Baisse drastique des recettes chez certains, fuite de la clientèle chez d’autres, tant qu’ailleurs on a fermé complètement boutique en attendant le rétablissement définitif de l’électricité. Les coupures intempestives de courant à Bamako ces dernières semaines ont porté un coup dur aux petites et moyennes entreprises. Leurs comptes sont au rouge, leurs responsables interpellent les décideurs face à leur responsabilité. Reportage.
Mardi 2 avril 2013 au Badialan III, Commune III du district. En cette matinée, dans l’atelier de menuiserie métallique de Bourama Doumbia, les travailleurs sont en récréation. Chose inhabituelle dans cette petite unité réputée pour la qualité de ses prestations. Normalement, les commandes se bousculent et l’atelier tourne à plein régime. Pourtant ce jour, tout est arrêté.
Ce ne sont pas les “marchés” qui manquent, mais ce jour, la coupure d’électricité a mis l’atelier sur cale. Le chef d’entreprise est agacé et il ne le cache pas : “Depuis le début de la saison chaude, les délestages ont mis les travaux au ralenti. La conséquence est que les comptes sont au rouge”.
“Ces coupures d’électricité nous portent un énorme préjudice et nous empêchent même de vivre… Nous donnons rendez-vous à nos clients pour la livraison des commandes. Mais il nous est impossible de respecter le délai de notre engagement. Cette situation crée un mécontentement chez nos clients. Et cela ne nous profite pas”, s’alarme notre interlocuteur qui interpelle les décideurs face à la nécessité de garantir aux populations l’accès à l’électricité.
“Inadmissible !”
Il n’y a donc pas de doute que les récents délestages sauvages ont contribué à mettre de nombreuses petites et moyennes entreprises à genoux. C’est le cas par exemple de ce secrétariat public, situé à Hamdallaye sur l’avenue Cheikh Zayed, en Commune IV du district de Bamako. Ici, le cybercafé, les travaux de photocopie, les formations en informatique, la reliure des documents, les plastifications, et autres prestations, ont fait de cette petite entreprise le point de convergence de nombreux usagers. Mais depuis quelques semaines, les demandes sont difficiles à satisfaire, faute d’électricité.
En ce vendredi 29 mars, toutes les machines étaient à l’arrêt. A notre passage, les clients venus pour des besoins divers ne cachaient pas leur exaspération. Cet homme de la cinquantaine est radical contre la société Energie du Mali (EDM). Pour lui, “le Mali marche à reculons”.
C’est inadmissible aux yeux de ce quinquagénaire que l’accès à l’électricité relève encore d’un luxe pour le peuple malien 50 ans après l’indépendance. Alors qu’au même moment, argue-t-il, nous avons le 2e barrage le plus puissant d’Afrique après celui d’Assouan en Egypte, et que les centrales électriques (au nombre de 4) peuvent fournir de l’électricité.
Selon notre interlocuteur, la garantie de l’accès à l’électricité passe obligatoirement par la volonté politique. Or, regrette ce client d’EDM-SA, certaines autorités ont intérêt dans cette situation de confusion.
Comptes au rouge
A quelques mètres de là, dans ce studio photo, c’est un air de deuil qui s’affiche sur le visage des travailleurs. Ici les coupures intempestives empêchent l’entreprise de tourner, et forcément les délais de livraison des photos ne sont pas respecter. “Actuellement nous avons une dizaine d’albums de photos de mariage que nous devions livrer depuis 48 h. Mais nous avons pris du retard, car il faut faire avec les délestages…”, s’indigne le responsable du studio, qui crie à la chute des recettes.
Les coupures d’électricité ont sérieusement affecté le fonctionnement des entreprises à tous les niveaux. La presse ne fait pas exception à la règle. Plusieurs organes sont contraints de se procurer de groupes électrogènes afin d’assurer la régularité des parutions. Ceux qui ont une surface financière faible sont obligés de surseoir à leurs parutions.
Il n’est pas aussi rare de voir certains ménages souffrir des conséquences de ces délestages. Fatou est fonctionnaire dans un département ministériel. Elle se lève très tôt pour préparer et conserver le repas dans le réfrigérateur. Mais avec les coupures, la conservation est devenue impossible.
Dans certains restaurants, le manque d’électricité a rendu le service peu efficace. C’est le cas par exemple du restaurant “Bouna” ou de la cantine de l’Agetic à l’ACI. Les clients sont souvent agacés lorsque la boisson n’est pas fraîche. Et la serveuse de s’excuser par le manque d’électricité.
Aussi, au niveau des familles, les délestages sauvages ont rendu le quotidien des Maliens difficile à vivre. Dans les quartiers privés d’électricité pendant la nuit, difficile pour les enfants d’apprendre leurs leçons. Pourtant, à l’école, les examens et les devoirs se moquent des délestages.
Dans les facultés des universités à Bamako, les étudiants subissent de graves perturbations de leurs programmes. Un étudiant de la filière géographie témoigne que cela fait plus d’un mois que les cours sont perturbés du fait des coupures. Pour lui, les conséquences sur le déroulement de l’année académique seront fatales dans les prochains jours.
Les délestages de ces dernières semaines ont touché tous les secteurs socioprofessionnels. Malgré tout, le bout du tunnel reste encore loin.
Issa Fakaba Sissoko
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