Économie : l’aléatoire taux de croissance de 4,4% annoncé par la direction nationale du trésor

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Lors des Rencontres du marché des titres publics de l’UEMOA (REMTP), tenues du 20 au 22 janvier en visioconférence, la direction nationale du trésor et de la comptabilité publique a annoncé un taux de croissance de 4,4% en 2021 pour le Mali. Un optimisme que ne partagent pas des économistes qui parlent d’hypothèse irréaliste. Cela pour plusieurs raisons.

Les perspectives économiques du Mali présentées par la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique, lors des Rencontres du marché des titres publics de l’UEMOA (REMTP), prévoient une reprise de la croissance en 2021.

Après une année 2020 marquée par la crise sanitaire et la crise sociopolitique, avec une récession estimée à -2%, le directeur national du Trésor et de la Comptabilité publique, Sidi Almoctar Oumar, a annoncé un  taux de croissance de 4,4% en 2021.

Le Mali compte soutenir cette relance par la poursuite des réformes engagées (dont la fiscalité foncière…) pour élargir les recettes fiscales et la préservation de la discipline budgétaire et de la viabilité de la dette. C’est du moins ce qu’a soutenu Boubacar Ouologuem, chef de section suivi du marché financier à la division banques et finances.

Selon lui, les lignes directrices sont : maîtrise du risque de refinancement ; présence régulière sur le marché financier régional ; choix de la taille des émissions ; réalisation d’opérations de taille importante ; alignement sur les standards du marché.

Hypothèse très irréaliste juge Modibo Mao Macalou  

Le taux de croissance de 4,4% annoncé par la direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique tranche avec celui prévu par la Banque mondiale, qui, lors de sa dernière édition semestrielle des perspectives économiques mondiales, publiée le 5 janvier dernier, table sur une croissance de 2,5% en 2021. Celle-ci passera à 5,2% en 2022. Ces chiffres sont toutefois liés à la maîtrise du Covid-19, prévient l’institution de Bretton Woods.

Selon l’économiste Modibo Mao Macalou, le taux de croissance annoncé par la direction nationale du trésor et de la comptabilité publique est une hypothèse très irréaliste. «Les conditions ne sont pas réunies pour une telle reprise», a-t-il expliqué.

Il s’appuie pour cela sur les effets néfastes du Covid-19 et une campagne cotonnière catastrophique. «La baisse de la production cotonnière conjuguée à la chute des cours du coton sur le marché international (-25%) ont des effets négatifs sur l’économie malienne, car environ 5 millions de Maliens vivent du coton», a argumenté Modibo Mao Macalou.

Selon l’économiste, pour la première fois depuis six ans, la croissance du PIB va être bien en deçà de la croissance démographique. «Cette chute du PIB va sensiblement faire augmenter le taux de pauvreté, qui était de 41,3% en 2019, et faire basculer plus d’un million de Maliens supplémentaires dans la pauvreté», explique Modibo Mao Macalou.

Les perspectives d’insécurité et d’instabilité politique ne permettent pas d’affirmer avec certitude que le Mali aura un taux de croissance de 4,4%, estime pour sa part Khalid Dembélé, chercheur au Centre de recherches, d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES).

«L’insécurité, les conséquences de la Covid-19 et la crise politique constituent des facteurs qui empêchent d’obtenir ce taux de croissance», a-t-il analysé. Selon lui, la reprise n’est possible que si le pays arrive à juguler l’insécurité, à atténuer les effets de la Covid-19, et que la classe politique s’accorde sur un minimum.

Khalid Dembélé a aussi plaidé pour la stimulation par l’Etat de l’investissement tant public que privé. Une idée soutenue par Modibo Mao Macalou, qui renchérit : «il faudra donc que l’État soit stratège, en envisageant des mesures de relance économique tant au niveau de la politique monétaire que budgétaire ou fiscale».

Il s’agira selon Modibo Mao Macalou de soutenir les entreprises et les populations les plus vulnérables, à travers des mesures d’accompagnement pendant cette période de turbulence qui n’épargnera aucun pays et dont la durée est incertaine. Pour terminer, Modibo Mao Macalou a indiqué qu’une reprise de l’activité économique ne peut être envisagée que si la pandémie de Covid-19 est endiguée.

Abdrahamane SISSOKO

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