Investissement Occidental au Mali: mythe ou réalité ?

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Depuis qu’on l’a ‘aidé’ avec beaucoup d’astuces et de malice à détricoter dans les années 80 le tissu industriel dont l’avait doté aux premières heures de son indépendance son premier Président, feu Modibo Keïta, le Mali court toujours derrière l’investissement étranger (occidental s’entend) censé le sortir de la pauvreté, investissement toujours promis, mais jamais réalisé.

Tous les pouvoirs qui se sont succédés se sont cassés les dents sur cette question épineuse de l’investissement étranger si nécessaire au développement de notre pays, mais en même temps si inaccessible et si insaisissable. Inaccessible et insaisissable parce que ceux qui avaient promis de nous aider une fois qu’on aurait fini de démanteler notre base industrielle, exigeaient désormais de nous l’éradication de la corruption qui gangrènerait notre pays, rendant tout investissement chez nous périlleux ou au minimum, risqué.

Une telle rhétorique s’accommode mal cependant des scandales à répétition dans ces pays là mêmes qui agitent la corruption comme un obstacle incontournable à l’investissement. Le problème est alors devenu l’absence totale de démocratie qui crée une situation d’instabilité sociopolitique hautement préjudiciable à l’investissement dans nos pays. Le vent de démocratie qui a soufflé sur notre pays au début des années 90 a battu en brèche cet argumentaire.

L’instauration de la démocratie dans notre pays, longtemps agitée comme une condition intransigeante pour tout investissement étranger, n’a pas suffi non plus à faire venir les investisseurs occidentaux que nous convoitons tant, car notre pays n’avait pas les compétences (techniques) et l’infrastructure (transport et télécommunication) jugées nécessaires à un investissement conséquent.

Cependant, investir, c’est créer ces compétences et cette infrastructure. Ça, c’est parce que nous n’avions rien compris du tout: le problème n’est pas en fait le manque de compétence et d’infrastructure, le vrai problème, c’est la mal gouvernance et la faiblesse de notre système judiciaire.

Aucun de ces arguments n’a cependant pas empêché une autre classe d’investisseurs occidentaux, active celle-là dans le commerce direct et les services, de venir occuper les secteurs les plus lucratifs de notre économie qui ne nécessitent aucun investissement important, mais qui enrichissent outrageusement, trop souvent à notre détriment.

En effet, les plus grandes entreprises privées dans notre pays appartiennent ou sont détenues en majorité par des ressortissants de ces pays qui ne manquent jamais d’argument pour ne pas investir dans le secteur industriel dans notre pays. A titre d’exemple, on peut citer l’opérateur de téléphonie mobile Orange, les vendeurs de carburants et de produits de première nécessité généralement importés Total et Shell, le concessionnaire automobile CFAO Motor, le PMU Mali, la BICIM et la quasi-totalité des banques et des compagnies d’assurance privées opérant dans notre pays.

Ailleurs en Afrique, on peut citer Bolloré, qui est sur le point de prendre le contrôle de tous les ports et rails des pays francophones sous divers noms. Toutes ces entreprises actives dans les secteurs du commerce et des services, où aucun investissement ni investisseur étranger n’est nécessaire et surtout, où intervenir n’apporte rien ou presque rien à notre pays, n’ont qu’un seul but: accaparer les rares ressources de nos populations pour entretenir les niveaux de vie exorbitants dans leur pays.

En réalité, l’investissement étranger dans notre pays a été remplacé depuis longtemps dans la stratégie des brillants cerveaux qui gèrent nos affaires et de leurs complices, les soi-disants partenaires au développement qui leur dictent tout, par l’aide au développement. L’industrie quant à elle, serait remplacée par les ONG et autres organisations de coopération internationale, à qui échoient désormais le rôle crucial de créer l’emploi et la richesse qui sortiraient notre pays de son sous-développement.

Devant l’échec patent de cette politique initiée dans les années 80 sous la houlette de la paire Banque Mondiale-FMI, l’appel à l’investissement occidental fait un retour en force dans notre pays. Au cours des vingt cinq dernières années, les différents gouvernements qui se sont succédé se sont tous mobilisés, en vain, pour attirer l’investissement occidental dans notre pays. Dépités, nos dirigeants se sont tournés avec un certain succès vers d’autres sources étrangères d’investissement, en particulier certains pays des BRICS (l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) et la Libye.

