Exonérations des importations : Une loi détermine désormais le cadre général

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Adopté en mai dernier, le nouveau texte réglementaire rentre dans le cadre de la rationalisation et de la réduction progressives de ces dérogations fiscales qui étaient devenues une source d’hémorragie financière pour l’Etat

Produit de consommation qui subit le plus de fluctuation sur les marchés, le sucre blanc importé continue à faire le yoyo. Il est aujourd’hui à son niveau le plus bas sur le marché international (386,40 dollars la tonne), contre 572,70 dollars en juillet 2016. Au Mali, la tonne de ce sucre importé est vendue entre 550.000 à 560.000 Fcfa, soit 27 000 à 28 000 Fcfa le sac de 50 kg. Au consommateur, il revenait à 600 Fcfa le kg, jusqu’à cette semaine où certains le commercent à 550 Fcfa. Comparé au revenu moyen du citoyen lambda, ce prix est considéré trop élévé voire intenable pour les ménages.

Ainsi, les veilles de ramadan, période de forte consommation de sucre, constituent des périodes difficiles pour les consommateurs qui assistent à une surenchère incontrôlée sur ce produit fortement sollicité. Pour circonscrire les effets (pénurie, flambée, spéculation) liés à la forte demande, le ministère du Commerce prend, à travers la direction nationale du commerce, des dispositions spécifiques. Ainsi, des conventions d’exonération sont signées, chaque année à la veille du mois de ramadan, avec des importateurs de sucre et d’autres denrées alimentaires. Comme ce fut le cas cette année encore où une dizaine d’importateurs nationaux ont paraphé un contrat d’importation de 200.000 tonnes de sucre.

L’objectif recherché, en signant ce pacte, était de soulager le consommateur final en réduisant le prix du kilo de cette précieuse denrée de première nécessité à 550 Fcfa jusqu’à l’expiration, le 31 décembre 2017, de la validité de l’intention d’importation. En retour, cette convention exonère les dix importateurs de certaines taxes douanières (des manques à gagner pour l’Etat). De l’entrée en vigueur du cahier des charges à la fin de la semaine dernière, les prix du sucre importé n’ont pas baissé d’un centime. Il en était de même pour presque toutes les autres denrées de premières nécessités exonérées durant cette époque.

Engagement non respecté. Interrogé sur les raisons de la non observation des clauses de ce traité, le directeur national du commerce et de la concurrence explique que le circuit de distribution des produits comprend : les circuits direct, long et court. Modibo Keïta explique par exemple que dans le circuit direct, l’importateur vend directement au consommateur. « La convention signée demandait aux importateurs grossistes de vendre directement aux commerçants détaillants », précise-t-il.

Ce schéma préétabli écartait, selon lui, du jeu le demi-grossiste. « Il était prévu de partager la marge de profit entre l’importateur et le détaillant », révèle Modibo Keïta. Ajoutant que les demi-grossistes ont, malheureusement, continué à jouer leur rôle d’interface entre importateurs et détaillants. Les demi-grossistes ont acheté le sucre au prix consensuel, en y ajoutant leur marge bénéficiaire. « C’est pourquoi le consommateur n’a pas constaté la baisse annoncée concernant le sucre », explique le directeur national du commerce et de la concurrence.

Contacté à ce sujet, le président du Syndicat national des commerçants détaillants (Synacodem) semble constater un désengagement de la part des importateurs. Pour Cheick Oumar Sacko, ceux-ci s’étaient engagés à vendre le sac de sucre importé à 25 500 Fcfa aux détaillants qui aura acheté plus de trois sacs de sucre de 50 kg. Ce qui fait 510 Fcfa le kg. Le détaillant devrait alors à son tour revendre le kg à 550 Fcfa, soit une marge bénéficiaire de 40 Fcfa par kg vendu. Une première opération a eu lieu sur cette base. « Depuis, le sac de sucre importé était vendu au-delà de 26 000 Fcfa », déplore le patron des détaillants.

Ces genres de situation et l’inaction des autorités pour contraindre les signataires au respect de leurs engagements poussent des Maliens à s’interroger sur les avantages des exonérations discrétionnaires. Celles-ci, faut-il le rappeler, entrent dans le cadre des dépenses fiscales. Qui tirent, selon notre interlocuteur, leur source du Code général des impôts, du Code général des douanes, du Code des investissements, du Code des mines et du pétrole, et de la loi sur la promotion immobilière. S’y ajoutent les accords et conventions internationales ainsi que certains actes réglementaires des autorités administratives pour gérer les situations d’urgence.

Rationalisation des exonérations. Ces dépenses peuvent être, en fonction de l’objectif visé, classées en deux catégories : les dépenses fiscales d’investissement et les dépenses fiscales de consommation. Les premières promeuvent l’investissement national ou étranger (fiscalités directes et indirectes, droits de douanes, etc.) Quant aux secondes, elles favorisent la consommation des ménages en allégeant la charge fiscale (essentiellement fiscalité indirecte) et normalement le prix des biens concernés ou en augmentant le revenu disponible (fiscalité directe des personnes physiques). A ce titre, la première catégorie vise l’efficacité, alors que la seconde relève davantage de l’équité. En ce sens que celle-ci cible les biens dont la consommation est plus élevée par les ménages les plus pauvres (des denrées alimentaires par exemple) ou en modifiant la progressivité de la charge fiscale sur les salaires.

Le but étant d’alléger la charge fiscale sur certaines catégories de contribuables, explique une source contactée au ministère de l’Economie et des Finances. Toutefois, ces exonérations fiscales et douanières ont été détournées de leur premier objectif, déplore notre interlocuteur. Devenant ainsi une source importante de perte de recettes fiscales pour le budget national, ajoute-t-il en évaluant ces pertes à 203,45 milliards de Fcfa en 2015, soit 3,17% du PIB.

Conscient de cette triste réalité qui « s’érigeait en système », le gouvernement malien s’est, depuis quelques années, engagé dans la voix de la rationalisation et de la réduction progressives des exonérations à travers le Programme national de transition fiscale. Ce programme a abouti à l’adoption, le vendredi 26 mai 2017, de la loi déterminant le cadre général du régime des exonérations fiscales et douanières. Cette loi fixe ainsi un cadre juridique et réglementaire pour l’octroi des différentes exonérations dont certaines étaient, jusque-là, accordées sur de simples décisions administratives discrétionnaires. Elle permet aussi de se conformer aux directives régionales et communautaires : 20% de pression fiscale à l’horizon 2020 pour la CEDEAO et 17% cette année pour l’UEMOA.

Une chose est claire, toute demande d’exonération non prévue par la loi devrait, désormais, passer en conseil des ministres et fera objet d’un décret.

Cheick M. TRAORE

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