Elle a enregistré un rebond depuis un mois, après une contraction d’environ une année. L’ampleur varie selon les secteurs. L’économie malienne était plongée depuis les évènements du 22 mars 2012 dans un profond marasme. Le pilier essentiel, l’industrie, avait été frappé de plein fouet par la récession.
Les mines, les manufactures, les textiles, les secteurs du bâtiment et des travaux publics, les petites et moyennes entreprises, les petites et moyennes industries, les industries alimentaires ont été fragilisés. L’activité industrielle dans notre pays est classée en trois secteurs : le secteur extractif et manufacturier, le secteur de la production, le secteur de la distribution d’électricité, du gaz et de l’eau. La production manufacturière est la plus répandue en terme d’effectif avec plus de 400 entreprises industrielles (soit 95%). Elles s’adonnent à la fabrication manufacturière contre une dizaine d’industries extractives et autant d’unités de production et de distribution d’électricité, de gaz et de l’eau.
Les plus fortes concentrations d’entreprises industrielles sont constatées dans les activités de fabrication des produits alimentaires (biscuiteries, pâtes alimentaires, confiseries, conserveries, brasseries, boulangeries, huileries, sucreries, laiteries, moulins etc), de l’industrie textile, du tabac, de l’industrie chimique et pharmaceutique et de l’industrie des bâtiments et des travaux publics. Dans le domaine des mines, on retient une floraison d’industries extractives de grande taille pour l’exploitation du fer, de la bauxite, du cuivre, du manganèse, de l’or. C’est ce vaste secteur qui a été affecté par la crise. Et la plupart des grandes unités industrielles avaient été obligées de fermer leurs portes et de renvoyer ou licenciés ainsi les milliers de salariées en chômage technique. Depuis, une année s’est écoulée. Aujourd’hui, le secteur industriel redémarre doucement malgré les difficultés qui persistent.
Et si cette reprise est générale, elle revêt une ampleur variable à plusieurs niveaux. Un tour d’horizon du secteur illustre à suffisance que les unités évoluant dans le domaine des biens de consommation ont effectivement démarré. Elles se caractérisent par des différences importantes selon que les entreprises appartiennent au sous-secteur des matériels techniques ou à celui des produits agroalimentaires. Cependant, le secteur du textile et des bâtiments et travaux publics reste toujours à la traîne. Mais le domaine des biens d’équipement professionnel continue de tirer partie de la relance des activités administratives et surtout du processus électoral en cours. Regain de dynamisme. Ainsi, les grandes usines et entreprises qui affichaient des signes d’asphyxie très avancée, il y a une année, ont repris les activités.
Ce regain de dynamisme est enregistré au niveau des Grands moulins du Mali, des moulins du Sahel, de Batexi, de l’Agence d’exécution des infrastructures rurales (Agetier), de Sogea-Satom, de industrie S.A, de Syatels, de Mali-lait et d’autres unités de transformation des produits agricoles. La situation de l’industrie textile notamment de Batexi est la plus éloquente. L’industrie textile, il y a quelques décennies, était considérée comme le secteur industriel le plus promoteur de notre pays à cause de la forte demande de tissus imprimés. Malheureusement, ce secteur n’arrive pas à résister à l’invasion des produits textiles « made in Asia », de la friperie et à l’explosion de la fraude. A la société Batexi, dirigeants et travailleurs restent conscients que l’impact de la crise est intact. Ils restent très sceptiques sur l’avenir de l’entreprise qui employait en temps normal près d’un millier d’ouvriers.
L’analyse de l’administrateur général adjoint de Batexi, Alioune Badara Diawara est sans équivoque. « Notre société a été frappée de plein fouet par la crise. A la veille des événements du 22 mars, l’usine tournait pourtant à plein régime. On avait commencé la production des tissus des campagnes électorales pour les candidats et les partis politiques. On n’avait investi plus de 10 milliards Fcfa en matières premières, afin d’anticiper sur la forte demande des périodes électorales. En mai 2012, nos magasins étaient remplis de tissus à l’effigie des candidats pour l’élection d’avril 2012. Regardez, le stock n’a pas été enlevé.
