Commerce frauduleux de la chair de volaille au Mali : Vers la mort de la filière avicole

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En dépit d’une législation nationale assez stricte sur le sujet, certains importateurs de poissons de mer parviennent tout de même à tromper la vigilance des services de contrôle pour introduire frauduleusement des quantités importantes de viande de volaille au mépris des intérêts de nos éleveurs locaux. Leur stratagème consiste à mélanger des centaines de cartons de chair de volaille avec à ceux des poissons. Partant de la logique selon laquelle qui s’assemble se ressemble, les contrôleurs ne soupçonneront rien s’ils ne sont informés du mélange par d’autres canaux d’information. Du coup, le combat contre le fléau s’avère délicat. C’est pourquoi, les prises sont quelques fois marginales. Mais, par moment, des grosses quantités sont appréhendées, a expliqué le chef de la division santé publique à la Direction régionale des services vétérinaires, Bamba Kéïta. Qui nous a montré dans leur magasin de saisine, deux réfrigérateurs remplis de grosses cuisses de volailles. Mais, le hic qui fait tilt ici, c’est que  sur ces produits, on ne dispose pas d’informations précises sur leur  provenance encore moins leurs conditions d’abattage et de stockage. L’on sait quand même qu’ils proviendraient des vieux stocks d’Europe dont la date d’abattage peut excéder la quarantaine d’années. Pour preuve, ils dégagent une odeur piquante qui demeure en l’état même après une bonne cuisson, a expliqué Bamba Kéïta.

Est-il besoin de rappeler que dans toutes les sociétés humaines, l’on prévoit dans les greniers des provisions pour prévenir des risques de famine. C’est pourquoi, au bon vieux temps, avant la dégradation de notre vie en commun, on pouvait compter dans une seule famille des dizaines de greniers remplis de céréales de différents âges. En fonction de leur durée, les stocks contenus dans ces greniers étaient périodiquement renouvelés. Avec le progrès de la technologie, l’Europe et l’Amérique et une partie de l’Asie parviennent à produire d’importante quantité de produits, notamment alimentaires, qu’ils ne peuvent consommer en entier. Le surplus est prioritairement vendu à l’étranger. Ce qu’on appelle le commerce mondial. Une autre quantité reste au pays pour constituer des stocks nationaux de sécurité alimentaire. Comme c’était le cas en Afrique, les greniers sont renouvelés en fonction de leur âge. Mais avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, les anciens colons ont réussi à détruire notre système de production pour nous rendre dépendants d’eux. Aussi en inondant nos marchés avec ces vieux stocks livrés au bon prix. Quelque soit la capacité de production des exploitants locaux, ils ne pourront jamais tenir la concurrence avec ces produits avariés écoulés à vil prix en Afrique. Malheureusement, ils trouvent des partenaires intéressés par l’argent et non l’intérêt du pays. Ce qu’ils combattent chez eux, c’est ce qu’ils nous imposent. Toutes les opinions publiques en Europe comme en Amérique se battent pour imposer la préférence nationale en vue de sauver des emplois chez eux.

L’exemple le plus récent est la Grèce, où le gouvernement d’Antonie Sipraz a été obligé de  soumettre les dictats du FMI et des autres créanciers au vote populaire par référendum. Afin de donner la parole aux citoyens de trancher définitivement la question d’austérité et la possibilité du peuple à disposer de leur économie. Car, derrière le concept d’austérité se cache le bradage des pans entiers de l’économie pour permettre aux capitaux privés occidentaux de prendre le contrôle. Ou étouffer des secteurs vitaux de l’économie pour rendre le pays dépendant du bon vouloir des multinationales, contrôlées par une minorité d’investisseurs qui font et défont le monde.

Poussé à l’importation

Au Mali, tout a été fait pour freiner l’élan de notre système de production, notamment alimentaire. A la fin des années 80, le Mali avait réussi à mettre en place une politique de développement agropastoral adapté à notre besoin. L’objectif de cette politique était d’assurer le développement de l’agriculture familiale. Ce qu’on appelait à l’époque le développement à la base (ou développement auto-centré, qui avait permis l’émergence d’une classe moyenne paysanne). Grâce à cette stratégie, il n’y avait pas un seul village où il n’y avait pas des structures d’encadrement (moniteur d’agriculture et un technicien d’élevage, etc.).  En moins de dix ans, les résultats étaient nettement visibles. Toutes les familles du village avaient leur petit parc d’élevage (bovins, caprins et volaille). En plus de cet élevage basique, certaines familles élevaient d’autres variétés d’animaux comme le lapin, le pigeon, etc. En 1990, les principaux marchés des villages et des grands centres urbains comme ceux Bamako étaient bien achalandés d’une gamme riche de produits alimentaires locaux de belle facture. Mais avec les différents plans d’ajustement structurel, le Mali comme tous les autres pays africains d’ailleurs est devenu un importateur net de produits alimentaires, comme le lait par exemple. Alors que nos unités de conditionnement de lait comme Mali-Lait s’approvisionnaient auprès des producteurs locaux en lait frais et pur.  Et depuis la privatisation, Mali-Lait importe du lait en poudre au détriment de la production nationale. Selon les statistiques, Mali-Lait et Euro-Lait seules importent près de 4000 tonnes de lait en poudre au Mali par an. Ce qui représente plusieurs centaines de millions d’euros injectés dans l’économie européenne. Du coup, l’élevage des bovins et des caprins au Mali s’est affaissé. Les propriétaires des parcs se sont, soit détournés de l’élevage, soit ont emmène leurs troupeaux à la frontière ivoirienne pour pouvoir leur nourrir.

C’est ce syndrome qui guette l’élevage de la volaille si l’on n’y prend pas garde. Car, c’est timidement que la stratégie de destruction de la production laitière a commencé au début de la décennie 90, sous le règne d’Alpha Oumar Konaré. Comme IBK aujourd’hui, AOK aussi était préoccupé par éteindre le feu dans le même septentrion que de sauver des emplois au Mali, notamment dans le secteur agricole. Il convient que les Africains en général et les Maliens en particulier ouvrent grandement les yeux pour défendre leur économie, sinon c’est l’esclavage des temps modernes qui est assuré. En tous les cas, nos services de contrôle font ce qu’ils peuvent comme la Direction régionale des services vétérinaires. Qui a reçu à démanteler un autre vaste réseau clandestin d’importation frauduleuse de cuisses de poulet dans notre pays. Le vieux stock était intelligemment mélangé aux poissons de mer qui nous arrivait du Sénégal, de la Guinée et de la Mauritanie. Tout était fait pour tromper le consommateur malien en étiquetant les cartons de la publicité trompeuse de « Halal ». Ce label qui est un concept des marchés de niche, qui fait son chemin dans le commerce en France. Ceux sont des produits destinés à approvisionner les rayons (de charcuterie) des grandes surfaces pour faire attirer la communauté musulmane qui se méfie des produits d’abattage moderne.

Affaire à suivre…

Mohamed A. Diakité

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