Crise énergétique : Poutine au secours des choix souverainistes de la Transition

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Face aux coupures électriques intempestives et intenables depuis sa nomination, la nouvelle ministre en charge de l’Energie est visiblement passée à côté des explications et ébauches de solutions très attendues par le public. À force de vouloir se tirer d’affaires aux dépens de boucs émissaires, sa sortie sur la chaine nationale a finalement tourné court et enlisé l’équation dans une passe d’armes à l’issue imprévisible entre le personnel d’EDM SA et le département de tutelle. Au grand dam des approches rationnelles et des raisons peut-être inavouables.

Bintou Camara, précédemment conseillère à Koulouba et spécialiste de rapports sulfureux sur des dossiers de malversation orientés, n’a guère dérogé à sa réputation en abordant sur l’ORTM la problématique de la desserte électrique. L’ancienne commissaire aux comptes de la même boîte n’ignorait logiquement rien des problèmes structurels du secteur énergétique, qu’elle a survolés tout au long de l’entretien. Il s’agit entre autres de la forte dépendance d’EDM de la thermique qu’elle estime imposé au Mali, du recours à l’achat d’énergie extérieure et à la location de groupes électrogènes pour compenser le déficit de production, de la vente d’énergie à perte, etc. Autant de facteurs coûteux qui expliquent les déficits budgétaires abyssaux et l’accumulation de dettes jusqu’à hauteur de 600 millions pour les seuls fournisseurs nationaux.

Un vol d’envergure sans voleurs visibles 

À ces problèmes structurels devaient comme par hasard faire ombrage les phénomènes périphériques de plus faible portée et de moindre incidence sur la gênante conjoncture. Et pour cause, le changement de tête au département n’a pas produit la panacée attendue, en dépit de recettes drastiques comme la gestion de certaines commandes par-dessus la tête de la direction d’EDM. Depuis quelques temps, en clair, c’est le cabinet de la ministre lui-même, dit-on, qui a pris à son compte la desserte d’électricité en veillant jusqu’au circuit des commandes et acquisitions de carburant. Devant l’échec d’un tel dispositif inédit, les suspicions de malveillance et accusations l’emportent naturellement sur la responsabilisation des cadres mis sous l’éteignoir. D’où la rocambolesque histoire de vol d’hydrocarbures à laquelle semble se réduire toute la problématique énergétique du Mali depuis une semaine. Sur la question, la sortie de la ministre, par ses déballages en deçà de la délicatesse, conforte ni plus ni moins les allégations de fraude ayant précédemment abondé sur les réseaux en jetant en pâture les travailleurs d’Energie du Mali – dont aucun ne figure pourtant parmi les personnes interpellées. On parle, en revanche, de l’arrestation de deux chauffeurs aussitôt libérés en même temps que les camions supposés contenir le carburant volé aux dépens des centrales électriques d’EDM. Et pour cause, tout indique que les soupçons des enquêteurs ont porté sur des cargaisons différentes de celles que le département de tutelle s’estime en droit de revendiquer pour le compte de sa production. En attendant la levée du mystère qui entoure les «59 citernes détournées en quatre jours», les travailleurs ne semblent pas s’accommoder du coup asséné à leur image et à leur notoriété qu’ils sont déterminés à reconquérir.

Passe d’armes inédite entre EDM et sa tutelle 

Pour ce faire, le personnel d’EDM a réagi coup pour coup aux accusations et dénonciations de la ministre Bintou Camara, à travers un vigoureux contradictoire sur fond de déballages tous azimuts. Leurs réactions a notamment trait aux équations structurelles qu’affronte leur société ainsi qu’à une mainmise quasi totale de la nouvelle ministre sur les prérogatives du directoire, en plus de transformer l’entreprise en bureau de placement des travailleurs de son propre cabinet d’audit. À l’appui de leurs allégations, ils ont d’ailleurs exhibé les actes de nomination de deux nouveaux cadres issus dudit cabinet, en l’occurrence Moussa Mamadou Traoré et Moussa Diakité, ci-devant : auditeur en chef et Directeur Central du Pôle Finance Comptabilité et Commercial.

Les porte-voix du personnel s’inscrivent par ailleurs en faux contre les accusations d’implication de leurs militants dans l’évasion de carburant à hauteur d’une soixantaine de citernes. Tout en martelant, arguments à l’appui, qu’il n’existe la moindre trace desdits camions dans le circuit d’approvisionnement des centrales, les agents d’EDM, par la voix de leurs trois syndicats respectifs soudés pour circonstance, étayent leurs affirmations par l’absence d’interpellations dans leurs rangs depuis le déclenchement des enquêtes brandies par leur tutelle.

La Russie à la rescousse d’une urgence inavouable  

Il en demeure pas moins que dans les développements de la ministre comme du syndicat des travailleurs, il ressort une constance : c’est que l’équation du carburant est au cœur des urgences et fait figure de principal goulot d’étranglement de la desserte énergétique. Sauf qu’elle se manifeste à une dimension moins accessoire que les épiphénomènes de vols usuels de carburant. Elle se situe plutôt au niveau d’un endettement conséquent et insupportable auprès de fournisseurs nationaux de carburant dont la plupart ont cessé d’approvisionner la société pour non solvabilité. Il en est probablement de même pour la Compagnie Ivoirienne d’Electricité, qui a dû réduire sa fourniture jusqu’à hauteur de 30% pour les mêmes motifs. Or «les choix stratégiques» des autorités de la Transition, en obéissant au principe d’affranchissement et d’affirmation de souveraineté, ne sauraient souffrir d’un honteux recourt aux canaux traditionnels de perfusions financières qui assuraient jadis la survie.

Il paraît évident, en définitive, que l’accentuation de la crise énergétique est le signe révélateur d’un essoufflement inavouable des options et trajectoires politiques que les autorités se sont imposées et au nom desquelles la Russie de Vladimir Poutine est appelée à la rescousse. Elle vient de se manifester par l’intention d’alimenter le dispositif malien de production électrique pour 150 millions de litre de gasoil, qui ne peuvent servir que de réponse à la fois conjoncturelle et partielle. Quant à la solution durable, elle est enlisée dans les promesses hypothétiques et mirifiques difficiles à porter pour une Transition.

A. KEÏTA 

 

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