Malgré les problèmes de sécurité qui secouent la région de Tombouctou depuis 2012, de nombreux éleveurs de la région avaient choisi de rester près de leur bétail au Mali. Mais aujourd’hui, ils sont nombreux à affluer au camp de réfugiés de M’berra en Mauritanie, le plus important camp des réfugiés maliens de la région.
En effet, les deux dernières années ont été marquées par un manque de pluies important. 2014 a été l’année la plus dure pour les éleveurs en terme de mortalité du bétail. La saison des pluies qu’on appelle aussi l’hivernage a été courte et a touché les zones de pâturage de manière sporadique.
Parmi les nouveaux arrivants, Mohamed Elhadi Ag Elmehdy éleveur originaire de Léré (région de Tombouctou) est venu en Mauritanie pour acheter de l’aliment pour bétail.
‘’A l’heure actuelle, le bétail se nourrit très mal et est très malade. A l’absence du pâturage on se débrouille à faire consommer aux animaux les branches d’acacias et d’euphorbe sèches. » Il ajoute : « Pour ceux qui comptent sur les restes de paille dans les pâturages ou qui possèdent peu de bêtes, je suis très pessimiste. Avant cette crise j’avais 500 têtes de bovins, j’en ai perdu 450, il me reste 50 têtes dont la majorité est composé de veaux. Les éleveurs doivent vendre plusieurs têtes afin de pouvoir nourrir les autres.
Pour Mohamed Elhadi Ag Elmehdy, le souci le plus crucial des éleveurs, c’est de préserver une partie du bétail en attendant l’hivernage prochain tout en prenant soin de leurs familles. Il poursuit : « Si je veux sauver mon troupeau et subvenir aux besoins de ma famille cette année, je pense que je vais devoir vendre les trois quart de mon bétail. Car avec cette situation, les prix ont énormément chuté. Aujourd’hui une vache se vend 10 000 CFA(18 euros ) aux marchés de Léré ou Lerneb. »
Mohamed Ag Intagrist habitant de la commune de Raz Elma du cercle de Goudam dans le nord du Mali, est un ancien éleveur de bovins. Aujourd’hui, installé dans la capitale mauritanienne Nouakchott, il s’est reconverti en laveur de tapis. « Le bétail en manque de pâturages meurt de stress, d’avitaminose et de parasitoses. »
Plusieurs familles en détresse regagnent avec leurs troupeaux la Mauritanie où le prix du bétail est légèrement plus avantageux.
Mahmoud Ag Mohamed, ressortissant de la commune de Tin-Aïcha dans le Nord du Mali a aussi dû quitter son pays. Il s’est installé dans les environs de Nouakchott où il a trouvé un emploi de berger:’’La situation est rendue pire par l’inaccessibilité des pâturages du sud près du fleuve Niger, en l’occurrence le Gourma et le Méma, à cause de l’insécurité récurrente’’ déplore-t-il avant de préciser : « En plus de cela, les commerçants du Sud qui vendaient au Nord du Mali l’aliment pour bétail ne viennent plus jusqu’à nous à cause des exactions et des braquages. »
En 2012, la région de Tombouctou a été occupée par les mouvements djihadistes d’AQMI et d’Ansardine lors de la prise du nord Mali par les groupes armés. L’intervention française de 2013 a permis de chasser AQMI et Ansardine, mais la population a accusée l’armée malienne à son retour d’avoir commis des exactions sur des civils soupçonnés d’appartenir aux mouvements rebelles. Ce qui a provoqué une nouvelle vague d’exode de la population vers la Mauritanie. Aujourd’hui, ces nouveaux réfugiés pour raisons climatiques viennent s’ajouter aux civils chassés par la guerre, déjà très précaires. A cause du conflit armé dans le septentrion malien, l’afflux supplémentaire de troupeaux dans la zone frontalière entre la Mauritanie et le Mali, les conflits entre les éleveurs augmentent et les réserves d’eau s’épuisent progressivement.
Source : http://dune-voices.info