Economie : La Bcéao soutient la relance économique

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La Bcéao a assoupli les règles d’injection d’argent par les banques commerciales dans les économies de ses pays membres. Elle dit vouloir soutenir la relance post-covid-19. Des risques d’une forte envolée des prix existent, mais ils sont limités au regard d’autres facteurs.

La Bcéao, l’institution qui sert de Banque centrale commune aux 8 pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) a tenu une rencontre de son Comité de politique monétaire (CPM) au terme de laquelle il a été décidé d’une nouvelle baisse de son principal taux directeur. Le taux d’intérêt minimum de soumission aux opérations d’appels d’offres d’injection de liquidité passe ainsi de 2,50 % à 2,00 % et le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal est ramené de 4,50 % à 4,00 %. Cette décision entre en vigueur à compter du 24 juin 2020, peut-on lire dans le communiqué qui a sanctionné la rencontre.

Cette décision signifie que dans les relations commerciales avec leurs clients, les banques commerciales auront encore plus de flexibilité pour baisser les taux d’intérêt. En effet, les engagements de prêts qu’elles prendront dans ce contexte seront compensés en cas de besoin par la Banque centrale à des conditions beaucoup plus favorables. Le principal effet de cette décision devrait donc être celui de voir les banques accorder plus de crédits à l’économie.

L’institution d’émission monétaire de l’Uémoa a clairement expliqué que son choix vise à soutenir les plans de relance post-covid-19 de ses Etats membres. Les plans de relance mis en place par les Etats et l’assouplissement progressif des restrictions de déplacement devraient conduire à un redémarrage de l’appareil productif, les membres du CPM ont décidé d’accompagner cette dynamique, lit-on dans son communiqué.

 

Des hausses supplémentaires des prix sont à envisager

La décision pourrait faire penser que la Bcéao a pris le parti de suivre les politiques monétaires non conventionnelles qui sont désormais à la mode en ces moments de perturbations économiques. Le principal effet d’une baisse des taux directeurs des banques centrales est qu’elle peut faire augmenter la quantité de monnaie en circulation au sein de l’économie. Le risque théorique d’une telle situation étant que cela pousse les prix vers le haut.

Les banques centrales des pays développés ont joué sur ce levier ces dernières années pour faire repartir les prix à la hausse, et redonner une certaine vigueur à la croissance économique de leurs pays, mais sans grand succès. La décision de la Bcéao d’ouvrir le robinet d’argent alors que les prix sont en hausse de 1,4 % à fin avril 2020, et le resteront à 2,2 % au cours des 8 prochains trimestres peut pousser à l’interrogation.

Il faut aussi noter que le manque de ressources par rapport aux objectifs de dépenses des pays de l’Uémoa était de 922,1 milliards F CFA à la fin du mois de mars 2020. Ce niveau est 4,1 fois supérieur à celui de la même période en 2019. Les dépenses engagées dans le cadre des différentes réponses à la covid-19 n’ont pas manqué de le creuser davantage. Le risque ici est que ce déficit budgétaire accélère l’inflation.

 

D’autres facteurs limitent la portée de ce risque

L’analyse d’autres indicateurs permet de mieux comprendre ce choix d’intervention de la Banque centrale. Déjà on note que la maîtrise des prix ne fait pas partie de ses missions qui sont principalement orientées vers la stabilité du système bancaire et financier. Sur plusieurs autres plans, l’action de la Bcéao s’avère assez pragmatique.

Au cours du premier trimestre 2020, la croissance du produit intérieur brut au sein de l’Uémoa a été de seulement 3,3 % contre 6,5 % un trimestre plus tôt. Or techniquement, les facteurs de production de l’Union lui permettent de mériter une croissance de 6,6 %, n’eût-été la Covid-19. Même si les prix ont augmenté de 1,3 % au cours du premier trimestre 2020, ils ne sont pas allés de pair avec une forte injection d’argent au sein des différentes économies de l’Uémoa, car la masse monétaire n’a augmenté que de 1,03 % sur la même période.

De même, les experts estiment qu’il doit y avoir une étroite relation entre la hausse du PIB et celle de la masse d’argent en circulation au sein d’une économie. Or présentement, les données de l’Uémoa ne reflètent pas cette règle pour ce qui est du premier trimestre 2020. Si l’intervention de la Bcéao est justifiée, il faudra néanmoins surveiller certaines données.

Le premier c’est que les avoirs extérieurs nets sont en baisse. Pour une sous-région qui importe massivement, une baisse de ces avoirs pourrait mettre la pression sur la valeur de la monnaie même si la garantie de la France continue d’être un bouclier pour les investisseurs. Il sera aussi important de s’assurer que les nouvelles ressources qui seront générées aideront à financer l’économie réelle, et non seulement les titres publics émis par les Etats. Ceux-ci sont en effet devenus la source la plus fiable de revenus pour les banques commerciales de la sous-région.

Agence Ecofin

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