Gouvernance dans les entités industrielles, commerciales et de services : L’heure des dates comptables (1ère Partie)

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 A la clôture de chaque exercice les organes d’administration ou de direction selon le cas, dressent l’inventaire et les états financiers, conformément aux dispositions des chapitres précédents, et établissent un rapport annuel de gestion et le cas échéant un bilan social. 

Le rapport de gestion expose la situation de l’entité durant l’exercice écoulé, ses perspectives de développement ou son évolution prévisible, et en particulier, les perspectives de continuation de l’activité, l’évolution de la situation de trésorerie et le plan de financement.

Les événements importants, survenus entre la date de clôture de l’exercice et la date à laquelle il est établi, doivent également y être mentionnés

Tous ces documents sont transmis aux commissaires aux comptes s’ils existent, quarante-cinq jours au moins, avant la date de l’assemblée générale ordinaire. Art 71 AURDCIF ET SYSCOHADA.

 

I- L’EXERCICE OU L’ANNEE COMPTABLE

 

L’année comptable commence le 1er Janvier et finit à la date du 31 décembre, appelée date de clôture. Après douze mois d’activités les dirigeants des entités doivent faire le point exact du déroulement de l’année. Ils sont supposés avoir géré l’entité en “bon père de famille”. Ils doivent rendre compte de  leur gestion et donner des réponses aux interrogations suivantes :

 

  1. Est-ce-que l’entité s’est enrichie ou s’est appauvrie ? Autrement dit l’année a-t-elle été bénéficiaire au déficitaire ? En termes financiers, on dira que
  2. Est-ce qu’elle progresse ou régresse? En d’autres termes elle est en croissance ou en décroissance ou stationnaire ?
  3. Qu’est-ce-qui explique le résultat de l’exercice ? Ne pouvons pas faire mieux ? L’entité a-t-elle gagné de nouveaux clients, donc de nouvelles parts de marché ou au contraire a-t-elle perdu des clients, donc a reculé face à la concurrence ?
  4. Est-ce que ce sont les flambés des prix, donc le marché, qui expliquent les résultats ou les bonnes décisions de gestion prises par les dirigeants?

Autant de questions dont les réponses se trouvent dans la mise en œuvre des dispositions de l’article 71 ci-avant-cité de l’Acte Uniforme Relatif au Droit Comptable et à l’Information Financière et SYSCOHADA.

 

Rappelons que « l’Entité » est le nouveau vocabulaire retenu par le SYSCOHADA Révisé pour désigner toutes les personnes physiques et morales qui doivent tenir une comptabilité générale ou financière au sens de l’article 2 de l’AURDCIF : entreprises agricoles, industrielles, commerciales, de prestations de services, Associations, ONG, Fondations, Coopératives, etc, à l’exception des banques, des assurances, des Institutions de Micro-Finance (IMF) et des entités soumises aux règles de la comptabilité publique.

 

Ainsi le vocable “Entité” est plus large que celui de “l’Entreprise” dont il englobe. Si toutes les Entités assujetties tiennent une comptabilité privée selon le SYSCOHADA, les règles de gouvernance cependant sont différentes.

  • Une association tient une comptabilité privée selon les règles du SYSCOHADA tout en restant gouvernée par la « loi sur les associations ». Il en est de même des Fondations.
  • Une ONG tient sa comptabilité privée selon les règles du SYSCOHADA tout restant gouvernée par ses textes de création.
  • Une coopérative tient sa comptabilité privée, mais est gouvernée par l’Acte Uniforme du 15 décembre 2010 relatif au droit des sociétés coopératives,

 

Les Entités dont la gouvernance est réglementée dans le Droit des Sociétés et du GIE de l’OHADA et obligées par les dispositions de l’article 71 ci-avant cité sont :

 

  1. L’entreprise individuelle,
  2. Les sociétés commerciales :
  • Société en Nom Collectif,
  • Société en Commandite Simple,
  • Société en Commandite par Action,
  • Société A Responsabilité Limitée
  • Société Anonyme,
  • Société Anonyme Simplifiée
  1. Les Groupements d’Intérêt Economique
  2. Les Sociétés coopératives

 

 

II- LES DATES IMPORTANTES OU « DEADLINES » DE L’EXERCICE COMPTABLE

 

Elles ressortent de la lecture de l’article 71 :

 

  1. L’inventaire de fin d’année
  2. La clôture de l’exercice
  3. L’arrêté des comptes,
  4. Le rapport annuel de gestion
  5. La vérification des comptes par le Commissaire aux Comptes,
  6. L’approbation des comptes par l’Assemblée Générale Ordinaire Annuelle.

 

Une personne joue un rôle central dans l’accomplissement de ces obligations : le commissaire aux comptes.

 

2.1-La clôture de l’exercice : l’établissement des états financiers.

