Si les Maliens ont été unanimes à saluer la reprise de la Société EDM SA à son repreneur SAUR international en 2005, ils doivent aujourd’hui s’attendre à un rachat de la même société, cette fois-ci, par l’Energie de France (EDF). Une rétrocession synonyme d’augmentations tarifaires, de licenciements et autres contraintes majeurs dont la principale victime restera le consommateur. Toute chose, soit dite en passant, à l’origine de la réticence des mêmes français face à la privatisation d’EDF.
Le principal artisan de ce drôle de marchandage, côté français, s’appelle Michel Roussin, cet ancien chef de cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris et ex-directeur de la Coopération converti conseillé du patron d’EDF. Sa présence a été signalée à Bamako la semaine dernière où il devrait initialement rencontrer le président de la république et la direction d’EDM S.A.
Sur les traces du mystérieux visiteur
M. Michel Roussin est ancien officier de gendarmerie française et aujourd’hui conseiller pour l’Afrique du patron d’EDF. Il a la réputation d’avoir trempé dans de nombreuses affaires douteuses dans son pays. Le faiseur de sale boulot ? Il a été, en tout état de cause condamné par la justice de son pays dans l’affaire des marchés publics d’Ile-de-France et est également cité dans celle des emplois fictifs de la mairie de Paris au même titre que l’ancien président Jacques Chirac.
Il était attendu à Bamako la semaine dernière. S’y est-il rendu ? Approché par nos soins, aucun responsable d’EDM S.A n’a confirmé sa présence sur le sol malien encore moins sa visite dans les locaux de la société Energie du Mali. M Thiona Koné est formel : le visiteur n’était pas attendu à EDM S.A. Et pourtant !
Des sources diplomatiques étrangères ont bel et bien eu écho de la visite du français au Mali. Le démenti des autorités nationales s’avère pour le moins suspect. L’on comprend aisément leur souci de ne pas divulguer les raisons de sa présence au Mali avant l’heure.
La privatisation d’un autre géant
Le projet de privatisation de la société EDM S.A est, en fait, un secret de Polichinelle.
Le processus est déjà entamé avec la scission des secteurs EAU et ELECTRICTE.
C’est par ordonnances N°10-039/P-RM et 10-040/P-RM du 5 août 2010, en effet que le gouvernement a procédé à la création de la Société malienne de patrimoine de l’eau potable (Somapep) et de la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep).
Cette décision n’est qu’une étape administrative de la privatisation des deux secteurs.
Elle fait suite à la pression du Fonds Monétaire International (FMI).
Cette institution, faut-il le rappeler, a vu d’un très mauvais œil la résiliation du contrat de concession par l’Etat malien en 2005, une révision synonyme de revers patent des programmes FMI et Banque Mondiale sur le continent.
Les voilà donc qui reviennent vivement à la charge en soumettant les autorités nationales à de fortes pressions. Les arguments de l’Etat malien pour résilier le contrat avec SAUR se justifiaient pour autant.
SAUR INTERNATIONAL :
Un très mauvais souvenir pour le Mali
Le contrat de concession imposait au repreneur certaines obligations, en l’occurrence des investissements en vue de l’extension des réseaux eau et électricité. Ces projets n’ont jamais été réalisés.
Il était par exemple prévu l’extension du réseau électrique d’une trentaine à 97 localités ; la construction d’une station de pompage à Kabala ; des branchements supplémentaires à Koutiala, entre autres.
A propos de la station de pompage, il a fallu la mansuétude des partenaires Allemand et Hollandais pour la réaliser.
Au même moment pourtant, l’Etat malien était contrait de procéder à des subventions afin d’éviter les délestages, à hauteur comprise entre 8 et 11 milliards F CFA annuellement. En clair, le partenaire stratégique gagnait doublement. Non seulement elle s’abstenait de procéder à des investissements conformément à l’esprit de la concession, mais aussi, profitait allègrement des subventions de l’Etat malien soit environ 50 milliards en 5 ans. Les institutions de Breton Wood n’ont pas daigné réagir face à ce vol organisé.
Le Sénégal, pour avoir résilié un contrat similaire, a été contraint de verser des dommages et intérêts à la société française Vivendi pour un montant de plus de 2 milliards F CFA.
En somme, c’est comme si les institutions de Breton Wood livraient les Etats africains pieds et mains liés aux concessionnaires, en l’occurrence, les multinationales.
Les effets collatéraux d’une privatisation
La cession d’EDM S.A (après les sociétés et entreprises d’Etat comme la CMDT, la BHM, entre autres) et l’adoption d’une nouvelle structure tarifaire constituent aujourd’hui les principales exigences du FMI. Difficile pour l’Etat malien d’y échapper. Et selon toute évidence, le choix est entrain de se porter sur EDF, si ce n’est déjà fait.
En clair, l’institution internationale exige que l’Etat malien mette fin à la subvention des secteurs EAU et ELECTRICITE et que les tarifs de ces denrées soient revus à la hausse. Les interventions intempestives de l’Etat, à ses dires, réduisent les chances de la société de parvenir à l’autonomie de gestion, et par conséquent à la croissance et à la rentabilité souhaitées. Elle indexe aussi la mauvaise gestion du secteur pendant tout le temps qu’il restera dans les girons de l’Etat.
Pour sa part, le gouvernement malien, évoquant des raisons sociales (cherté de la vie, faiblesse des revenus des populations entre autres), injecte annuellement environ 10 milliards F CFA en guise de subvention.
Il va s’en dire alors que la privatisation aura indubitablement pour conséquences, entre autres :
Une augmentation tarifaire proportionnelle au prix de baril de pétrole sur le marché mondial (les sources d’énergie au Mali, étant pour la plupart thermiques);
La moralisation et la gestion drastique des ressources, d’où les risques de licenciements et la limitation des avantages de services aux membres du personnel (une question dont ne veulent nullement entendre parler les syndicats).
Ces mesures, (l’augmentation tarifaire en l’occurrence), conduiront, à n’en pas douter, à une augmentation du coût de la vie.
C’est à cela que les Maliens doivent s’attendre dans les mois à venir. Craignant justement les mêmes conséquences, la société civile française, se montre jusque là très réticente à propos de la privatisation d’EDF, celle-là même qui aspire à racheter EDM S.A et à procéder éventuellement à des augmentations tarifaires. Le consommateur malien paiera-t-il la note à la place de son homologue français ? (lire suite P5)
B.S. Diarra