Cette politique était sur le point de créer un embryon d’industries porteuses dans notre pays: création d’une usine d’assemblage de tracteurs, d’une unité industrielle de traitement des minéraux de fer, reprise de la cimenterie de Diamou,  tous par des investisseurs Indiens, projet de création à Markala d’une des plus grandes usines de production de sucre, d’aliment bétail et d’électricité en Afrique Occidentale, SOSUMAR, en partenariat avec Illovo, une entreprise Sud-Africaine, projet de création d’une usine d’assemblage d’engins à quatre roues en partenariat avec DAEWO, une entreprise Sud Coréenne, de création d’une raffinerie d’or, projet d’aménagement de 100 000 hectares de terres cultivables dans la zone Office du Niger avec les partenaires Libyens, etc…

En plus de ces investisseurs dans le secteur industriel, nos dirigeants avaient su attirer des investisseurs dans les secteurs miniers et pétroliers. Ainsi, ENI, un consortium italo-algérien, et Héritage, une compagnie de recherche pétrolière internationale dont l’antenne locale était dirigée à l’époque par un jeune malien très brillant (les techniques de recherche révolutionnaires d’Héritage sont à l’origine de la découverte du pétrole en Ouganda), étaient sur le point d’effectuer des forages très prometteurs dans les blocs 4, 3 et 28 du Mali au cours du premier trimestre 2012.

C’est dans ce contexte que, comme par magie, éclata au nord de notre pays une rébellion touareg partie de la France, qui culmina avec le coup d’état du 22 mars. Tous ces projets industriels, miniers et pétroliers sur le point d’aboutir à l’époque se sont noyés dans le voile opaque de mensonge, de calomnie, de diffamation et de désinformation qui s’est abattu sur notre pays depuis.

Parallèlement, la crise militaro-politico-sécuritaire de 2012 allait redonner à nos ‘amis’ de toujours, la France et ses alliés occidentaux dont le trait de caractère principal est la condescendance à l’état maladif, grands spécialistes du développement international, l’occasion de reprendre l’autorité et le contrôle politiques et surtout économiques qu’ils étaient sur le point de perdre sur notre pays.

Notre Président actuel, IBK, vient de lancer une véritable campagne de publicité sur l’importance de l’industrie pour le développement de notre pays. Comme tous ses prédécesseurs, IBK compte d’abord et surtout sur l’investissement étranger (entendez l’investissement de ses amis français et de leurs alliés occidentaux) pour réaliser son vœu de doter enfin notre pays du tissu industriel qui lui manque tant. Deux mandats ne suffiront pas à IBK pour attirer un seul investisseur occidental dans le secteur industriel au Mali.

En effet, de l’indépendance de notre pays à nos jours, les occidentaux en général, et notre alliée de toujours, la France en particulier, n’ont ni créé, ni participé à la création de la moindre unité industrielle viable dans notre pays, malgré tous les efforts de nos différents dirigeants pour les attirer dans le secteur. Au contraire, ces donneurs de leçon connus surtout pour leur condescendance maladive, sont toujours prompts à nous encourager ou à nous obliger à démanteler nos entreprises lorsqu’elles traversent les crises cycliques inhérentes à la vie de toutes entreprises dans le monde. Ces crises cycliques ne sont-elles pas la preuve irréfutable que nous ne sommes pas capables de gérer une entreprise, que nous devons réserver cette tâche aux investisseurs étrangers? Pourtant, lorsque leurs propres entreprises, qui sont permanemment au bord de la rupture, sont confrontées au même cycle, ils ne manquent jamais d’argument pour les renflouer avec l’argent du contribuable.

Pire, les investisseurs de ces pays préfèrent payer 3 982 400 FCFA par mois pour 160 heures de travail (3 484 600 FCFA pour 140 heures de travail par mois dans les pays qui appliquent les 35 heures de travail hebdomadaire) à un ouvrier de leurs pays que de payer entre 75 000 FCFA et 100 000 FCFA à un ouvrier malien pour 160 heures du même travail.

Si vous multipliez ce salaire par le nombre d’étapes de la transformation du coton par exemple (de l’égrenage à la filature au produit fini), et y ajoutez les autres avantages tels que le treizième et parfois le quatorzième et même le quinzième mois, les congés payés, la retraite, l’assurance maladie, les frais de transport de la matière première de nos pays à ces pays et de ré-transport du produit fini de ces pays à nos pays, les frais de douane  etc…, vous comprendriez aisément, chers lecteurs, pourquoi la vie est si chère dans ces pays et pourquoi nous sahéliens du Mali, ressortissants de l’un des trois premiers pays producteurs de coton en Afrique, en sommes réduits à porter la friperie des ressortissants de pays qui n’ont jamais vu pousser un seul pied de cotonnier.

Pire, non seulement nos amis occidentaux à la condescendance maladive, par ailleurs très actifs pour ne pas dire hyperactifs dans le domaine du développement international, ne viennent pas investir chez nous, mais ils trouvent toujours le moyen, par des combines sophistiquées, la malice et la manipulation, leurs armes favorites, d’étouffer toute initiative d’investissement dans l’économie réelle dans nos pays venant d’ailleurs, comme on n’a pu le voir avec l’assassinat de Mouammar Kadhafi, qui a porté un coup d’arrêt à l’investissement Libyen dans plusieurs secteurs porteurs dans notre pays et ailleurs en Afrique, et le coup d’état de mars 2012, qui a fait fuir la plupart des investisseurs étrangers qui s’intéressaient à notre pays, dont Illovo.

