Elle constitue, de nos jours, une importante source de revenus pour les exploitants agricoles.
Avec environ 200 000 tonnes d’échalotes produites par an, notre pays s’est hissé au 3ème rang mondial des pays producteurs, selon le coordinateur régional du Programme de compétitivité et de diversification agricole (PCDA) de Ségou, Modibo Samaké. Les régions de Mopti, notamment le Plateau Dogon (bassin traditionnel de production) et Ségou sont les principaux bassins de production de cette spéculation (longtemps considérée et à tort comme un sous produit à côté des cultures vivrières). Selon la légende, rapportée par Anne Meyer dans son mémoire de Master spécialisé, intitulé « Développement agricole tropical » option Valor de l’Institut des Régions Chaudes – Montpellier Sup-Agro, c’est dans la commune d’Ondogou, qu’un producteur du village de Dimbili découvrit l’échalote à l’état sauvage et décida de la cultiver. Il transmit ensuite sa découverte à un ami du village de Diaganté (Ondogou), qui lui-même la transmit à un autre de la commune de Sangha. De fil en aiguille, l’échalote conquit tout le plateau Dogon. Aujourd’hui encore, lors de funérailles de « sages » à Dimbili, les habitants de Diaganda (Muétoumou), village « cousin » de Dimbili, ont pour habitude d’apporter aux villageois de Dimbili un bol d’échalotes, en hommage à cette découverte qui leur a tant apporté. C’est fort de cette expérience, que la région de Mopti se positionne dès lors comme la 2ème zone de production d’échalote au Mali avec 48 637 tonnes lors de la dernière campagne sur respectivement 19% et 19,3% des emblavures et de la production nationale derrière la région de Ségou qui, avec ses immenses potentialités hydro agricoles et en terres fertiles, se taille les 63,5% et 68% des emblavures et de la production nationale. C’est le cercle de Bandiagara, qui arrive en tête avec 75 % de la production régionale. Il est suivi par les cercles de Mopti (9,5% de la production régionale), Djénné (4,3%), Douentza (1,8%) et Koro (1,6%). Les zones de Tenenkou et Youwarou sont peu productrices d’échalote. Ainsi, Ségou et Mopti totalisent à elles seules environ 83% des emblavures et 87% de la production nationale de cette spéculation. Les autres zones maraîchères du pays se partagent les 17% et 13% des emblavures et de la production nationale. Il apparaît dès lors que l’échalote constitue de nos jours une importante source de revenu pour les exploitants agricoles. Dans la zone de la région de Ségou par exemple, elle contribue à plus de 60% du chiffre d’affaire annuel des activités maraîchères dans la zone de l’Office du Niger (ON), soit environ 30 milliards de Fcfa par an distribué en terme de gains entre les divers acteurs de la filière. Dans cette zone jadis conquise par la culture du riz, l’échalote est en passe de s’y imposer comme une culture de rente à forte potentialité économique. Selon Anne Meyer, ce sont les migrants dogon des années 1930 dans la zone de l’ON, qui ont contribué au développement du maraîchage dans la zone. Il s’agissait alors d’une activité exclusivement féminine. Entre 1987 et 1992, des animateurs de l’ON vont même se rendre sur le Plateau Dogon pour apprendre les techniques de maraîchage (DOUGNON, 2007). Ainsi, jusqu’en 1997, les cultures maraîchères étaient certes interdites dans les casiers irrigués, mais la zone produisait d’ores et déjà 50 000 à 70 000 tonnes par an sur de petites parcelles autour des villages, alimentées par des puisards. En 1997, l’autorisation de faire du maraîchage dans les casiers va permettre une importante extension des superficies et d’accroître les rendements. On voit dès lors apparaître, à côté des petits maraîchers, d’importants riziculteurs qui consacrent un hectare (ou plus) à l’échalote en contre-saison, avec des moyens matériels et financiers conséquents.