 

Connaitre sa situation à tout moment, est l’obsession de tout Dirigeant d’entreprise. C’est ainsi que pour les besoins quotidiens de la gestion, les entités peuvent établir autant de situations financières intermédiaires : mensuelles, trimestrielles, semestrielles. Ces situations financières intermédiaires, ne sont pas obligatoires dans les Entités non financières alors qu’elles le sont dans les banques et établissements financiers.

Les entités financières et non financières sont toutes tenues d’établir des comptes ou états financiers au moins une fois par an. C’est ce qui ressort de l’article 7 de l’AURDCIF et SYSCOHADA en ces termes :

“Les états financiers de synthèse regroupent des informations financières au moins une fois par an, sur une période de douze mois, appelés exercice, ils sont dénommés états financiers annuels………..”.

L’établissement des états financiers annuels est entouré de maximum de travaux, de diligence, de soins et de précautions, afin que les comptes qui en sortent, soient les plus fiables possibles. Ils constituent la représentation de l’image que l’entité renvoie à ses partenaires, utilisateurs : propriétaires, dirigeants, employés, banques, clients, fournisseurs, administration fiscale, etc.

 

2.2-L’inventaire physique de fin d’année.

 

L’inventaire physique est l’un de ces travaux de précaution, les plus importants. En effet des comptes annuels fiables sont ceux dont tous les montants sont réels, c’est-à-dire justifiées par des preuves probants. En matière de preuves, l’observation physique des biens, le comptage des biens, des créances, des dettes, des stocks, des espèces, des chèques en coffre-fort, etc, sont les “reines des preuves”.

La comptabilité tenue chronologiquement, au jour le jour, même sans ratures, ni blanc doit être confirmée par inventaire : article 17 de l’AURDCIF : “…..le contrôle par inventaire de l’existence et de la valeur des biens, créances et dettes de l’entité, conformément aux alinéas 6 et 7 de l’article 16 ci-dessus…….”.

1-La comptabilité peut être mal tenue, et omettre des éléments ou enregistrer des éléments qui n’existent pas ou n’existent plus. L’inventaire permet alors de constater quels sont les éléments omis, et quels sont ceux qui, encore enregistrés ont une valeur bien inférieure à celle qui figure dans les livres.
2-Même si elle est bien tenue, une comptabilité peut par simplification ne pas enregistrer certaines modifications dans l’état des actifs. C’est le cas en particulier pour ce qui concerne les  sorties de stocks. Ces dernières ne sont pas comptabilisées à chaque vente, mais seulement globalement en fin de période  Lorsque ce système est employé (inventaire intermittent) un inventaire des stocks est toujours nécessaire

 

3-Même si elle est bien tenue, une comptabilité peut omettre d’enregistrer dans la période en cours, des modifications d’actifs et de dettes qui y sont pourtant survenues. Inversement, elle peut enregistrer dans la période en cours des modifications survenues ou qui surviendront effectivement dans d’autres périodes.

4-Enfin l’inventaire est une prescription du Droit Comptable OHADA, du Droit des Sociétés commerciales et du GIE et du droit fiscal : article 59 du Livre des Procédures Fiscales en ces termes : Tous les contribuables relevant du régime réel d’imposition, ayant un stock disponible à la vente ou à la revente doivent communiquer au plus tard le 1er décembre au service d’assiette dont ils relèvent la ou les dates de leur prise d’inventaire de fin d’année.

L’administration des impôts peut, si elle l’estime utile, assister au décompte.

 

Nous avons pu nous procurer d’une photocopie du livre “Traité des comptes et des écritures” de Luca Pacioli, édité à Venise en 1494, considéré comme le père de la comptabilité moderne en “partie double”. Son chapitre 3 traite de l’inventaire physique. Ce livre a été imposé en 1614, en France, aux entreprises par Jean Baptiste COLBERT, le Contrôleur Général des finances (Ministre des finances) de Louis XIV. Depuis cette date, l’inventaire physique est repris par la règlementation du Droit commercial de nombreux pays.

Nous reproduisons textuellement le « Modèle d’inventaire dans toutes les formes requises », tel que conçu par Luca Pacioli.

 

Au nom de Dieu, l’an 1493, le 8 novembre, à  Venise.

Ce qui suit est l’inventaire de moi N… rue du Saint Apôtre, à Venise.

Comme il est de règle, je l’ai écrit de ma main (ou je l’ai fait écrire par un tel). Il contient tous mes biens, meubles et immeubles, toutes mes dettes et créances ici-bas au jour susdit.

