Importation des poissons de mer et d’eau douce à Bamako : Un gros manque à gagner pour l’économie nationale

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Il est connu de tout le monde, que ce sont en général les plus nantis qui rechignent à s’acquitter correctement de leurs obligations fiscales. Mais, le syndrome malien est particulier dans le monde. Fonctionnaires, commerçants et consommateurs, tous s’accommodent des petits arrangements, en foulant aux pieds la réglementation. Or, celle-ci n’a d’autre finalité que de protéger les consommateurs contre les risques d’intoxication sanitaire ou des maladies, liées aux produits alimentaires obsolètes de fabrication locale ou importée. Elle vise aussi à protéger les emplois locaux. Bref préserver l’économie de l’importation sauvage, qui est très nocive pour la production nationale. C’est le cas du secteur du poisson frais de mer et même des eaux douces de la Chine qui inondent nos marchés en ce moment au détriment de la production nationale, devenu à tort un produit rare. Donc, pas à la portée des moins nantis.

Selon la directrice régionale des services vétérinaires du district, Djimdé Djeneba Douyon, la problématique de la conservation des poissons frais mérite une attention particulière. Car dit-elle,  il est  impossible de conserver toute  la fraîcheur du poisson dans les conditions artisanales. Une enquête du département en charge du secteur, confirme cette analyse. Celle-ci rapporte que les poissons frais sont consommés avec 12% de  fraîcheur alors que  la norme demandée est de 100%. C’est pourquoi ses agents sont mobilisés pour veiller sur la qualité des poissons qui nous proviennent de l’étranger. Selon elle le pays cherche à mettre un terme, sinon réduire le taux d’importations au profit de la production interne. Mais, le centre du commerce du poisson du District, qui a été réalisé dans la zone aéroportuaire est jusque-là inoccupé. Ceux des autres marchés de la capitale sont occupés par les importateurs. Or, jusqu’à la fin des années 80, le Mali excellait dans la production et la commercialisation du poisson d’eau douce. Pour preuve, avec l’accession de notre pays à l’indépendance, le président Modibo Kéïta, à la recherche des ressources pour faire face aux dépenses du pays, a dû valoriser la production du poisson malien en injectant d’importantes sommes d’argent qu’il a emprunté avec son homologue ghanéen, le président Kwamé NKrouma. Une dette que notre pays traine encore. Car, quelques années plus tard, les deux présidents furent renversés par des putschs militaires qui ont lieu dans leur pays respectif : 1966 pour le Ghana et 1968 pour le Mali.

Le régime politico-militaire de Moussa Traoré aussi avait beaucoup misé sur le sous-secteur de la pêche pour réaliser sa politique de souveraineté alimentaire. C’est dans ce cadre que, dans la décennie 80, il a initié une batterie de mesures incitatives pour booster la production nationale de poisson. En son temps, la capitale était approvisionnée à la fois par les poissons des cours d’eau naturelle (le Niger et ses affluents : Bany et Sankarani) et les étangs piscicoles, dont le plus célèbre était celui de l’ancien directeur général du géant du coton malien, le regretté Boubacar Sada Sy, qui était installé dans sa ferme agricole de Tienfala. Comme pour dire que la pêche constitue un sous-secteur important de notre économie. Elle contribue à environ 4,2% au PIB. Sa production fait que le Mali rayonnait de mille couleurs dans les firmaments des pays producteurs de poisson d’eau douce en Afrique. Malgré ce potentiel, les consommateurs maliens achètent encore des poissons de qualité douteuse à l’étranger. Et le phénomène s’amplifie de jour en jour et d’année en année.

Et pourtant, il y a des textes qui réglementent le commerce du poisson frais au Mali en général et dans le district de Bamako en particulier. Ce sont les arrêtés n°63 et 52, portant perception des taxes de visite sanitaire des denrées d’origine animale sur toute l’étendue du territoire du District, datant du 4ème mois 1992 et du 17octobre 1994, signés respectivement des mains de Sy Kadiatou Sow, et du lieutenant-colonel Karamoko Niaré, gouverneurs de la capitale. Ces deux décisions mettent également en œuvre l’arrêté interministériel n°7028 du 22 décembre 1987 portant règlementation de l’inspection sanitaire et de salubrité des produits d’origine animale destinés à l’alimentation humaine au Mali et la décision n°23 du 09 avril 1983 portant perception d’un droit de visite sanitaire des denrées alimentaires d’origine animale sur l’étendue du District de Bamako. Ces textes qui sont toujours d’actualité, ne seraient pas appliqués correctement par la Direction régionale de production de l’industrie animale, jadis Direction régionale de l’Elevage. En lieu et place, un moratoire est appliqué sur les importations des poissons frais au Mali, particulièrement dans le District de Bamako. A travers ce moratoire, les importateurs et leur tutelle auraient fixé un montant forfaitaire de 50 000 Fcfa pour le camion de 30 tonnes, soit 5000 Fcfa la tonne. Mais approché par nos soins, dans le but de vérifier l’information qui nous est parvenue, Djimdé Djénébou Douyon, dira que les usagers s’acquittent correctement de leur obligation à l’entrée selon les montants fixés par les textes à la tonne, même si les deux arrêtés retiennent le format kilogramme. Une quittance de paiement, dont il nous a montré une copie, est délivrée aux importateurs par ces agents au niveau des différents postes de contrôle. Ce qui permet d’alimenter les caisses du trésor public. Mais, les montants écrits sur ces quittances sont-ils conformes aux droits réellement à percevoir ? Difficile de répondre par l’affirmatif. Car, nos sources pensent le contraire. Il appartient donc au ministre de la Pêche d’interroger les faits pour en tirer tous les enseignements. En tous cas le respect de la réglementation est le dernier souci de nombre de nos commerçants. Qui préfèrent parrainer les leaders religieux que de s’acquitter correctement de leur obligation.

Affaire à suivre donc.

Moussa Sékou Diaby

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