cœurs à Koulikoro. Il pourrait conduire à de regrettables extrémités. Il y a urgence à activer les chaînes de la solidarité nationale en faveur des familles du Meguetan.
D. DJIRE
Industrie: LES PREOCCUPATIONS DE L’OPI
Dans un livre blanc présentée aux autorités la semaine passée, les industriels de notre pays ont dévoilé leurs préoccupations et proposé des pistes de solutions Il ressort du document que notre pays importe presque tout ce qui est consommé par les maliens. Il est le premier pays importateur de produits industriels de la zone UEMOA avec une balance commerciale fortement déficitaire de plus 380 milliards de Fcfa. Le Mali compte environ 80 industries et plus de 500 petites et moyennes unités (huileries, boulangeries, petites imprimeries). Seuls 76% des industries au Mali sont en activité. Les 24% qui restent sont liquidés ou à l’arrêt. Notre industrie a été fragilisée depuis que la crise économique sévit depuis les événements de mars 2012. Selon l’Organisation patronale des industries (OPI), les problèmes du secteur industriel sont de deux ordres : structurel et conjoncturel. Selon l’OPI, la première difficulté des unités industrielles maliennes est l’insuffisance d’infrastructure de base. Le coût élevé de certains facteurs de production, la vétusté des équipements et des matériels de production, la gouvernance d’entreprise, le coût de l’énergie, la faible articulation entre l’industrie, la recherche et les autres secteurs de l’économie, l’inadéquation formation-emploi, l’enclavement, constituent les véritables causes du développement de ce secteur clé de l’économie. L’accès au financement est difficile. Le taux de l’impôt est élevé sur les sociétés. Le coût de l’emploi est excessif. Il en est de même du taux de la TVA sur les produits fabriqués au Mali, la contre bande, la concurrence déloyale dans l’UEMOA (non application du TEC), la mauvaise application des textes réglementaires, le poids de l’informel. Pour relancer l’industrie, l’organisation patronale des industries propose la mise en œuvre de mesures fortes et concrètes. « Nous pouvons faire de l’industrie malienne, un secteur créateur de richesses, de croissance économique et prenant une part importante dans le PIB du pays. Mais pour cela, il faut obligatoirement réformer le secteur. La stratégie consistera à une mobilisation judicieuse des ressources financières et non financière (ressources humaines, technologiques) et leur affectation à la transformation industrielle des ressources du pays », indique le président de l’OPI, l’industriel Ciril Achkar. Cette démarche consistera à construire les bases d’une gouvernance industrielle au Mali, à développer des infrastructures de base propice au développement économique du pays, à promouvoir les ressources humaines, à accroitre la valeur ajoutée de la production et à stimuler les investissements, notamment dans les secteurs énergétiques, dans l’agro-industrie et dans l’industrie manufacturière plus généralement. Le président Achkar a développé les huit solutions conjoncturelles propres à relancer l’industrie. Il propose une TVA réduite à 5% uniquement pour les produits manufacturés et non importés. La suppression de la taxe sur les activités financières (TAF) serait stimulante. Il souhaite la relecture du décret 299/P-RM du 03 juin 2002 portant sur la répartition des produits amendes confiscations, pénalités, frais de poursuite et de primes sur les recettes budgétaires. Il est urgent de redynamiser les structures techniques chargées de la lutte contre la fraude et la concurrence déloyale. Il est incontournable d’impliquer l’OPI dans le processus d’attribution de parcelles à usage industriel via le conseil d’administration de l’AZI. Il faut également revoir l’application du tarif extérieur commun (TEC) aux produits frauduleusement originaire de l’UEMOA et de la CEDEAO dont l’agrément TPC est contestable, le changement de pays de perception des droits sur les matières premières des produits industriels originaires de l’UEMOA. Les droits doivent être perçus dans le pays de consommation et non plus dans le pays de production du point de vue juridique et éthique. Le traité sur les règles d’origine et l’application rigoureusement les valeurs de référence aux produits non originaires », a développé Pour ce qui concerne les solutions structurelles, l’OPI propose l’accélération accélération de la mise en place d’un fonds de garantie et d’un fonds d’investissement national pour les entreprises industrielles, la suppression de l’entrepôt privé (régime suspensif) à l’entrée des produits finis qui concurrencent l’industrie nationale. Le Mali doit procéder à la réduction du coût de cession des parcelles des zones industrielles, à l’interdiction voire l’annulation de celles déjà attribuées. La révision à la baisse du tarif de l’électricité pour les entreprises industrielles et l’abaissement de l’impôt sur les sociétés à 25% au lieu de 30% actuellement est fortement recommandée. Il faut enfin plafonner l’IMF par palier. L’OPI demande l’institution d’un comité de conciliation fiscale pour les entreprises industrielles et l’amélioration de la qualité des ressources humaines par la formation et l’alternance en entreprises, la défiscalisation de l’emploi. Il est avéré qu’un emploi formel revient à deux emplois informels. Il nous faut hâter l’orientation de l’appui des structures publiques d’aide à l’emploi vers les principaux contributeurs.
D. D.