Par deux fois le Mali a tenté l’expérience de l’industrialisation, une première fois sous le Président Modibo KEITA, qui avait su intelligemment mobiliser les ressources de l’Etat, la seule institution qui en avait les moyens à l’époque, pour doter notre pays d’une base industrielle, et une deuxième fois sous ATT, qui avait su attirer des investisseurs d’autres horizons sans les mêmes états d’âme que nos ‘’amis occidentaux’’, pour créer un embryon d’industrie chez nous.

Par deux fois, l’expérience a été interrompue de manière inopportune, intempestive et brutale par notre armée nationale. Pour couronner le tout, nos amis occidentaux sont parvenus aujourd’hui par la malice et la manipulation à faire main basse sur notre épargne nationale pour nous empêcher de créer nous-mêmes le tissu industriel nécessaire au développement de l’activité économique réelle dans notre pays, comme avait su le faire intelligemment notre premier Président, le regretté Modibo Keïta, et s’enrichir encore une fois à notre dépens. Voilà la vraie mondialisation sauvage que la patronne du FN français, Marine Le Pen, doit avoir l’honnêteté intellectuelle et le courage politique de dénoncer au lieu de s’en prendre à nos ressortissants qui risquent leur vie à la recherche de l’emploi que son pays leur vole chez nous.

En réalité, l’investissement étranger indispensable à l’industrialisation de notre pays est un mythe. Les tenants de la théorie de l’investissement étranger indispensable à l’industrialisation de nos pays africains aiment prendre pour référence les pays du sud-est asiatique et le boom économique dans ces pays qui a suivi l’arrivée massive des investisseurs étrangers.

Mais ce que nos brillants cerveaux ne vous disent jamais, c’est que les jalons de l’industrie existaient déjà dans ces pays, grâce aux efforts de leurs dirigeants et de leurs citoyens. En effet, contrairement à un mythe savamment entretenu dans notre pays, les investisseurs étrangers (occidentaux s’entend) ne se sont pas rués sur ces pays uniquement parce que le coût du travail chez eux les rendait beaucoup plus compétitifs qu’ailleurs (les salaires dans ces pays étaient au même niveau et parfois même inférieurs qu’en Afrique sub-saharienne à l’époque).

Les investisseurs étrangers se sont rués sur ces pays parce que la base industrielle créée localement présageait l’émergence d’un marché très lucratif pour l’investissement étranger. En d’autres termes, tant que nous ne poserons pas les bases du développement industriel dans notre pays, nous pouvons créer l’environnement le plus attractif/attrayant du monde, mais nos ‘‘amis’’ occidentaux ne viendront pas investir dans l’activité économique réelle dans notre pays.

La première étape vers la création de cette base industrielle est la mobilisation et l’investissement de notre épargne nationale à cette fin, comme ont su le faire d’autres pays sous d’autres cieux. En fait, il n’existe pas dans le monde d’exemple de pays qui s’est développé sans mobiliser et investir son épargne nationale dans son économie. Cette mobilisation de l’épargne nationale, mais et surtout son investissement dans l’activité économique réelle dans notre pays, passe par une refonte de notre système financier et monétaire et une révision en profondeur des directives et des taux d’intérêt rédhibitoires appliqués par nos banques sous le regard bienveillant et la direction de l’UEMOA-BCEAO.

Voilà chers lecteurs, en quelques mots, le seul enjeu véritable pour notre pays aujourd’hui: courir derrière un mirage, une chimère, l’investissement étranger (occidental), ou sauter le verrou impitoyable et féroce solidement vissé sur notre épargne nationale pour nous empêcher de faire nous-mêmes ce que les autres refusent catégoriquement et refuseront toujours de faire chez nous sur la base d’arguments totalement fallacieux.

Devant l’ineptie et le manque évident de volonté politique de nos dirigeants, il revient aux citoyens conscients de cet enjeu de se mobiliser pour contrer les combines et les magouilles de ces petits esprits condescendants et prétentieux, qui se croient experts de la manip, qui parviennent malheureusement à damner le pion intellectuellement aux responsables de nos plus grandes institutions à tous les coups.

Il est urgent aujourd’hui de trouver le moyen d’obliger l’UEMOA-BCEAO et les banques opérant dans notre pays à revenir à des pratiques plus orthodoxes, comme par exemple investir notre épargne nationale dans la création d’emplois réels et de richesse chez nous. Le combat pour le financement de l’activité économique réelle par les banques dans notre pays n’est pas celui d’un seul citoyen. Ce combat est celui de tous les Maliens soucieux du devenir de ce pays mais et surtout, de leur avenir et de l’avenir de leurs enfants.

KANDIOURA

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