Que faire ? Rien !» conclut – il très déçu. A l’époque, pour faire face aux multiples difficultés de l’usine l’entrepreneur avait décidé de changer son fusil d’épaule. « Nous nous étions lancés dans la recherche de nouveaux marchés. Malheureusement, la crise avait pesé sur tous les secteurs. Vous comprenez aujourd’hui notre enthousiasme au constat de la reprise des affaires à la veille des élections », témoigne le patron de Batexi. L’espoir d’une reprise à la veille de l’élection présidentielle est anéanti à cause des conditions particulières dans lesquelles elle se déroule. « A ce jour, l’entreprise n’a pas conclu de bonne commande de tissus avec l’un des 28 candidats.
Certains d’entre eux qu’on a démarchés ont déclaré qu’ils vont se contenter de tee-shirts et d’autres petits gadgets. Nous ne sommes pas encore sortis du marasme, donc pour nous il y a pas de reprise », commente l’industriel. Produits alimentaires. Le secteur du bâtiment et des travaux publics a aussi du mal à redécoller. L’optimisme règne pourtant au sein de l’Organisation patronale des entreprises de la construction du Mali (Opecom). Selon le secrétaire permanent , Abouba Younoussa Maïga, les activités dans le secteur des BTP n’ont pas encore redémarré. « Les incertitudes causées par la crise, l’insécurité et le départ massif des partenaires ont conduit à la fermeture de la quasi totalité des chantiers en cours » a-t-il déclaré.
L’arrêt de l’activité a engendré des licenciements et la mise en chômage des ouvriers et de plusieurs spécialistes des BTP. La reconquête des zones occupées suscite de l’espoir. Les entreprises BTP se préparent à la reprise prochaine des activités. Elles attendent avec impatience le plan de reconstruction qui doit être présenté par le gouvernement. Les plus fortes concentrations d’entreprises industrielles dans notre pays se trouvent dans la fabrication notamment des produits alimentaires. Ainsi, l’agro-industrie dans notre pays se concentre autour des usines de (sucre, farines, huiles alimentaires, biscuits, bonbons, produits laitiers, boissons et les unités de transformation des produits fruitiers et autres agrumes). Ce secteur représente environ 50% de l’activité industrielle du pays. Il a amorcé la reprise depuis quelques mois.
Les grandes usines à l’instar de Sukala, les différents moulins de farine, les brasseries tournent à régime variable selon les entreprises. Si la reprise est effective dans les brasseries avec la vague des mariages à la veille de Ramadan, elle reste encore timide dans les moulins. Au « Moulin du Sahel du Mali » la reprise serait à l’ordre de 60%. « Le retard dans la relance effective dans notre usine est lié aux délestages intempestifs. Les coupures d’électricité ont entraîné une réduction de 40% de production. Au niveau des ventes, la demande reste très forte », indique un responsable de l’unité. Il a ajouté que cette situation a contraint beaucoup d’usines à diminuer leur production.
Selon notre interlocuteur, une analyse poussée de la situation de la relance dans les entreprises agro-industrielles indique que les entraves au développement du secteur de l’agro-alimentaire découlent du coût des facteurs de production. Il a incriminé aussi la présence d’un important circuit d’importation et de distribution informelle, qui alimente frauduleusement le pays en produits importés, le plus souvent sans acquitter de droits de douane. La campagne de mangue a aussi redémarré. Les unités de conditionnement et de transformation de la mangue ont repris service. Idem pour les sucreries, brasseries, laiteries, huileries, biscuiteries. Bref, l’agroalimentaire a repris l’activité.
Le moteur industriel de notre pays fortement secoué par les évènements de mars 2012, n’a pas encore retrouvé le plein régime. Mais l’environnement économique national s’est un peu stabilisé au cours des derniers mois. Les incertitudes persistent et les investisseurs traînent le pas. Désormais, l’innovation, la compétitivité, l’attractivité doivent être les nouveaux vocabulaires de la politique industrielle. L’Etat entrepreneur a vécu. L’Etat stratège, facilitateur, arbitre et accompagnateur, doit désormais prendre la relève. Faut-il pour autant engager une politique industrielle ? La question mérite d’être posée. A l’heure actuelle notre moteur industriel semble grippé.
D. DJIRE