La situation dans les quinze pays de la zone franc, constitués d’un grand nombre de pays les plus pauvres de la planète, est paradoxale. Tout comme en 2005, la croissance économique plafonne à 4 % en 2006 alors que la situation financière est on ne peut plus florissante.
Ce paradoxe est l’une des préoccupations majeures des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de la zone et l’ont à nouveau déploré lors de leur dernière réunion à Paris, le 12 septembre dernier. Il est lié en partie à la problématique du financement bancaire dans les différents Etats. Dans des pays comme le Mali, les banques ne financent que des projets viables et garantis à 100 %. Ce qui fait que seulement une minorité des populations a accès au financement bancaire.
A Paris, les ministres ont une fois de plus mis en évidence leur impuissance à contraindre les banques de la zone franc à financer des projets qu’elles estiment ne pas devoir financer… Et cela bien qu’ils aient mis en place, depuis mars 2006, un nouveau dispositif de rémunération des « surliquidités ». Mais, il s’avère incapable de juguler les flots de devises qui se déversent sur les Etats et les banques de la zone. Le plus souvent en faveur du blanchiment d’argent qui s’est développé en Afrique de l’Ouest et du Centre les dernières décennies.
La convertibilité du F CFA étant garantie par le Trésor public français par une parité fixe vis-à-vis de la monnaie unique européenne (1 euro = 655,957 F CFA), les opérateurs économiques n’ont pas lieu de s’inquiéter. Ils font confiance aux banques, lesquelles ne trouvent pas à qui prêter l’argent. C’est bien simple, la différence entre les ressources de la clientèle et leur emploi dépasse aujourd’hui 2000 milliards de F CFA. Un comble dans une zone où l’on est obligé de tendre la main pour solliciter de l’aide au développement…
Cette surliquidité bancaire ne représente qu’une partie des excédents dégagés par l’ensemble des institutions monétaires (banques centrales et banques commerciales). Selon le dernier rapport de la zone franc, publié le 12 septembre par la Banque de France, la zone franc disposait, à la fin de 2005, d’un montant cumulé de 6300 milliards de F CFA (avoirs extérieurs nets). Ce qui fait deux fois plus que le solde positif constaté à la fin de 2002.
Le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) donne ici un élément de réponse. Pour Jean-Félix Mamalepot, comme nous le disions plus haut : « Nos banques sont frileuses. Rigueur et discipline obligent, elles sont plus sélectives dans leurs choix ». Certains l’expliquent par le fait que les promoteurs honnêtes et les projets bancables se font rares sur le continent dans les sous-régions ouest et centrafricaine.
Mais, c’est aussi la preuve que l’argent de la zone franc ne circule qu’entre les mains d’une minorité : les hommes d’affaires, les ministres, certains cadres… Et ce monopole sur le financier n’est pas le plus souvent mérité parce que fruit de la délinquance financière, de la corruption et de trafics de toutes sortes. Ceci confirme aussi ce que certains de nos compatriotes disent, « le Mali est pauvre, mais des Maliens sont riches ». En fait, c’est une minorité qui est réellement riche parce qu’elle a malhonnêtement monopolisé tous les secteurs clefs du développement. Et c’est aussi le cas dans la plupart des pays pauvres.
Le paradoxe de la zone franc ne doit donc plus surprendre !
Moussa Bolly“