 

  1. Premièrement, je trouve avoir en caisse, comme monnaies d’or et d’argent : tant de ducats d’or, dont tant de Venise et tant de Hongrie ; tant de florins du pape, de sienne, de florence, etc. Le reste consiste en monnaies d’argent et de cuivre de diverses sortes : troni, marcelli, carlini royaux et du pape, grossi de florence, testoni de Milan.
  2. Je possède aussi tant de pierres précieuses serties ou non, parmi lesquelles il y a des rubis spinelles taillés, sertis dans des anneaux d’or, pesant d’onces, carats, grains la pièce ou en tout, à guise. Je possède aussi tant de saphirs taillés en fermoirs de dame, pesant… Et tant de rubis rouge non sertis pesant… Le reste consiste en diamants bruts, non taillés et non polis, dont les sortes et les poids sont mentionnés à ta guise.
  3. Je possède aussi des vêtements, tant d’une sorte, tant d’une autre, mentionnés selon leur modèle, leur teinte, leur tissu, leur taille.
  4. Je possède aussi des pièces d’argenterie d’espèces variées, telles que gobelets, coupes, cruches, fourchettes. Mentionne tous les articles un par un. Pèse-les soigneusement et tiens compte des quantités, des poids et des titres, selon que l’alliage est Venise ou de Raguse. Mentionne également les estampilles qu’ils porteraient.
  5. 5. Je possède aussi un coffre de linge : draps, nappes chemises mouchoirs… A savoir : tant de draps de 2 ½ ou de 3 lés (les petits de padoue ou autres) neufs ou usagés tant de grands draps et tant de petits tant de chemises de nappes de fil tant de grands et petit mouchoir neufs ou usagés en indiquant les différentes sortes à ta guise.
  6. 6. Je possède aussi tant d’édredons de plume avec leurs oreillers de plume neuve ou usagée et leur taie neuve, qui pèsent en tout ou séparément tant de livres, et qui portent, comme de coutume, ma marque ou une autre.
  7. Je possède aussi différentes sortes de marchandises chez moi ou au magasin .premièrement tant de balles de gingembre ordinaire pesant tant de livres et portant telle marque. Puise je mentionne article par article lesdites marchandises avec toutes les caractéristiques possibles en indiquant aussi clairement qu’il se peut leur, poids leur nombre et leur volume.
  8. Aussi je possède : tant de balles de gingembre sélectionné, tant de sacs de poivre de long ou rond, suivant le cas, tants de sacs de cannelle, pesant …, tants de sacs de clous de girofle ,pesant …, tant de pièce de bois de teinture rouge et tant de pièce de bois de santal rouge et blanc pesant … Et ainsi de suite l’un après l’autre.
  9. Je possède aussi des peaux pour garnitures : tant de peaux d’agneau blanc des pouilles ou des marches, tant tannées et tant non tannées, tant de peaux de chamois tannées, et tant non tannées.
  10. 10. J’ai aussi de belles sauvagines : hermines manteaux divers zibelines, tant de telle et telle sorte tant de telle autre sorte. Tu en feras exacte mention, en les distinguant minutieusement, pièce par pièce, en prenant la sincérité pour guide, et en veillant à ce que les articles soient classés les uns en quantité les autres au poids les autres encore à la mesure, selon ces trois manières dont on a coutume de les vendre. Certains articles se négocient au poids : par mille livres, d’autres par cent livres, d’autres par livre, d’autres à l’once d’autres articles se négocient par quantités comme les peaux, d’autres à la pièce, comme les pierres précieuses et les perles fines. Prends bien note de cette manière de tous les articles, séparément. Ces exemples peuvent te suffire de guide, et tu pourras toujours les suivre en d’autres cas.
  11. Je possède aussi des biens immeubles. Premièrement une maison de tant d’étages, avec tant de chambres, cour, puits et jardin… sise rue du Saint Apôtre, le long du canal… jouxtant tel et tel en mentionnant les propriétés voisines par référence aux actes notariés, s’il en existe, d’autant plus authentiques qu’ils sont plus anciens. Tu mentionneras de même les maisons que tu peux posséder en différentes localités.
  12. Je possède aussi des terres cultivables, des champs, des prairies. Désigne-les comme on le fait dans le pays où tu habites ou dans celui où ils sont situés… tant. Entends par là un champ ou une prairie de tant de tablées, ou de cannes, ou de perches, ou d’arpents… sis sur tel domaine de padoue ou d’ailleurs…jouxtant la propriété d’un tel…, contigus de… , faisant l’objet de tel acte notarié ou de tel article du cadastre sous lequel je suis imposé dans la commune de… , qui est travaillé par un tel…, qui rapporte tant en nature et en argent. Enumère de la même façon toutes tes propriétés, ainsi que ton cheptel en métayage.
  13. J’ai encore en dépôt un capital de tant de ducats à la chambre des emprunts ou dans une autre banque de la section de canareggio, ou bien partie dans une section et partie dans une autre. Mentionne qui l’a enregistré, à quel bureau, le numéro de la page où se trouve ton compte, à quel bureau, le numéro de la page où se trouve ton compte, le nom du teneur de livres, afin de pouvoir en retrouver plus aisément la trace lorsque tu voudras te faire rembourser. En effet ces offices doivent effectuer de nombreux contrôles en raison de grand nombre de personnes avec les quelles ils font des affaires. Note également quand le dépôt fut effectué et pour quelle durée, afin de connaître le jour de l’échéance, ainsi que le pourcentage qui doit le rétribuer.
  14. J’ai aussi n. débiteurs, l’un, messire un tel…qui me doit…ducats, l’autre messire un tel… Désigne-les séparément, en indiquant de manière précise leur identité, nom et prénom, le montant et le motif de leur dette. Mentionne s’il y a lieu les écrits ou actes notariés passés entre vous. En tout je dois recevoir… ducats de bon argent, si ce sont des gens de bien ; sinon tu diras : de mauvais aloi.
  15. Je suis aussi débiteur de… ducats envers untel et de ducats envers un tel. Mentionne tes créanciers séparément et précise s’il ya lieu, s’il existe des écrits privés ou notariés passés entre vous, de quel genre, à quelle date et où, car ces annotations pourraient t’être nécessaires en justice ou hors justice”.