Destinée au marché. Selon la présidente de l’interprofession filière échalote, Mme Diarra Bintou Guindo, résidant à Hèrèmakono dans la zone de Ndegougou, l’échalote constitue la principale source de revenu des femmes dans la zone de l’ON. Elles héritent ainsi une tradition de productrice d’échalote de mère à fille. Mais, les formes et les techniques de production ont considérablement évolué selon les besoins nouveaux de promotion économique des femmes. Avant elles cultivaient l’échalote juste pour avoir de quoi à garnir le stock de condiments. Mais maintenant la production est essentiellement destinée au marché, a t-elle expliqué. Bintou Guindo, a t-elle rappelé, est d’abord une enseignante de formation. « A la mort de notre père, j’ai pris ma part d’héritage pour m’installer à mon compte dans la culture d’échalote. Au début, beaucoup de gens ne croyaient pas à la réussite de mon projet et s’étonnaient même du changement de vocation. Mais aujourd’hui, la chance m’a souri à telle enseigne que j’interviens dans plusieurs domaines de la filière, principalement la production, la conservation et la commercialisation. Je dispose d’un réseau de magasins de stockage que je loue aussi bien aux producteurs qu’aux commerçants ». Bintou Guindo est membre d’un regroupement de productrices appelé « Fasodjigui », regroupant environ 960 femmes dans 22 associations. Chacune d’elles exploite en culture de contre saison une superficie de 0,40 ha sur les parcelles familiales, après le riz. Faute d’espaces qui leur sont propres. La production a lieu en deux phases. La première concerne la variété hâtive, dont la récolte est rapidement écoulée sur le marché local à l’état frais, pour faire face aux besoins urgents d’argent. La seconde, (le djabalani en bambara) est conservée dans le sol quand le fruit arrive à maturité pour être séchée et vendue plus tard petit à petit en fonction de la demande du marché. L’objectif est de maximiser le profit. Car, les gains tirés de cette production permettent de aux femmes de réaliser des économies substantielles et financer les besoins d’argent de la famille, notamment les dépenses consacrées aux enfants et aux événements sociaux. Ainsi, le volume et la superficie de production de l’échalote dans la région de Ségou sont respectivement passés de 92 204,4 tonnes pour 2991,3 ha à 162 314 tonnes pour 5845 ha en 2010. Mais pour se développer, la filière échalote doit régler un certain nombre de problèmes, dont la périssabilité du produit, eu égard à la brièveté de sa production, qui n’est pas étalée dans le temps. Cette situation se traduit par une instabilité de son cours sur le marché de vente, tant rural qu’urbain. Car, la récolte a lieu dans un laps de temps (de février à avril). Du coup, une grande partie de la production est mise sur le marché en même temps. L’approvisionnement en masse du marché conduit dès lors à une baisse considérable du prix de vente à la consommation variant entre 75 et 100 Fcfa le kilo au moment de la récolte. Par contre en mai et en janvier, les prix prennent l’ascenseur sur le marché. Il arrive dès fois que, le prix du kilogramme frôle les 1000 Fcfa au moment de la période de semence (entre novembre et décembre). Déjà, dès la fin des années 1980, des problèmes d’écoulement de l’échalote fraîche se sont posés avec acuité suite à une chute brutale des prix jusqu’à atteindre 30F CFA/kg, a t-elle rappelé. Cet épisode marqua les esprits au Plateau Dogon et fut à l’origine de nombreuses évolutions. Ainsi, le Projet de vulgarisation agricole en pays Dogon (PVAPD) a initié avec les producteurs une nouvelle technique de transformation appelé séchage d`échalote en tranches de 1990 à 1998. L’objectif principal visait la résolution des contraintes liées à la commercialisation de l`échalote suite à l’accroissement significatif de la production. Il faut rappeler que, le projet a vu jour en juin 1985 dans l`optique de rentabiliser les barrages réalisés d`abord par la GTZ, et plus tard par d`autres structures qui ont construit des petits barrages. De 1985 à 1989 le PVAPD a mis l`accent sur la production qui a fortement augmenté jusqu’à poser un problème d`écoulement. C`est ainsi que la technique de conservation via la transformation en tranches séchées a été vulgarisée auprès des producteurs. A la fin du PVAPD, les producteurs conscients de l`importance de l`activité ont sollicité la mise en place d`une organisation de fédération des organes de la filière dénommée FAC/GEST, constitué des ex agents du PVAPD et de l`ensemble des producteurs à travers leurs organisations villageoises.
mercredi 5 octobre 2011