L’invasion acridienne de 2004, en pleine période de soudure, a conduit le gouvernement malien à accorder des faveurs fiscales à certains commerçants et opérateurs économiques pour leur permettre d’importer du riz et d’autres céréales dans des conditions favorables et faciliter le ravitaillement du marché intérieur en denrées de première nécessité.
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La mesure ayant coïncidé avec l’arrivée du mois de ramadan réputé être celui des grosses dépenses, elle fut accueillie avec soulagement par les populations, notamment celles des villes, et le gouvernement qui l’a prise, sur le coup, fut taxé de gouvernement soucieux du bien-être de son peuple.
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Ce n’était pas la première fois qu’au Mali, les populations étaient confrontées à des difficultés agricoles et d’ailleurs toute l’histoire récente de ce pays fut faite de crises agricoles et alimentaires plus ou moins résolues ou jugulées grâce à l’aide alimentaire mondiale offerte par les partenaires étrangers.
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Mais en 2004, gaillardement le gouvernement prit sur lui de faire face, seul, à la situation en annulant certaines taxes à l’importation sur les céréales (le riz notamment) afin d’éviter la famine et la disette sur le territoire national. A l’échelle mondiale, ce genre de mesure n’était pas cependant une nouveauté puisque la France en avait connu de similaire entre 1940 et 1943 pendant l’occupation allemande et l’Algérie pendant sa guerre de libération nationale.
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Dans son esprit, la mesure était salutaire, car elle visait à faire face à une situation de crise qui pointait à l’horizon et risquait de causer des dégâts collatéraux considérables. Pour la première fois de son histoire, l’Etat renonçait à des droits fiscaux lui appartenant ou presque au profit des populations et délivrait des autorisations spéciales à des commerçants et opérateurs économiques afin de leur permettre de faire entrer presque gratuitement des marchandises (céréales) dans le pays.
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Les spécialistes ont calculé que dans cette affaire, le manque à gagner pour l’Etat pouvait se chiffrer à plusieurs milliards de CFA, mais le gouvernement, décidé à aller jusqu’au bout, ne recula pas. Mais, l’examen des noms des personnes bénéficiaires et la façon dont les exonérations ont été octroyées montrent clairement que ces autorisations n’étaient pas délivrées à n’importe qui, mais plutôt à des commerçants et opérateurs économiques triés sur le volet et sur lesquels on a découvert après coup qu’ils étaient trop proches des sommets du régime auquel de temps en temps, ils servaient de bailleurs de fonds.
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Les commerçants et opérateurs économiques qui n’étaient pas bien connus des dirigeants ou leur étaient hostiles ont été systématiquement écartés. D’ailleurs, l’opération a été presque conduite dans la cladestinité parce que beaucoup d’acteurs économiques n’en furent informés que vers la fin quand certaines exonérations fonctionnaient déjà et enrichissaient leurs porteurs.
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Le ministre chargé de l’Industrie et du Commerce de l’époque a secrètement conçu la maœuvre et l’a gérée comme bon lui semblait. De la sorte, n’ont bénéficié de l’opération que quelques privilégiés évoluant dans la mouvance des gouvernants ou des gros bras du Mouvement citoyen qui s’activiait alors pour la réélection du président ATT en 2007.
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On a rapporté aussi que l’opération ressembla fort à un duel entre hommes d’affaires dans la mesure où des cadres du ministère de l’Industrie et du Commerce ne faisaient signer les fameuses exonérations que moyennant une contre-partie onéreuse pour eux. Dans tous les cas, la mesure fut détournée de sa trajectoire initiale et orientée vers d’autres buts, à savoir l’enrichissement des commerçants bénéficiaires desdites exonérations.
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Ceux-ci, autorisés à importer gratuitement le riz des pays d’Asie du Sud-est le vendaient à l’intérieur comme s’il n’était pas détaxé. Pour la première fois dans ce pays, le riz fut vendu à la somme faramineuse de 600 F le kilo et certaines denrées de première nécessité suivirent ce mouvement général de hausse comme les hydrocarbures, les produits maraîchers et même les médicaments.
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Au lieu de rendre les prix des céréales abordables, les exonérations installèrent leur cherté sur les marchés. De sorte que la mesure accoucha du contraire de l’effet qu’elle recherchait, à savoir l’abondance céréalière à moindre coût.
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La hausse des prix, dans la période, fut générale et atteignit des proportions telles que les criquets pèlerins, à l’origine de la flambée, furent oubliés et laissés aux techniciens du ministère de l’Agriculture qui se montrèrent incapables de les anéantir, préférant eux aussi s’enrichir de la crise ouverte. Le gouvernement assista impuissant à cette situation bizarre qu’il pouvait pourtant facilement maîtriser avec un peu de rigueur et de détermination.
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Mais quand le ministre de l’Industrie et du Commerce déclara publiquement que le riz se vendait également à 600 F le kilo dans les autres pays voisins, tout le monde comprit que la crise était artificiellement créée, maintenue et gérée comme telle. Mais qu’il y avait tromperie sur la marchandise et qu’il s’agissait là de la plus grande arnaque financière jamais organisée au sommet de l’Etat depuis 1960. On comprit que les exonérations se résumaient à affamer le peuple pour lui imposer ensuite des prix exorbitants sur les céréales et s’enrichir malhonnêtement sur son dos.
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La mode des exonérations s’installa alors dans le pays. La moindre crise économique est mise à profit par les commerçants pour solliciter des exonérations que le gouvernement se presse d’accorder avec une étonnante facilité. La politique des exonérations pratiquée au Mali de 2004 à ce jour a été proprement catastrophique pour le peuple, mais hautement bénéfique pour le régime et ses commerçants qui n’ont ni peur ni honte de s’enrichir de la misère de leurs frères.
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Facoh Donki Diarra
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