Récemment en tournée dans la région de Ségou, le ministre de l’Industrie et du Commerce a vanté l’impact de l’arrêté interministériel (août 2023) sur la suspension de l’importation de la farine du blé et de pâtes alimentaires au Mali. Sauf que pour beaucoup de ses compatriotes, si cette mesure profite aux unités industrielles, elle n’a pas bon goût (au propre comme au figuré) pour les consommateurs avec des produits dont la qualité est très en dessous de ceux qui étaient importés. Si l’on veut réellement motiver les ménages à «consommer malien», il faudra contraindre aussi nos industriels à accorder autant d’importance à la qualité qu’à leurs profits.
Récemment en tournée dans la région de Ségou, le ministre de l’Industrie et du Commerce a visité des unités industrielles afin de partager leurs difficultés et surtout se faire une idée de l’impact réel de l’arrêté interministériel (août 2023) sur la suspension de l’importation de la farine du blé et de pâtes alimentaires au Mali. Au cours des échanges dans l’une des usines visitées, il est ressorti que les unités industrielles qui interviennent dans la production de pâtes alimentaires et de la farine du blé ont retrouvé «une santé de fer» a souligné le reporter de l’ORTM Ségou qui a suivi la visite.
Selon le ministre Moussa Alassane Diallo, il y a 18 mois, une unité industrielle allait à la faillite avec comme conséquences la perte de 200 mille tonnes de production, la suppression de 380 emplois. Une situation catastrophique qui était sur le point de compromettre 57 milliards de F CFA d’investissement. «Un gouvernement responsable ne pouvait ne pas réagir à cela», a-t-il rappelé. D’où l’arrêté interministériel qui a favorisé son redressement avant de lui redonner la vitalité affichée pendant la visite du ministre. En effet, selon des témoignages, cette décision du gouvernement a permis à «l’ensemble des unités industrielles» qui interviennent dans la production de pâtes alimentaires et de la farine du blé de retrouver «une nouvelle santé, de reconquérir le marché et de réaliser des chiffres d’affaires voire de recruter du personnel supplémentaire».
A noter que le Mali a suspendu l’importation de la farine du blé et de pâtes alimentaires depuis août 2023. Malgré l’impact sur les unités industrielles, cette mesure de protection (protectionnisme) n’a pas bon goût pour les consommateurs, surtout les ménagères qui se plaignent de la qualité de la production. «Préparer les pâtes alimentaires ou le couscous fabriqués au Mali est de plus en plus une hantise pour beaucoup de ménagères. Si tu ne fais pas attention, tu risques de te retrouver avec une sorte de bouillie de farine immangeable. Chez moi, ces derniers temps, on se plaint toujours, quels que soient les efforts. On a du mal à donner du goût à ces plats», nous a confié une mère de famille. «Bien sûr que certains produits valent mieux que d’autres», s’est-elle empressée d’ajouter.
Des produits au goût fade dans les assiettes
«J’ai l’impression que la qualité de ces produits alimentaires s’est beaucoup détériorée depuis l’interdiction d’importer imposée par le gouvernement. Et je ne suis pas la seule à penser ainsi. Ce qui peut se comprendre aisément car, débarrassé de la concurrence des produits importés, nos industriels ne font plus de la qualité une priorité», a dénoncé une commerçante qui reconnaît que les femmes se plaignent fréquemment de la qualité du couscous et des pâtes alimentaires.
L’interdiction d’importer des produits similaires serait ainsi du pain béni pour les promoteurs de ces unités industrielles. Débarrassées de la concurrence, ils font de juteuses affaires car, comme l’a révélé le ministre du Commerce et de l’Industrie, Moussa Alassane Diallo à Ségou, les unités spécialisées dans ce domaine ont aujourd’hui le vent en poupe alors que le consommateur n’en a pas toujours pour son argent. Il a plutôt l’impression qu’aucun effort n’est consenti pour améliorer la qualité des produits proposés à la clientèle.
«Comme dans plusieurs secteurs économiques du pays, les industriels sont encore dans l’amateurisme avec un personnel généralement formé sur le tas et de surcroît exploité. Contrairement aux industriels ivoiriens, sénégalais…, leur ambition c’est juste le marché national au lieu de fabriquer des produits de qualité pour conquérir le marché sous-régional», a déploré un ingénieur spécialisé dans la transformation de produits agricoles. Un avis d’expert partagé par beaucoup de nos interlocuteurs qui pensent que, si le gouvernement veut réellement motiver les ménages à «consommer malien», il faudra contraindre aussi nos industriels à accorder autant d’importance à la qualité qu’à leurs profits.
Dans le contraire, nos autorités donneront l’impression d’encourager des opérateurs industriels à tondre la laine sur le dos des pauvres consommateurs condamnés à se contenter de produits au goût fade dans leurs assiettes. Faute de choix, bien sûr !
Kader Toé