Extraction d’uranium à Faléa :Le Mali sous pression du Fmi

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L’Etat malien ne fera rien pour stopper un projet d’extraction d’uranium à Faléa, d’autant plus qu’il y est acculé par le Fonds monétaire international (Fmi). Qui voit dans cette perspective un moyen de recouvrer ses créances. Le destin radioactif de 20 000 habitants se jouait -jusqu’à l’alerte donnée par les écologistes- à l’insu du président de la République.

Imbroglio ou écheveau ? L’uranium fait en tout cas scandale sur les terres agricoles de Faléa. Les révélations de l’eurodéputé Eva Joly sont encore troublantes, au moment où le séisme et le tsunami au Japon ont relancé de plus bel la question du nucléaire dans le monde. Selon l’eurodéputé : “Il faut s’intéresser à Faléa”.

La situation se résume à ceci : le groupe canadien Rockgate (dont l’actionnariat est inconnu) fait creuser, depuis quatre ans, le sous-sol en quête d’uranium par deux foreuses ; l’exploitation n’a pas commencé mais c’est une question de jour.

De l’autre côté, les habitants mobilisés contre cette opération minière, se sont regroupés au sein de l’ARACF (Association des Ressortissants et Amis de la Commune de Faléa), et ont mis en 2010 la puce à l’oreille des Verts de France lors de leur université d’été : l’exploitation d’uranium menace l’environnement et les habitants de Faléa. Dans le même temps, Greenpeace et la Criirad (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité) venaient de rendre publique une étude sur l’impact environnemental de l’extraction d’uranium par Areva dans une mine du Niger voisin. Les conclusions sont celles-ci : les matières radioactives qui résultent de l’exploitation contaminent les sols, l’eau et l’air.

Et justement : Rockgate a déjà contaminé un des puits de la communauté et les carottes, découpées sur place, dégagent des poussières radioactives. De quoi faire dire à Eva Joly, qui était en voyage au Mali en mars dernier, que “Fukushima l’a rappelé, l’uranium est dangereux dans les réacteurs des centrales. Mais il l’est aussi lors de l’extraction, et même dès les forages”. Il faut dire que l’eurodéputé, pendant son séjour au Mali, est allée sur le terrain et a rencontré les autorités notamment le président de la République, les ministres des mines et de l’environnement.

Volte-face des autorités

Affirmation et démenti du jour au lendemain. Si Eva Joly affirme “… le président (Ndlr : ATT) nous a promis d’arrêter les forages, de ne pas délivrer de permis d’exploiter et de désormais favoriser l’agriculture plutôt que les industries polluantes”. Elle se voit aussitôt démentie par un conseiller d’ATT, qui fait valoir ceci : “Non, il n’y a pas eu de prise de décision de faire arrêter tout de suite les forages. Pour le moment, on assiste à une phase exploratoire dans cette mine. C’est l’exploration qui est en cours, et elle continue”.

Ce qui est encore plus troublant c’est la complaisance de celui qui était ministre des Mines, Abou-Bakar Traoré, à l’égard des compagnies minières. Pour Eva, une opacité entoure les décisions autour de l’exploitation minière car : ni le ministre de l’Environnement, ni le président Touré, n’étaient au courant du projet minier à Faléa avant la rencontre avec les eurodéputés. Paradoxalement, en février dernier encore, les autorités maliennes octroyaient à la société canadienne une convention pour deux nouvelles zones d’exploration autour de Faléa. Pour une surface totale de 225 km2. De quoi chauffer à blanc l’égo de Rockgate qui se dit fortement encouragé par le soutien à ses activités du gouvernement malien.

La main du FMI

Eva Joly croit savoir pourquoi : c’est le Fonds monétaire international (FMI), qui maintient le pays “sous pression pour développer l’activité minière afin d’avoir des revenus à l’export”. Pourtant, estime-t-elle, la productivité minière au Mali offre peu de perspectives pour l’Etat. Elle ajoute “Si j’étais le président du Mali, je ne laisserais pas le sort de 20 000 de mes concitoyens entre les mains d’une jeune société qui fait des déficits et qui doit assurer la sécurité des déchets pour 10 000 ans”.

En tout cas, les travaux d’exploration de Rockgate continuent dans la plus grande opacité vis à vis du gouvernement ; le groupe s’intéresse peu à l’avis des populations locales même s’il reste une petite lueur d’espoir pour elles : l’éventualité d’une étude d’impact social et environnemental, qui doit autoriser ou non, la délivrance du permis d’exploiter à Rockgate. En attendant, pour Eva Joly, “Il faut que la communauté internationale s’intéresse à Faléa”.

Car selon elle si le projet va à son terme: “Rockgate va détruire le cadre de vie de 20 000 personnes, polluer la nappe phréatique, rendre la terre inexploitable. Tout ça pour que le Mali puisse rembourser les dettes pourries sous pression du FMI.”

Issiaka SISSOKO

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