Dr Etienne Fakaba Sissoko, économiste et chercheur au crapes, était l’invité politique d’Africable Télévision dans l’émission « THEMA » du vendredi 11 mai 2018. Le thème à l’ordre du jour était : « Notre or peut-il mieux servir ? » Ce débat a constitué en analyse du contenu du nouveau code minier issu de la Loi N°2012015 du 20 février 2012. Cet entretien a été l’occasion pour le docteur de déceler plusieurs contradictions dans ledit code. Des contradictions qui n’assurent pas le développement local et national. Dr Sissoko était accompagné par Tiémoko Traoré (anthropologue et spécialiste des questions minières), Mamadi Sissoko (constitutionnaliste et spécialiste en droit minier) et Isaac Dackono (spécialiste en fiscalité des ressources extractives).
Ce débat qui a duré près d’une heure a permis le Dr Etienne Fakaba Sissoko à rester campé sur une seule position, à savoir que l’extraction minière ne profite pas aux populations locales. Il décèle également des problèmes de conciliation des principes à la pratique.
À ses dires, il ne suffit pas d’avoir un code pour rendre le secteur minier profitable à la population. Le Dr Etienne Fakaba Sissoko énumère à ce titre des contradictions par rapport à ce code. En matière de minerais, on parle de grande potentialité au Mali. Un pays dont le sous-sol recouvrirait une dizaine de variétés de minerais. Ce code est juste rédigé en complicité avec des sociétés minières.
Des exonérations fiscales extraordinaires sont données à des sociétés minières qui, après, se retournent contre l’État Malien . Cela constitue aux yeux du docteur un phénomène qu’il qualifie d’abusif et un fait extraordinaire. À ce titre, il rappelle l’existence de sociétés minières où on accorde trois ans d’exonérations pour les premières années d’exploitation. Après ces trois ans, lesdites sociétés doivent perdre leurs exonérations. Mais, c’est tout un autre jeu que nous constatons à ce niveau. Afin d’échapper à cette perte et voulant toujours continuer à bénéficier de leurs exonérations, ces sociétés dressent un bilan au bout de ces trois dernières années et gardent à cet effet tous les dispositifs intacts. Une nouvelle société est créée sur la base des mêmes filières de productions, de distribution et également avec les mêmes équipements. Le nom de la société est uniquement changé à ce titre.
En outre, il y a des problèmes pour le contrôle de la quantité d’or produit au Mali. D’autres parlent de 50 tonnes par an, mais des rapports de certaines ONG travaillant dans le secteur montrent à suffisance que les échanges entre le Mali et l’Arabie Saoudite dépassent les 55 tonnes d’or par an. Ce chiffre constitue uniquement les échanges entre le Mali et l’Arabie Saoudite. Ces genres de constats peuvent se faire dans les domaines, toutes les étapes de l’exploitation minière. Ce qui signifie à ses dires que le contenu de ce code reste tout simplement des principes posés sur du papier. « Une chose est de voter de bonnes lois, une autre chose est de voir l’exécution de ces lois et de s’assurer effectivement que les besoins des populations sont bien pris en compte», affirme-t-il.
À la question de savoir si les entreprises extractives ont une obligation de contribuer au développement local, le Docteur répond par le positif. Ces entreprises doivent avoir une grande responsabilité. Elles doivent veiller sur l’environnement, le sol dans les zones aurifères. À ses dires, dans la plupart de ces zones extractives comme Sadiola, les populations souffrent du manque de soin de santé, d’accès à l’eau potable, à l’électricité ; les « écoles » construites existent pour les fils et les filles de ceux qui travaillent dans les mines et non pas pour les populations. Cela reste pratiquement de même pour les routes construites. Celles-ci sont aménagées pour le bon acheminement des matières premières et des équipements miniers. Or, tous les problèmes auxquels la population reste confrontée relèvent de cette exploitation minière. La pauvreté s’agrandit.
L’État doit renégocier les contrats miniers. Le Mali ne bénéficie même pas de 20% de l’extraction minière. Les multinationales extraient des quantités faramineuses sur lesquelles l’État n’a aucun contrôle. Le Mali en tant que troisième producteur d’or ne possède même pas une seule unité de raffinage d’or à sa disposition. Il ne possède aucun mécanisme de contrôle d’or. Bien vrai que cette matière représente la deuxième rentrée d’argent en termes de constitution du PIB, aucun centre de formation, aucune école des mines n’existe dans ce domaine au Mali afin de former les citoyens à l’exploitation de ces richesses. Ceux-ci constituent aux yeux d’Etienne Fakaba des paradoxes que nous pouvons déceler dans le code minier. Les principes sont posés, mais la bonne application de ces lois fait défaut. C’est dans ce cadre qu’il explique : « Il ne s’agit pas de faire sortir un vieux texte de la législation française et de le faire copier-coller, mais il faut regarder les réalités et voir ce qui peut être véritablement appliqué et quelle est la responsabilité de l’État dans l’application de ces dispositions. »
Les 20% de l’État dont il a été question, dit-il, constituent la participation de celui-ci auprès de ces entreprises extractives. C’est la raison pour laquelle, affirme-t-il, désirer la renégociation de tous les contrats miniers afin que « l’or puisse briller enfin pour les Maliens ». Il prend à ce titre, l’exemple sur des propos de Modibo Keïta qui disait que rien ne sert d’autoriser l’extraction de nos richesses si nous ne sommes pas sûrs que nous gagnerons une belle part . Aujourd’hui, l’extraction minière contribue énormément à l’aggravation de la pauvreté dans les zones d’extractions si nous savons que les droits des enfants sont violés à cause du travail forcé imposé par leurs parents afin de payer des dettes contractées. Ainsi l’éducation des enfants est compromise.
Le Mali doit revoir sa politique de redistribution des richesses, la politique économique doit être revue pour faire profiter les citoyens des richesses provenant de l’extraction de nos minerais.
Il faut agir maintenant avant que les gisements ne finissent d’être exploités. L’intérêt collectif doit être pris en compte. Une lutte sans merci doit être menée contre la corruption à ciel ouvert qui ne profite qu’à une minorité. Le Mali doit trouver des moyens pour faire profiter grandement les populations de ces richesses en améliorant leurs conditions de vie.
Fousseni TOGOLA