Khalid Baba Dembélé, économiste au CRAPES à propos de la loi des finances : « Le budget 2018 manque de stratégie et de cohérence ! »

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Le budget 2018, tel que adopté la semaine dernière par les députés, ne répond pas aux préoccupations économiques du Mali. C’est la conclusion tirée par l’économiste malien, Khalid Baba Dembélé, économiste au Centre de Recherche et d’Analyses Politiques, Economique et Sociales, CRAPES. Le professeur d’économie à l’Université du Mali est catégorique : « l’analyse sectorielle du cadrage budgétaire (2018-2020), est en déphasage avec la volonté affichée du gouvernement ». Pis, renchérit-il, « cette proposition de budget démontre le manque de vision précise et surtout de stratégie cohérente de la part des autorités maliennes ». Lisez plutôt !

La gestion efficace et harmonieuse des finances publiques, implique aujourd’hui pour les Etats, l’élaboration dans le cadre d’un ensemble de processus républicain, le projet de loi de finance. Sa mise en exécution démontre un intérêt assez particulier. En effet, cette loi de finance, dans sa substance, est contrainte de prendre en compte la question de l’équilibre entre les comptes publics, et les stratégies de développement économique, lesquelles doivent au préalable être fondées sur une base cohérente et durable.

L’Etat Malien, chaque année se donne au même exercice pour entériner ladite loi par ses représentants à l’Assemblée durant un vote. C’est dans cette optique que le projet de loi de finance pour 2018 fut élaboré. Le Mali étant membre de l’Union Economique Monétaire Ouest Africain, ses politiques économiques, sont influencées de facto par un certain nombre de mesures communes appliquées à tous les pays membres de l’UEMOA. C’est ainsi que le Document de Programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle, qui pose les grandes orientations macroéconomiques pour l’étape initiale de l’élaboration de la loi de finance, est cadré par un certain nombre de critères de la gestion des finances publiques dans les pays de la zone UEMOA.

D’une part, l’examen du DPBEP (2018-2020), permet d’avoir un aperçut laconique, sur la situation de l’évolution du contexte économique de ce pays depuis la crise de 2012, la situation de ses dépenses et recettes, mais également d’avoir connaissance des projections futuresdes finances publiques, les stratégies nationales et sectorielles, d’autre part. De ce fait, il nous permet de distinguer, le cru du non cru et du pourri, afin de prendre un recul pour apprécier les faits avec objectivité et sonder la cohérence entre la ligne directrice défendue par le gouvernement et les faits qui ressortent aujourd’hui, mais aussi et surtout se prononcer sur les prévisions futures.

Contexte de crise

Cette loi de finance intervient dans un contexte social caractérisé par une crise multidimensionnelle. En effet, le Mali aujourd’hui fait face à des défis à la fois structurels et conjoncturels sans précédents : justice sociale, sécurité intérieure, chômage structurel, déficit des finances publiques, augmentation du prix des produits de première nécessité,descente en enfer de l’éducation tant sociale qu’académique, sont autant de sujetsqui érodent et creusent de l’intérieur l’avancement de la société. Des reformes à la hauteur de la gravité de la situation sont plus que impérieuses.De l’analyse du DPBEP, le constat qui émerge du contexte économique reste invariant. L’économie malienne demeure toujours tributaire de l’agriculture, la bonne pluviométrie est synonyme de croissance économique. C’est ce qui explique la reprise des activités économiques en 2014 (7p.c), grâce au rebond  du secteur primaire, après une récession de 1.8 p.c en 2013.

En déphasage

Eu égard à cette dépendance de l’économie aux aléas climatiques,  les prévisions faites dans le cadre de l’analyse sectorielle du cadrage budgétaire (2018-2020), sont quelques peu en déphasage avec la volonté affichée du gouvernement, qui est de poser les prémisses d’une croissance durable, apte à soutenir la dette publique et permettre une meilleure condition de vie des citoyens. En effet, dans l’axe de croissance économique inclusive et durable, le pourcentage en moyenne des secteurs dans les dépenses publiques est répartie comme suit : 15,5 p. c pour l’agriculture, 3,9 p. c pour la Mine industrie, commerce art-tourisme et énergie, et 7,2 p. c pour les Travaux publics transport et communication. Cette répartition se veut fidèle aux promesses présidentielles consistant à allouer 15 p.c du budget national au secteur agricole pour faire le Mali une puissance agricole exportatrice.

Quand le Mali s’expose dangereusement

Malgré la bonne foi de cette volonté, elle n’est ni nécessaire, encore moins suffisante. En effet, depuis plus d’une décennie, Le Mali est grand exportateur d’un certain nombre de produits à l’état brut, dont le Coton (645000 tonnes, sur la saison 2016/2017).  Malgré la position de leadership qu’occupe ce pays en termes d’exportation de matières premières agricoles, l’impact se fait moins sentir sur la population. Pour une croissance économique durable, il convient de développer une chaine de production exhaustive, de la production jusqu’à la transformation.