A la lecture de P.V. d’inventaire, il se dégage la première qualité requise des états financiers, à savoir la sincérité. Il y a la volonté de dire la vérité. Il n’y a aucune tentative de vouloir obscurcir l’information. Or qu’est-ce qu’on demande aux états financiers ? : Qu’ils soient sincères et réguliers pour donner l’image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat des opérations à la date de leur établissement

L’inventaire physique est une date comptable très importante pour l’établissement d’états financiers fiables. Son organisation et sa réalisation sont de la responsabilité des dirigeants d’entreprises : “nul n’est censé ignorer la loi”. De nos jours, avec les moyens technologiques disponibles, les Entités peuvent réaliser les inventaires physiques les plus fiables.

Ils sont aidés dans l’application correcte du Droit comptable, du Droit des sociétés, par les professionnels comptables compétents, membres de l’Ordre National des Experts Comptables et des Comptables agréés en leur qualité Commissaire aux comptes ou d’Expert-Comptable  ou de Comptables Agréés.

En pratique, les professionnels commencent par rappeler leurs clients en début décembre, sur l’organisation de l’inventaire, à l’aide d’une circulaire d’inventaire. La circulaire fournit les « instructions d’inventaire et les procédures de comptage » pour une prise d’inventaire fiable.

Et si nonobstant les diligences mises en œuvre par le professionnel, l’entité ne réalise pas d’inventaire, quelles sanctions encourt-elle ?

La première sanction est celle de la violation d’une disposition de droit comptable, de droit commercial, de droit des sociétés et de droit fiscal, avec toutes les conséquences que cela pourrait engendrer.

 

La deuxième sanction est que l’entité court le risque permanent d’établissement d’états financiers inexacts ou faux. Elle n’aurait pas la certification pure et simple de ses états financiers par le commissaire aux comptes. En effet, en l’absence d’inventaire, certifier les comptes d’une Entité qui ne connait pas ses stocks, ses immobilisations, ses créances, ses dettes, risque d’être qualifié de certification de complaisance, ne résistant pas à aucun contrôle de qualité de l’organe de contrôle de qualité de la profession comptable.

 

La troisième sanction est le risque de rompre la confiance entre actionnaires ou associés. Pourquoi les dirigeants ne réalisent-ils pas l’inventaire physique ? Les refus de certification ou certification avec réserves du Commissaire Aux Comptes pourraient inciter les autres associés à demander l’expertise de gestion conformément aux dispositions de l’article 159 de l’Acte Uniforme relatif au Droit des sociétés et du GIE.

 

Enfin, la quatrième sanction relève du Droit pénal des affaires. Les auteurs états financiers inexacts ou faux, leurs complices sont sévèrement réprimés pour délit d’établissement, de publication et de diffusion d’informations mensongères . Le commissaire aux comptes qui a certifié ces états, est réprimé pour délit de confirmation d’informations mensongères. En cas de difficultés, devant les Tribunaux, les Dirigeants courent le risque de condamnation pour négligence coupable, de n’avoir pas gérer l’entreprise en bon père de famille. Ils pourraient aussi courir le risque de condamnation pour délit de banqueroute simple avec interdiction d’assurer tout mandat de gérance, d’administrateur de société pendant au moins cinq ans.

La bonne gouvernance commence par la production d’informations financières fiables./ (…à suivre..)

 

Siné DIARRA

Expert-Comptable

Enseignant de Comptabilité de finances et d’Audit

Tel : 66 89 69 69 / 76 89 69 69.

Site : www.finaudit.ml

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