La baisse unilatérale du prix au producteur de lait cru local par les industries de transformation est la dernière d’une série de frustrations qui a fini par révolter les acteurs du sous-secteur de l’élevage désormais mobilisés pour défendre leurs intérêts. Ils l’ont fait entendre au détour d’une conférence de presse tenue le mardi dernier dans la matinée à Bamako. De toute façon, il est impensable que le Mali, 1er pays d’élevage de l’Uemoa et 2ème de la Cédéao après le Nigéria, ne puisse tirer aucun profit de ce don de Dieu et au contraire se met à importer de la viande de pays voisins. Chose que les professionnels du sous-secteur de l’élevage ne veulent désormais plus voir.
Selon le plan de campagne agricole consolidé et harmonisé 2017-2018, les objectifs de collecte de lait sont de 8 500 tonnes de lait, soit 14,44% d’augmentation par rapport aux objectifs de la campagne 2016-2017. Ce taux de progression tient compte des résultats attendus en fin de campagne dont la date-butoir était le 30 avril 2017.
C’est dire que la filière de production de lait local se porte bien, si l’on s’en tient à ses prévisions du plan de campagne agricole consolidé et harmonisé 2017-2018 qui est un des instruments de mise en œuvre des politiques, stratégies, projets et programmes agricoles.
C’est vrai que, comme l’a précisé Sanoussi Bouya Sylla, le président de la Chambre régionale d’agriculture du district de Bamako qui introduisait la conférence de presse des producteurs de lait mardi dernier à 10 heures dans la salle de réunion du Dfm du ministère de l’Agriculture : ” Aujourd’hui le lait est là “. Mais, ajoute-t-il, “les industries ne jouent pas leur rôle “.
En effet, se situer au seul niveau de la production de lait local pour en tirer une conclusion hâtive d’une prospérité des acteurs serait une grande erreur car les professionnels de l’activité souffrent de mévente et tout le monde sait que le lait est l’un des produits les plus difficiles à conserver. En d’autres termes, que l’on arrête de déclamer que le Mali est un grand pays d’élevage et par conséquent un grand producteur de lait en brandissant des chiffres qui ne correspondent à aucune réalité vécue par les producteurs.
C’est ce message à la fois révoltant et pathétique que les producteurs de lait en particulier et les acteurs du sous-secteur de l’élevage en général ont voulu transmettre à l’occasion de cette conférence de presse, au cours de laquelle ils étaient massivement représentés. C’est donc un cri du cœur qu’ils ont lancé et sont prêts à se battre pour sortir de la situation dans laquelle ils sont confinés. Raison pour laquelle, mobilisés, ils ont mis un plan d’actions pour agir. Comme le disait Hegel : “L’Esprit absolu ne se retrouve que dans l’absolu déchirement “. C’est pourquoi, ils ont réfléchi sur leur situation, tiré des enseignements et projeté un saut qualitatif vers l’avenir.
Il faut reconnaître que la hausse de production de lait ne fait qu’en rajouter aux problèmes de la filière qui a du mal à écouler sa production. D’ailleurs, le seul grand acheteur, l’entreprise Mali-Lait, a procédé de façon unilatérale à une baisse du prix d’achat au producteur et se trouve donc en délicatesse avec les professionnels de la filière lait local qui ont refusé de lui livrer leurs produits au-dessous des 400 francs Cfa le litre, un prix vieux de plusieurs années, alors que les charges ont connu une hausse chez les producteurs. Et Mali-Lait ne prend que le lait du matin, en plus du lundi au vendredi. Les laissant ainsi se débrouiller avec le reste de leur production de la semaine.
En outre, le marché local du lait reste saturé par les importations massives de lait en poudre que les industries de transformation préfèrent utiliser en lieu et place du lait cru local. Situation encouragée, selon le président de la Chambre d’agriculture du district de Bamako, par le très faible tarif douanier de 5% appliqué au cordon douanier pour le lait en poudre, contre 20% pour les autres produits laitiers.
Comme pistes de solutions à leurs problèmes, les professionnels de la filière du lait cru local proposent aux autorités publiques, les premiers concernés, une relecture de la stratégie nationale de valorisation du lait local en responsabilisant les producteurs de lait ; la construction au moins d’une unité de transformation de lait local avant décembre 2017 ; à l’image de ce qui se fait avec le sucre pour protéger Sukala, imposer des quotas à l’importation de lait en poudre en corrélation avec l’achat du lait cru local pour les unités de reconstitution du lait ; augmenter le Tarif extérieur commun (Tec) pour financer la filière lait local et créer une inter professionnalisation de la filière lait au Mali.
Tout un programme ! A vrai dire, les acteurs du sous-secteur de l’élevage ne manquent pas d’idées car en dehors de la problématique du lait local, des questions connexes ont été soulevées et débattues à l’occasion de cette conférence de presse où il y avait fort justement le président de la Fédération de la filière bétail-viande du Mali (Fébévim).
Il s’agit de l’Honorable Aboubacar Ba, député à l’Assemblée. Il a su démontrer la corrélation qui existe entre le problème du lait et ceux du sous-secteur de l’élevage en général.
Raison pour laquelle tous les acteurs du sous-secteur se donnent la main pour mener le combat afin d’être mieux pris en compte dans la vie économique nationale et faire de ce sous-secteur de l’économie le moteur du développement du Mali car il en a les potentialités et les opportunités. “Le reste, c’est une question de volonté politique”, comme l’a martelé l’Honorable Aboubacar Ba, président de la Fébévim.
A.B.NIANG