Economie malienne, la croissance est de retour : « Le Gouvernement malien décidé à lutter contre la culture de l’impunité » dixit le Ministre Igor Diarra

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« Voulez-vous payer moins ? » s’enquiert la personne chargée de calculer le montant de la patente. Rapidement, elle fait une simulation manuelle pour vous présenter le vrai montant qui serait à payer. « Vous savez, je doute que mon patron accepte ». « Appelez-le quand même. Dites-lui qu’il me donne 15 000 F et je calcule le montant qu’il veut payer ». L’employé est cerné par les ricanements des contribuables qui ne comprennent pas, qui ne peuvent pas comprendre, que l’on veuille payer ses impôts quand on peut faire autrement. Simple « commis », notre employé s’exécute et appelle son employeur. Ce dernier lui rétorque qu’il ne s’arrange pas avec les impôts et lui dit de demander ce qu’il doit afin qu’il prépare le montant. La fonctionnaire sourit et imprime le document : il y a toutes sortes de dankadews, voire de fous sur terre.

15 000 F nets d’impôts encaissés cash + le manque à gagner sur chaque dossier = combien d’instituteurs non formés ? Combien de médicaments non mis à disposition dans les CSCOM ? Combien de lits manquants dans les hôpitaux ? Combien d’enfants qui meurent du paludisme ? Etc, etc…

Ils vous répondront que cela ne sert à rien de payer ses impôts puisqu’ils seront détournés. Les mêmes, assommés par un système qu’ils contribuent à faire vivre, traverseront le désert, braveront la mort, parfois la trouveront, pour trouver refuge dans des pays qui collectent des impôts pour les investir dans un minimum de liant social. Bien sûr que là-bas aussi, la fraude fiscale est devenue un jeu. Mais chez eux, le minimum est déjà assuré et quand ils se font prendre, ils démissionnent au minimum, de gré ou de force. Toute cette énergie, toutes ces vies brisées parce que la fuite apparaît comme la solution la plus facile. Une aubaine pour nos dirigeants qui voient des revendicateurs potentiels prendre le large ! Mais pas seulement. Une occasion unique pour les familles de vivre aux crochets d’un immigré souvent « esclavagisé » dans le pays d’accueil. Qu’elles aient payé son billet pour l’enfer n’est pas une excuse recevable. Heureusement que les populations au Nord du Mali, elles, résistent.

Mamadou Igor Diarra, le ministre de l’Economie, s’est crânement félicité de la confiance retrouvée du FMI et a déclaré que « le gouvernement malien était décidé à lutter contre la culture de l’impunité et à s’atteler à avoir une économie performante pour assurer le développement du Mali ». Décidé à l’accompagner dans son combat homérique, le FMI, dans son rapport publié en décembre 2014, recommande une réforme de l’administration fiscale  par :

Promotion du civisme fiscal

« La DGI a publié en octobre 2011 sur le site du Ministère de l’Économie et des Finances les listes des contribuables gérés, d’une part par la DGE et, d’autre part par la DME, et les a mises à jour en septembre 2014, afin que la population puisse constater les résultats des efforts consentis pour élargir la base taxable». Sacrément motivant pour inciter les citoyens à leurs impôts ! On est allé faire un petit tour sur le site : la dernière liste date d’avril 2013… Sous quelle pile de dossiers est enfouie la mise à jour 2014 ? Messieurs du FMI, vous savez comment ça fonctionne si vous voulez que votre dossier arrive au-dessus de la pile.

Changement des seuils de chiffres d’affaires de la DGE

La Direction des Grandes Entreprises (DGE) et de la DME (Direction des Moyennes Entreprises) : «  En vue d’améliorer la gestion des contribuables et d’élargir le nombre de contribuables gérées par la DGE et la DME, le Conseil des Ministres a adopté une ordonnance qui relève le seuil de la DGE de 500 millions à 1 milliard de FCFA de chiffre d’affaires et adoptera une ordonnance qui baissera celui de la DME de 100 millions de FCFA à 50 millions de FCFA à partir du 1er juin 2015. »

Le transfert des dossiers des contribuables entre 50–100 millions de chiffres d’affaire des Centre des Impôts (CDI) vers la DME interviendra au plus tard après le dépôt des déclarations de résultats 2014 (dont la date limite de dépôt est le 30 avril 2015), soit au 1er juin 2015.

Ce réaménagement permettra d’améliorer la gestion et le contrôle des entreprises de la DGE, d’augmenter rapidement le nombre de contribuables gérés par la DME, et d’améliorer la gestion de la TVA en la confiant entièrement à la DGE et la DME à partir du 1er juin 2015 ». On comprend les véritables motifs de la grève : qu’est-ce qu’il restera à la DGI pour arrondir ses fins de mois ? Quant au contribuable lambda, il continuera à fournir sa drogue au fonctionnaire des impôts, où qu’il soit. Les villas châteaux continueront de fleurir, les 4×4 parées de belles dames bazinées continueront de feinter les trous de nos routes défoncées, faute de moyens pour les réparer.

La lutte contre la corruption, l’augmentation des recettes fiscales et leur redistribution plus solidaire, peuvent-elles faire l’économie d’une remise en cause globale du fonctionnement de l’Administration ? Comment dégraisser ce mammouth, embaucher des compétences payées correctement, seule façon d’amortir un changement ? Où est l’efficacité à traquer un corrompu corrupteur qui ne peut pas faire vivre les siens avec son salaire ? Il est vrai que la taille de la famille est aussi un problème… Comment valoriser l’entreprise privée dans un environnement qui pousse à rester terré dans l’informel, qui ne comprend pas que la richesse créée doit profiter à tous et pas uniquement à quelques fonctionnaires qui doivent leur place plus souvent à leur « famille » au sens large qu’à leur mérite personnel ?

La bonne nouvelle, c’est que les gros poissons sont dans la ligne de mire du FMI. En effet, on apprend dans le rapport du FMI que « le comité mixte de renseignements et d’investigations économiques et financières a identifié des anomalies dans les déclarations fiscales d’environ 80 % des importateurs et 90 % des fournisseurs de l’État. La Direction des impôts cible ses audits sur ces sociétés en 2014–15». « Selon des informations préliminaires, il semble que la sous-déclaration par les importateurs de leur chiffre d’affaires aurait pu atteindre un montant aussi élevé que 500 milliards de FCFA par an en 2011–12. Si le total de ce montant représente un revenu imposable non déclaré, la perte de recettes fiscales aurait pu alors être de l’ordre de 150 milliards de FCFA (2,8 % du PIB) par an ».

150 milliards de perte par an pour l’Etat, c’est-à-dire nous. Pour vous donner une idée, le budget de l’Enseignement supérieur en 2015 est de 111 milliards, celui de la Santé de 106 milliards, celui de la Défense de 183 milliards.

Quand on sait que ces gros fraudeurs financent nos responsables politiques, on se demande comment notre triade maffieuse (commerçants, fonctionnaires des Douanes et des Impôts, politiciens) va s’y prendre pour feinter le FMI. On imagine le scénario et on a hâte de voir le film gore, même si la fin est déjà connue : toujours les mêmes qui se feront saigner.

AHD

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