15 à 16% de la desserte globale d”électricité et d”eau sont détournés, soient quasiment toute la marge de manoeuvre et d”expansion de la société.
La fraude a toujours miné Énergie du Mali (EDM). Aujourd”hui comme hier, les fraudeurs vampirisent littéralement la
société d”électricité. La fraude a ainsi coûté en 2006, pas moins de 7 milliards de Fcfa à la société, soit 10% du chiffre d”affaires de l”électricien et 15 à 16% de la desserte globale d”électricité et d”eau.
Le phénomène est devenu si inquiétant qu”EDM avait organisé, il y a quelques mois, des rencontres entre ses cadres et les élus et diverses catégories de la société civile du district de Bamako. L”initiative a permis un dialogue franc sur la fraude des consommateurs et sur les économies d”énergie et d”eau.
De multiples dispositifs et techniques sont utilisés pour détourner l”électricité et l”eau, indique S. Diawara, en charge de la Cellule de contrôle des moyennes tensions, rattachée à la direction de l”éthique d”EDM. Parmi ces techniques, il cite le viol des scellés posés sur la boîte sécura-tension. Dès que le fraudeur ôte les plombs de cette boîte, il peut arrêter à volonté l”enregistrement de la consommation par le compteur. Le tricheur peut aussi passer par la cache-borne du compteur, intervenir sur les vis de tension et d”intensité ou inverser une tension et une intensité pour fausser les quantités mesurées. Par le panneau de comptage, il est possible de procéder à des manipulations frauduleuses pour fausser ou arrêter l”enregistrement du compteur. Certains petits malins posent aussi des compteurs clandestins
LA BONNE EXCUSE DU COUT.
Les fraudeurs se recrutent dans toutes les catégories de la clientèle d”EDM. La plupart du temps, pour "justifier" la fraude, les tricheurs invoquent le coût élevé de l”énergie dans notre pays. Il est indéniable que par rapport à d”autres endroits du monde et par rapport au niveau de vie moyen dans notre pays, il reste des efforts à faire dans les coûts d”accès. Le tarif d”accès de l”électricité au Mali représente ainsi entre 1/60 et 1/100 du SMIC. La même fourchette vaut pour l”eau.
"Si en comparaison du pouvoir d”achat, l”énergie reste un produit onéreux, pour améliorer son taux d”accès dans le pays, le prix est relativement faible", soutient Djibril Diallo, le directeur commercial d”EDM. La cherté ne peut donc, à ses yeux, justifier la fraude, encore moins l”excuser. "Il s”agit d”une démarche délibérée qui en tant que telle ne peut se justifier par le simple fait que l”énergie est chère, d”autant que la fraude a lieu là où les gens aspirent à des modes de vie aisés", souligne-t-il. Le coût, constate-t-il, n”est qu”une "bonne excuse".
A EDM, c”est la direction du contrôle éthique, chargée de procéder aux enquêtes de terrain, qui est spécialisée dans la lutte contre la fraude. Ballo Tountou, le patron de cette structure depuis près de deux ans, explique que les releveurs d”EDM scrutent les bases de données pour repérer les variations de niveau dans la consommation des clients. S”ils décèlent un écart significatif, une enquête est ouverte pour en déterminer la cause.
EDM a, à ce propos, changé de méthode. La société procédait par le passé à un contrôle systématique qui était perçu comme une violation de l”intégrité des consommateurs. Aujourd”hui, l”électricien a affiné sa technique pour effectuer un contrôle plus ciblé.
DE MANIERE SYSTEMATIQUE ET METHODIQUE.
Modibo Sylla, le directeur de la filière clientèle, explique ainsi qu”a été créé en 2001 au sein de la direction du contrôle éthique, un service de lutte contre la fraude chargé de contrôler les clients raccordés au réseau d”électricité en basse tension. Ce service comprend une cellule de contrôle des clients raccordés sur le réseau de moyenne tension et une autre chargée de la sécurisation des plombs. Frauder devient plus compliqué et plus facilement détectable. Ballo Tountou insiste sur l”importance de la sécurisation des plombs pour empêcher la triche. "La fraude doit impérativement être jugulée de manière systématique et méthodique, car elle peut mettre en péril le système", analyse Djibril Diallo.
EDM a accru les moyens humains et logistiques des structures de contrôle et assiste les officiers de police judiciaire. Les textes réglementaires traitant de la fraude prévoit d”ailleurs une prime de déclarant pour encourager les dénonciations de détournement.
La panoplie des sanctions à l”encontre des contrevenants comprend la dépose des compteurs, des pénalités et redressements, des plaintes dans certains cas et le paiement du branchement pour les raccordements clandestins. L”éventail des mesures est large mais, à l”évidence, pas assez dissuasif.
Moctar Touré, le président de la Commission de régulation de l”électricité et de l”eau (CREE), estime que "pour que cesse la fraude, il faut d”abord un accès banalisé et simplifié au point que les gens puissent payer normalement. Côté régulateur, EDM doit trouver les moyens appropriés d”assurer un accès aisé. L”on doit sanctionner et réprimer les fraudeurs, envisager l”emprisonnement, motiver et protéger les contrôleurs, leur donner les moyens d”effectuer des contrôles sans relâche. Il est aussi nécessaire que notre système judiciaire sache accompagner EDM". Tout est dit sur le remède. Reste à l”administrer.
Carine GOULEME
L”Essor du 12 juillet 2007
“