Faute d’avoir réussi à convaincre le pouvoir de la nécessité d’un changement à la tête de la Douane, une poignée de gabelous tentent, désormais, de se servir de la rue. Mal leur en a pris.
Le colonel Amadou Togola vient d’être relevé de ses fonctions par le conseil des ministres. La rumeur a couru. Folle et fofolle, elle s’est propagée à travers notre capitale. Comme une traînée de canelle. Avant de gagner les bureaux régionaux des Douanes. Nous sommes mercredi 12 mai 2010. Il était 11h 30mn.
A bord de véhicules, avec les phares allumés, certains transitaires laissent exploser leur joie, une coupe de champagne à la main ; tandis que dans la cour même de la direction générale des Douanes, des cadres esquissaient des pas de danse, en remerciant le ciel pour leur « avoir débarrassé de celui qui leur a ôté du pain à la bouche ».
A couteaux tirés avec le Guichet Unique, à cause des nouvelles mesures prises pour le dédouanement des véhicules, les revendeurs de véhicules d’occasion n’ont pas boudé leur plaisir. Des bœufs, des moutons et des milliers de caisses de boissons… avaient été payés pour fêter l’évènement. « Le départ de Togola, ça s’arrose ! » scandent –ils en chœur.
L’origine des rues…mœurs
A l’origine de la rumeur, une poignée de gabelous qui croient leur heure sonner. Ils ont à leur tête un officier d’opérette, dont nous tairons le nom. Du moins, pour l’instant ; reconnu bon financier, il a longtemps traîné sa bosse au sein de l’administration. Avant de se retrouver, à la Douane où, il a endossé l’uniforme. Sans formation militaire. Et, plus grave, sans passer par les écoles des Inspecteurs de Douane.
Connu par ses accointances avec la colline du pouvoir, ce « colonel ou commandant –machin » aurait reçu la promesse selon laquelle il sera « bombardé » directeur général des Douanes. Avant la fin du second et dernier mandat de Sa Majesté Amadou II, roi de Koulouba.
Depuis, il ne cesse de se voir dans le fauteuil du colonel Togola. Dans ses rêves, comme dans ses cauchemars. Depuis, il ne cesse de « manœuvrer » pour saboter les efforts entrepris par l’équipe du colonel Togola pour atteindre les Objectifs.
A la direction générale des Douanes, il n’a jamais fait mystère de ses relations avec le pouvoir. Mais surtout, de la que ce dernier lui aurait fait de succéder au colonel Togola. Pour ce faire, il n’hésite pas à ruer dans les brancards : articles de presse commandés à prix d’or et lus sur les antennes de certaines radios par des animateurs à sa solde, sabotage des efforts entrepris par la direction générale pour améliorer l’image du service…
Tout y passe. Bref, notre vrai –faux gabelou s’est juré de « faire partir le colonel Togola ». Coûte que coûte. Et quoi qu’il en coûte.
Le crime du colonel Togola, c’est d’avoir mis l’intérêt de la nation au dessus de tout, d’avoir réussi là où certains se sont cassés les dents.
Le péché mignon du colonel Togola
Nommé le 27 février 2008 à la tête des Douanes du Mali, le colonel Amadou Togola a, dès sa prise de fonction, affiché ses ambitions : réussir la mission qui lui a été assignée par le gouvernement. Il s’agit, notamment, du recouvrement des droits et taxes dus à l’Etat et la modernisation de l’administration douanière. Pour ce faire, il met en œuvre son Plan d’Action Opérationnel.
Un an après, les recettes douanières sont passées de 18 à 23 milliards CFA par mois. Soit une hausse de 5 milliards par mois. Aussi, les objectifs de recettes, fixés à la Douane par le gouvernement en 2009, ont été dépassés, Largement. