Mardi dernier, 20 février 2018, a eu lieu au Centre de conférence de l’Ocde à Paris, en France, le lancement officiel d’un nouveau rapport conjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) et de la Banque africaine de développement (Bad), intitulé ” Flux financiers illicites, l’économie du commerce illicite en Afrique de l’Ouest “. Ce rapport, produit en collaboration avec la Banque mondiale, le Népad, ainsi que le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba) examine la nature de treize économies criminelles et illicites, qui souvent se recoupent et se renforcent mutuellement, en vue d’identifier les interrelations qu’elles entretiennent avec les processus de développement et les flux financiers qui en résultent.
S’appuyant sur une collaboration avec la Banque africaine de développement (Bad), le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba), le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) et la Banque mondiale, ce rapport examine la nature de treize économies criminelles et illicites, qui souvent se recoupent et se renforcent mutuellement, en vue d’identifier les interrelations qu’elles entretiennent avec les processus de développement et les flux financiers qui en résultent.
Le rapport, comme précisé par ses rédacteurs, dépasse les efforts traditionnels pour mesurer les flux financiers illicites (qui se concentrent uniquement sur les pertes financières) et représente un premier pas vers une compréhension qualitative de la manière dont les activités illicites ou criminelles peuvent interagir avec l’économie, la sécurité et le développement d’une région particulièrement sensible aux Flux financiers illicites (Ffi).
En adoptant cette approche, le présent rapport identifie les réseaux et les facteurs qui permettent à ces économies criminelles de prospérer, en mettant particulièrement l’accent sur les acteurs et leurs motivations. Ce rapport propose également un cadre qui offre une opportunité aux décideurs politiques (gouvernements nationaux, acteurs régionaux et partenaires internationaux) de hiérarchiser leurs réponses et de prendre en compte les conditions de développement des Ffi et leurs conséquences.
Il faut noter que chaque année, ce sont des montants astronomiques qui échappent au contrôle des autorités et régulateurs économiques pour quitter l’Afrique en toute illégalité et se voir transférés en Europe ou ailleurs dans le monde.
La seule sous-région de l’Afrique de l’Ouest, sur laquelle se concentre ce nouveau rapport, verrait ainsi lui échapper 50 milliards de dollars américains tous les ans, selon les estimations. Ce sont autant de ressources financières que les pays concernés ne peuvent mettre à profit de leur développement ou de leurs investissements domestiques.
Les activités et les flux illicites alimentent un cercle vicieux de corruption
Selon le rapport, la plupart des activités illicites représentent une perte nette pour la région: les pays et les entreprises y perdent en revenus, investissements, marchés et légitimité; et les citoyens sont privés de leurs droits, exposés à la violence et aux risques sanitaires, et privés de gains financiers. En plus, les activités et les flux illicites alimentent un cercle vicieux de corruption, permettant aux groupes ou individus au pouvoir d’accéder à des ressources qui peuvent être utilisées dans le cadre de campagnes électorales, pour sécuriser des systèmes clientélistes et conserver le pouvoir.
Toujours selon le rapport, les activités illicites et criminelles ont des conséquences sur l’augmentation de l’instabilité, de la violence ou même du terrorisme, alors que la distinction entre activité licite et illicite est souvent floue. En l’absence d’opportunités économiques légitimes et viables dans l’économie formelle, ces autres formes de commerce et d’industrie – bien qu’illicites – sont des activités qui permettent un certain niveau de subsistance.
Ces problèmes ont jusqu’à présent été traités comme des problèmes de sécurité. Pourtant, pour l’Afrique de l’ouest comme pour ailleurs, ils représentent avant tout une préoccupation et un défi pour le développement, précise ce rapport qui, rappelons-le, vient d’être rendu public le mardi dernier, à Paris.
Médicaments contrefaits : 60% de la valeur marchande de tous les médicaments en Afrique
Ce document souligne qu’avec un bénéfice annuel estimé à quelques 40 millions de dollars, le trafic de cocaïne a un impact délétère sur le développement, moins en termes monétaires, que par la corruption des décideurs qu’il nourrit dans la région.
Il est aussi rappelé que selon l’Union européenne, 60% de la valeur marchande de tous les médicaments en Afrique de l’ouest seraient attribuables à des médicaments contrefaits ou de qualité inférieure. Ensuite, les médicaments de qualité inférieure et contrefaits posent de très graves risques pour la santé. L’Afrique de l’ouest, l’une des régions les plus touchées par le paludisme, est particulièrement vulnérable aux médicaments antipaludiques contrefaits.
La piraterie rapporte entre 565 millions Usd et 2 milliards Usd par an
Par ailleurs, en 2013, le Nigéria perdait 100 000-250 000 barils de pétrole par jour, soit des pertes estimées à environ 3-8 milliards Usd par an (Katsouris et Sayne 2013). Il est estimé que cette somme pourrait financer l’accès à l’électricité pour tous les nigérians d’ici à 2030 (Aie, 2014). Les estimations du coût annuel de la piraterie en Afrique de l’ouest varient entre 565 millions Usd et 2 milliards Usd, bien que le montant supérieur soit basé sur les estimations de détournement de pétrole originaire du Golfe de Guinée ou transitant par celui-ci (Osinowo, 2015).
Entre 50 % et 90 % des diamants de la Sierra Leone sont trafiqués (Fanthorpe et Gabelle, 2013). En même temps, des cinq entreprises minières principales du pays, une seule a payé l’impôt sur les sociétés en 2011 (Africa progress panel, 2013).
En outre, autrefois une activité ad hoc, le trafic de migrants est devenu une activité illicite dominante à travers le Sahel, générant plus de 100 millions Usd par an de flux financiers illicites pour l’Afrique de l’Ouest.
Réponses-clés préconisées
La communauté internationale doit construire des réponses fondées sur les faits. Ce rapport propose un cadre complet pour évaluer les préjudices résultant d’activités criminelles. Il priorise les réponses à apporter sur la base d’une analyse qui inclut – mais qui dépasse – l’approche centrée sur les pertes monétaires, en se concentrant sur les domaines qui sont cruciaux pour le développement. Les questions suivantes peuvent guider l’analyse de l’impact des activités présentées dans ce rapport: Quelle est l’origine géographique de la marchandise ? Existe-t-il un marché local ? Qui sont les acteurs et les réseaux impliqués ? Où les flux financiers illicites sont-ils acquis et investis ? Les réponses clés pour limiter l’impact négatif des économies criminelles et des flux financiers illicites sur le développement, selon le rapport, se résument ainsi : agir dans tous les pays, notamment d’origine, de transit et de destination ; hiérarchiser les priorités et harmoniser les interventions politiques aux niveaux national, régional et, si possible, international ; cibler les interventions sur la base d’une analyse détaillée des causes et conséquences des préjudices générés par les flux financiers illicites.
A.B. NIANG