Electrification rurale au Mali :Le calvaire des opérateurs  privés se poursuit

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Dans le cadre de la mise en œuvre d’une nouvelle politique énergétique, le Gouvernement du Mali a procédé à une reforme en profondeur ayant consisté d’une part à briser le monopole de l’Etat dans le secteur et d’autre part à y encourager la participation du secteur privé national. Ainsi a t- il été décidé d’ouvrir le capital d’EDM à des investisseurs privés et d’en confier la gestion à de nouvelles équipes suivant le schéma contractuel de la concession.

L’un des axes stratégiques des changements structurels intervenus dans le secteur de l’électricité aura été la définition des éléments d’une politique spécifique d’électrification rurale permettant l’accès, sur l’ensemble du territoire national, d’un plus grand nombre de citoyens et d’agents économiques au service de l’électricité.

Pour réussir ce pari ambitieux, le Gouvernement s’est doté des moyens institutionnels adéquats en créant l’AMADER, ayant pour mission spécifique de conduire la politique d’électrification rurale, et en instituant un organe de régulation, la CREE, pour fixer les règles du jeu et veiller à leur application dans un domaine désormais ouvert à la concurrence avec l’arrivée attendue d’une pluralité d’opérateurs.
Restait à trouver ces opérateurs, à les convaincre d’investir dans l’électrification rurale et à prendre des risques dans un domaine dont ils ignoraient pratiquement tout et qui n’offrait pas de garanties spéciales quant au retour sur l’investissement.

Ce défi sera pourtant relevé car des opérateurs économiques privés maliens accepteront de prendre le risque en signant avec l’AMADER des contrats d’électrification aux termes desquels ils se sont engagés à assurer la production et la distribution de l’électricité aux zones situées dans les périmètres d’électrification rurale et à réaliser les équipements et installations y afférents.

Ces opérateurs privés seront incités dans ce choix par deux facteurs importants : l’existence de subventions accordées par l’Etat, à travers le fonds d’électrification Rurale financé conjointement par la Banque Mondiale et le Mali, et surtout la capacité de persuasion et d’entraînement du staff qui dirigeait l’AMADER à l’époque, avec à sa tête le PDG Amadou Tandia.

Tous verseront intégralement, en numéraires ou en nature, les contreparties exigées, pour bénéficier des subventions. Ces contreparties varient de 30.000.000, pour le plus petit projet à 350.000.000 F CFA, pour le plus grand.

Parmi ces authentiques pionniers de l’électrification rurale figurent la société CATERES, opérateur du projet de TIENFALA ; GTE (Grands Travaux d’Electricité) opérant à Konobougou, SGEI (Société de Génie Electrique et Informatique) opérant dans la Commune de Baguineda, ERD (Energie Rurale Durable), couvrant Banankoro, Sanankoroba et Kalana et EOK Energie, opérant dans la Commune du Mandé.

Il convient de souligner qu’en dépit de tous ces efforts, les opérateurs d’électrification rurale ont rarement été récompensés. On peut même affirmer que la plupart d’entre eux se sont retrouvés ruinés du fait des graves carences démontrées par l’AMADER dans le pilotage des projets.

Plusieurs d’entre eux attendent encore le versement intégral des subventions et alors que les projets ont été conçus pour entrer en phase d’exploitation au bout de deux ans, certains n’ont pas démarré quatre années après la signature des documents contractuels.

La situation est si dramatique que les populations de Kanadjiguila ; Mamaribougou et Ouenzimbougou dans la commune du Mandé, et celle de Tienfala attendent toujours d’être approvisionnées en électricité. Quant à celles bénéficiaires du projet de Baguinéda, elles sont privées d’électricité alors que les travaux d’équipement et de réalisation des installations d’électrification sont terminés dans cette localité depuis août 2010.

Au lieu d’avoir des bénéfices escomptés, les opérateurs se trouvent actuellement endettés auprès de leurs fournisseurs, tout en étant incapables de payer les salaires des employés et d’honorer leurs engagements. Beaucoup d’entre eux font d’ailleurs l’objet de procédures judiciaires initiées par des créanciers.

Face à une situation aussi désastreuse, le gouvernement malien se devait de réagir. Il le fera en décidant la cession des installations des différents projets d’électrification à EDM–sa, opérateur historique, et en mettant en place un cadre de négociation pour concrétiser le rachat desdites installations et l’indemnisation des opérateurs.

Ce fut l’objet de plusieurs arrêtés abrogeant les autorisations d’électrification relatives aux projets précités. Ces décisions ont été prises en février 2011 par Monsieur Mamadou Igor Diarra, à l’époque, Ministre de l’Energie et de l’Eau.

De cette date à aujourd’hui, les opérateurs privés d’électricité courent, non seulement après le remboursement des investissements réalisés, mais aussi et surtout après les indemnisations promises, alors que les équipements et installations réalisés ont été transférés à l’EDM-sa et dont certains sont déjà utilisés par le cessionnaire.

En dépit des assurances données au cours des discussions avec l’AMADER, EDM et la Direction Nationale de l’Energie, les opérateurs attendent toujours d’être remboursés. Quant aux indemnisations, aucune perspective de règlement ne se dessine alors même que tous les préalables ont été satisfaits, notamment l’évaluation conjointe des investissements avec la levée de mission devant aller sur les sites et la transmission à EDM, via l’AMADER, des prétentions des opérateurs relativement aux dommages et pertes subis.

Pire : à l’AMADER, qui sert d’interface entre les opérateurs et le nouvel acquéreur, il est impossible d’obtenir la moindre information sur la situation. Pendant ce temps, les opérateurs attendent toujours d’être édifiés sur des questions aussi simples que celle des montants d’indemnisation retenus par projet, les modalités concrètes de paiement et les délais.

Ruinés, dépossédés de leurs biens et se sentant floués, beaucoup d’entre eux envisagent désormais de saisir les tribunaux pour réparer l’injustice subie.
Guindousse

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