Lors de sa visite à Koulikoro la semaine dernière, le chef de l’Etat a été contraint de s’arrêter pour écouter les femmes des anciens travailleurs de l’Huicoma. Leurs doléances : rouvrir l’usine qui était le seul poumon économique de la ville.
Je l’avais signalé sur les réseaux sociaux depuis quelques temps en apportant ma petite pierre aux attributions régaliennes du ministère du Développement industriel. Ce nouveau département animé par un jeune ministre que l’on sait actif sur le terrain a du pain sur la planche si sa mission du moins si sa mission était bien comprise par ses responsables.
En effet, l’économie coloniale était tournée vers le secteur extractif et les exportations agricoles à destination des métropoles. Mais les échanges ont commencé à se réduire lors de la crise des années 1930 et, à partir de la Seconde Guerre mondiale, le colonisateur a commencé à se désintéresser de l’industrialisation en Afrique.
Après les indépendances du début des années 1960, les nouveaux dirigeants ont voulu en faire un élément central de développement en adoptant un modèle de substitution aux importations. Un échec.
Ils n’avaient pas la capacité financière et de bonne gestion des entreprises publiques. Manquaient aussi une classe d’affaires locale, le capital humain et la maîtrise de la technologie. Et les pays africains n’ont pas su choisir les industries cibles et attirer les investissements. La libéralisation des échanges dans les
Dans le cas du Mali, il y a une stratégie à penser et un retard à rattraper. Au lendemain de l’indépendance, l’industrie était inexistante. Elle n’était pas la priorité. Cependant par baroud de nationalisme, Modibo et ses amis se sont investis pour installer de petites industries dont des papeteries, des savonneries, sucreries, rizeries, textiles, cimenteries, usine de céramiques, manufacture de tabacs et d’allumettes, tanneries, usines de textile, abattoirs frigorifiques, huileries, conserverie, etc.
Afin de favoriser l’indépendance économique, une quarantaine de sociétés et entreprises d’Etats verront le jour entre 1960 et 1967. Les plus connues sont l’Abattoir frigorifique, la Société malienne d’importation et d’exportation (Somiex), la Société des conserves du Mali (Socoma), la Société d’exploitation des produits oléagineux du Mali (Sepom), la Librairie populaire du Mali (LPM), la Société des ciments du Mali (Socima), Energie du Mali, la Pharmacie populaire du Mali (PPM), la Société de construction radioélectrique du Mali (Socoram), la Société malienne du bétail, des peaux et cuir (Sombepec), la Société nationale de recherche et d’exploitation minières (Sonarem), la Compagnie malienne des textiles (Comatex), etc.
Avec seulement une quinzaine de cadres au départ, Modibo Kéita a laissé en héritage dix hôpitaux, 300 dispensaires, 45 centres médicaux, 60 maternités, une Pharmacie populaire avec des succursales dans toutes les grandes villes et chefs de lieux de cercles et des dépôts dans les arrondissements et les villages, cinq écoles de formation de personnel de la santé, quatre écoles d’enseignement supérieur (ENA, EN Sup, ENI, INA).
Ces grandes réalisations ont été confrontées à l’hostilité de l’environnement politique, des problèmes d’approvisionnement, l’incompétence technique, le sabotage.
Peu avant la crise de 2012, sur les 406 entreprises industrielles recensées sur l’ensemble du territoire, 44 avaient mis les clés sous le paillasson, 18 à l’arrêt et une liquidée en 2006 selon le résultat d’un recensement effectué par le ministère de l’Industrie et du Commerce.
Au Mali, au lieu de s’accroître, le parc industriel se rétrécit d’année en année avec, en moyenne, une trentaine d’entreprises qui dépose les bilans avec des milliers d’emplois perdus et un manque à gagner pour l’Etat.
Par exemple de 303 milliards F CFA de valeur ajoutée en 2003, les unités industrielles n’ont réalisé en 2004 que 283 milliards et 301 milliards en 2005. La part du secteur industriel dans le produit intérieur brut calculé au prix du marché est de 12 %, 11 %, et 10 % respectivement en 2003, 2004 et 2005.
Les plus fortes concentrations industrielles se trouvent dans les activités de fabrication, 95 %, notamment dans de la fabrication des produits alimentaires 62 % et la branche Edition, Imprimerie et reproduction 13 %.
Autre constat la plupart des entreprises industrielles sont installées dans le district, soit un pourcentage de 7 entreprises sur 10. Et 83 % des actionnaires personnes physiques des entreprises industrielles sont des nationaux.
Ce qui prouve que l’industrie malienne n’a pas encore atteint le degré de “soutenabilité” de l’économie du pays, en d’autres termes, le Mali ne peut pas encore compter sur ses industries pour bâtir un développement économique.
Les entreprises maliennes ont en commun des difficultés qui sont, dans la plupart des cas, à l’origine de leur faillite. Il s’agit du coût élevé des facteurs de production, des matières premières, la fraude et la concurrence déloyale, la mauvaise gestion ainsi que la lourdeur administrative.
Pour stimuler le développement industriel, le gouvernement doit poursuivre la politique de promotion des investissements et leurs activités commerciales vers des secteurs jugés primordiaux pour la croissance économique à long terme et la création d’emplois.
Aujourd’hui, le secteur a besoin d’un accès au financement, un tarif préférentiel d’électricité, l’assouplissement de la lourdeur administrative, la création de zones industrielles aménagées et équipées d’outils de traitement de déchets industriels, la mise en place d’un mécanisme efficace de suivi et d’évaluation des questions environnementales du secteur industriel, etc.
Source : Providentiel