Les autorités maliennes s’exposent dangereusement en faisant de l’agriculture, la locomotive de la croissance économique. Il convient, pour se mettre à l’abri du hasard des aléas climatiques, de soutenir sérieusement d’autres secteurs, capables de tirer l’économie en cas de pluviométrie irrégulière. Le secteur de commerce qui, depuis bientôt 5 ans, tourne autour 15 p. c, et celui du transport mais aussi de la télécommunication qui talonne l’agriculture (40 p. c) avec 38 p. c, peuvent constitués des éléments  de relances économiques.

Par ailleurs, avec l’augmentation graduelle des dépenses budgétaires, 1308,5 milliards pour 2014, 1488,0 milliards pour 2015, 1752,9 milliards pour 1752,2 2016 et 2028,0 milliard pour 2017 (projection TOFE 2017-2020), la situation sociale est de plus en plus désastreuse. L’accord d’Alger qui, en parti est responsable de la hausse de ces dépenses, n’arrive toujours pas à être appliqué de façon exhaustive. Aujourd’hui, la montée de l’insécurité est de plus en plus palpant. Cela met en branle le climat des affaires et décourage les investissements, sources de création d’emploi et donc de productivité de l’économie. Selon Doing Business 2016, qui enquête sur le climat des affaires dans les pays, le Mali est 141 sur 190 pays concernée.L’accroissement des dépenses devrait selon les projections (2018-2020) continuer autours d’un taux moyen de 4,9 p. c pour atteindre 2307,1 en 2020. La question de rationalisation des dépenses publiques se posent donc.

Des mesures à plusieurs inconvénients

Les ressources pour soutenir ces charges restent en dessous. En effet, l’évolution de ces dernières devrait atteindre 1797,0 pour une charge de 2307,1 en 2020, contre 1509,0 p. c et une charge de 2028,0 en cette année. Force est de constater l’insuffisance des recettes budgétaires à satisfaire les charges de l’Etat. A cela s’ajoute la baisse des dons, qui devra passer de 202,7 milliards de FCFA en 2017 à 196,1 milliard FCFA en 2020. Mais aussi, Le taux de pression fiscale qui traduit l’importance de la contribution d’un groupe d’impôt à l’économie nationale entre 2014-2016 est en moyenne de 13,8 p. c. Ce faible taux renseigne sur la non fiscalisation des secteurs comme l’informel qui échappe à l’Etat, faute d’absence d’indicateur de mesure, mais aussi des exonérations fiscales.

Face à ces défis, il est prévu dans le DPBEP (2018-2020) une augmentation des recettes grâce à l’élargissement de l’assiette et de la réduction des exonérations. Cette mesure, bien qu’elle puisse paraitre avantageuse, peut-être source des inconvénients. En effet, l’augmentation des recettes n’a de fin que pour soutenir la charge de l’Etat. Mais à la base, faudrait-il s’assurer qu’il y aura une activité conséquente dans l’économie pour soutenir cette hausse. Les recettes publiques maliennes de cette année ont été très perturbées par les arrêts incessants des activités dans plusieurs secteurs. Il convient, pour la concrétisation de ses prévisions, de permettre la création des emplois, et de favoriser leurs pérennités. Des politiques publiques pour la bonne restauration d’un climat de négociation entre les travailleurs et l’Etat sont plus nécessaires.

 

A défaut de ne pouvoir réaliser ces conjonctures sur les hausses de la recette, il faudrait derechef s’attendre à une augmentation des déficits qui présente aujourd’hui -3,5 p. c en pourcentage du produit intérieur brut. La dette étant constituée par le déficit, cette dernière ce découvrira ainsi davantage augmentée et exposera de surcroit le Mali à des difficultés de financement.

Cette proposition de budget démontre encore une fois, le manque de vision précise et surtout de stratégie cohérente de la part des autorités.  L’heure du bilan à sonner. A l’aune des élections présidentielles de 2018, il est du devoir de tout citoyen soucieux du devenir de la République du Mali, de s’approprier de ces nombreuses problématiques, d’accepter l’échange, d’entreprendre des discussions objectives, pour un Mali émergent.

Le développement économique futur du Mali, c’est maintenant !

Khalid Baba Dembélé

Centre de Recherche et d’Analyses politiques

Economiques et Sociales

 

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1 commentaire

  1. il faut apprendre à connaitre le Mali Mr l’économiste. l’agriculture avec A couvre aussi bien l’élevage, la pêche, l’arboriculture…..
    Surtout il ne faut pas occulter l’avantage des fleuves chez nous. la maitrise totale de l’eau peut permettre une production importante en toute saison. je ne crois pas que 15% du budget pour l’agriculture soit une vision non stratégique. Mais après tout un professeur reste un professeur surtout au Mali ou le débat se résume au titre.

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