L’eau et l’électricité sont fournies aux populations des régions occupées dans des conditions potentiellement dangereuses. Les installations d’EMD SA étant gérées par des non professionnels.
M. Thiona Mathieu Koné Directeur de la communication à EDM SA nous édifie sur la situation.
26 Mars : On sait que l’eau et l’électricité fournies par vos sociétés occupent une place importante dans la vie des Maliens et notamment ceux des régions nord du pays. Certaines informations font état du fait que l’eau et l’électricité sont gratuitement fournies aux populations de ces régions. Comment arrivez-vous aujourd’hui à faire fonctionner vos centrales thermiques et vos stations de pompages d’eau dans ces régions ?
Thiona Mathieu Koné : J’affirme que depuis la réforme institutionnelle, on a abouti à la séparation des secteurs eau et électricité. En termes d’activités, concernant la production et la gestion de l’eau, c’est la SOMAGEP et la SOMAPEP qui s’occupent du volet eau.
EDM SA a ses activités recentrées au niveau de la production, la commercialisation et la distribution de l’électricité.
Pour revenir à votre question, je vous déclare qu’EDM SA ne fournit pas de nos jours l’électricité dans les régions sous occupation. Bien sûr, avant la crise, nous avions sept centres (Gao, Tombouctou, Kidal, Goundam, Diré, Niafunké et Douentza) avec pour mission de service public dans la fourniture de l’électricité, mais avec les événements douloureux que nous vivons, EDM SA en tant qu’entité fonctionnelle n’existe pas au nord du pays. Certains travailleurs sont restés sur place pour des raisons diverses (familiales et autres), mais beaucoup sont revenus. Ainsi, nous avons près de 70 à 80 agents qui ont replié du fait de l’insécurité.
Nos infrastructures se trouvent de nos jours entre les mains des occupants qui les font fonctionner vaille que vaille comme ils le peuvent et avec les différents aléas comme par exemple les mauvais fonctionnements et manipulations.
Donc nous ne pouvons pas faire des actes commerciaux sur des centrales que nous ne contrôlons pas.
Les occupants et certaines ONG humanitaires comme le CICR et le HCR apportent souvent leur concours pour que les centrales et les stations de pompages d’eau fonctionnent pour le bien être de la population. Sinon, avec le manque de puits, la population serait réduite à la consommation d’eau du fleuve et d’autres sources non potables.
Le gouvernement fait tout ce qu’il peut, mais ce service minimum en eau et électricité n’est pas l’œuvre d’EDM SA. Chez nous, les citoyens sont égaux et là où nous sommes normalement et librement, les gens ont les mêmes tarifs, les mêmes factures conformément à la consommation de chacun, la même qualité de service public. Mais, dans les zones occupées on ne peut plus parler de cette qualité du service rendu.
26 Mars : Depuis l’invasion des régions du nord par les bandes armées, à combien estimez-vous les pertes et dommages causés sur vos installations ?
Thiona Mathieu Koné : On ne peut pas les évaluer parce qu’on n’est pas encore à bout de nos peines. Alors, vous savez que ce sont des centres à centrales thermiques pour la plupart et elles ont besoin d’entretien périodique et de suivis techniques poussés par de professionnels. A ce que nous sachions, il n’y a pas de professionnels sur ces groupes à Kidal, Gao, Tombouctou, Diré, Goundam, Niafunké et Douentza. C’est vous dire aussi que nous n’avons pas de bilan financier. On peut seulement dire que, sur le plan commercial qu’on encaissait des millions sur nos factures, mais aujourd’hui ce n’est pas seulement la facturation qui n’est pas faite (et qui reste un manque à gagner) c’est aussi la menace sur les installations qui sont des investissements très lourds : créer une centrale n’est pas facile et un groupe c’est des milliards. Donc, il est très tôt d’évaluer le gâchis.
26 Mars : Puisque ces installations sont gérées par des non professionnels, est-ce-il n’y a pas de risques graves d’accidents ?
Thiona Mathieu Koné : Mais, que voulez-vous qu’on fasse ? Nous constatons aujourd’hui qu’il ya des installations qui ont été pillées et dégradées.
Concernant les risques, et surtout pour l’eau, bien que nous ne gérons pas cette matière, nous vous affirmons que la qualité de l’eau fournie dans ces zones ne peut pas être comme pour le passé, dans la mesure où l’Etat n’envoie pas de produits pour son traitement.
26 Mars : A combien peut-on estimer les investissements d’EDM SA dans les régions nord pour fourniture d’eau et d’électricité ?
Thiona Mathieu Koné : Les investissements de l’Etat et de ces partenaires dans ces zones sont évaluées à des milliards car mettre des centrales ou tirer des lignes électriques coûtent extrêmement cher. L’électricité est un secteur à investissement très lourd. Donc, c’est des milliards d’investissements qui restent de nos jours menacés par la présence des groupes terroristes.
26 Mars : Sachant que l’électricité est une matière dangereuse, ne faudrait-il pas penser à trouver un consensus (à travers le CICR par exemple) pour qu’EDM SA puisse avoir ses agents professionnels en la matière pour continuer leur activité de service public ?
Thiona Mathieu Koné : Mais pourquoi ça serait valable pour EDM SA et non pas pour les autres corps de l’Etat ? Dès qu’il ya présence de l’Etat, il ya présence des agents en charge du service public. Autant l’eau et l’électricité produites par nos services sont vitales, autant les populations ont besoin des autres services comme la justice, l’Administration, la santé etc… Une fois que les conditions seront réunies, nos agents iront dans ces localités pour le développement de la Nation malienne dans ces divers centres. Je vous rappelle que nous avons été les derniers à replier.
26 Mars : Un message particulier notamment aux populations des zones sous occupation ?
Thiona Mathieu Koné : Nous sommes de cœur avec nos populations qui vivent dans les zones occupées.
Nous vous affirmons que des mesures sont prises à différents niveaux pour l’unification de la Nation, parce qu’on a toujours dit que le Mali est Un et Indivisible. Et quand cela sera dans la réalité, EDM SA reprendra son service normalement et équitablement, c’est-à-dire les mêmes conditions de travail et de fourniture d’eau et d’électricité sur toute l’étendue du territoire nationale. On compatie et on prie beaucoup pour que la situation se normalise.
Propos recueillis par
Dieudonné Tembely