D’entrée de jeu, Tiona a décliné les fonctions et missions de la société EDM-SA. Selon lui, les métiers de la société EDM-SA, c’est d’abord la production et ensuite le transport, la distribution et la commercialisation de l’électricité au Mali. Il a indiqué que cette activité est stratégique car, dit- il, elle participe non seulement au bien être des population mais aussi au développement du pays. Pour lui, en période de crise, il n’est pas facile de participer convenablement à ces actions. Parlant proprement de la gestion du personnel de EDM-SA depuis le déclenchement de la crise, le 22 mars 2012, Tiona Mathieu Koné a entretenu l’assistance en ces termes : « Je ne vais beaucoup m’attarder sur le cas de Bamako, la capitale. Quand la crise est intervenue, les citadins et les gens de la zone sud, non occupée, étaient épargnés. C’est pourquoi, je vais axer ma communication sur la zone de conflit, la zone occupée. Dans ces zones il y avait des vies en danger. Lorsque la ville de Kidal a été occupée par les groupes armés, nous avons alors compris que le Mali venait de renouer avec les mouvements de rébellion .Les choses se sont empirées très vite et du coup les 6ème et 7ème régions et une partie de la région de Mopti avaient également été envahies par les rebelles et islamistes. Dans ces zones, nous avons sept centres énergétiques. EDM-SA qui à l’époque enregistrait 1700 agents pour l’ensemble du territoire n’avait qu’une centaine de son personnel dans la zone occupée. Lorsque Gao, la plus grande agglomération du nord a été prise le 01 avril 2012 par les envahisseurs, nous avons activé la cellule de crise dirigée par le Directeur General de l’entreprise .Mais avant, moi en tant que Directeur des relations publiques, je centralisais les informations qui concernent les Ressources humaines pour analyse. Ensuite il y a la décision à prendre .Dès que nous avons appris que Kidal a été occupée, nous avons fait replier les membres des familles des agents, c’est à dire, les enfants, les femmes. On n’a pas eu le temps de tout programmer. Les gens étaient dépassés et on ne dormait presque pas .La cellule de crise était permanemment activée. On ne pouvait pas tout anticiper. Vous prenez une décision, le lendemain, elle est dépassée. On sensibilisait les camarades .D’autres sont venus. On gérait. Pour la cellule de crise, il fallait alors sécuriser les agents. Comment faire ? Tous ceux qui étaient à Diré, à Goundam, Kidal, Tombouctou, Niafounké et Gao, on a cherché les moyens pour les faire sortir à partir du Niger. C’est pour vous dire que nous avions bénéficié de la solidarité de nos autorités qui ont tout fait pour nous permettre de contacter nos camarades depuis le Niger par les voies diverses pour ensuite les acheminer vers Bamako via le Burkina-Faso. Quand ils ont pu atteindre Bamako, il fallait d’abord les rassurer. Je précise que certains n’ont pas pu s’échapper. Quand les djihadistes sont entrés à Gao, ils ont automatiquement pris le contrôle de la centrale énergétique. On a eu un électricien agressé. Pendant presque deux semaines, c’est la femme du chef de la centrale qui faisait la cuisine pour nourrir les djihadistes. Certains de nos agents n’ont pas fuit, parce que, quand vous abandonnez une ville sans électricité, c’est une crise dans une autre .Sans électricité ont ne peut pas produire d’eau potable en quantité .Nos avions étaient empêchés de partir là-bas pour des raisons pas seulement que professionnelles. Nous étions pris au piège. Et pour beaucoup c’était normal de rester aux côtés des populations, car ce n’était pas responsable d’abandonner certains de nos compatriotes, sans eau potable, sans électricité et sans rien. A l’arrivée des agents à Bamako, nous avons fait en sorte pour leur éviter le chômage technique. Ceux qui ont été caporalisés étaient obligés de fonctionner pour la consigne des djihadistes. Pour ceux qui ont été blessés, il fallait négocier avec les chefs rebelles et les djihadistes pour les faire revenir suivre des soins médicaux. Pour ce faire, il nous est arrivé de nous procurer de pièces et de laissez-passer de « l’Azawad ». Il fallait composer avec les nouveaux occupants pour ramener les blessés. C’était du concret ce qu’on faisait en terme de gestion des ressources humaines .Nous avons redéployé ceux qui sont venus à Bamako. La crise nous a permis de tirer beaucoup d’enseignements. La gestion des RH nous a rapproché au point que notre locomotive slogan a eu une mutation à travers le remplacement de « un engagement à travers sa mission et ses services » en « une équipe, un esprit, un service ».Cela découle de notre gestion de la crise. Aussi, les populations ont pu évaluer le sacrifice des agents et les réalités des contraintes d’EDM-SA. La crise a renforcé, la cohésion entre le personnel et la hiérarchie .A l’interne nous avons aussi connu des innovations à travers la mise en place des cartes prépayées, le maintien des salaires et la prise en charge médicale de gens victimes de traumatisme. »
Propos recueillis par Jean GOÏTA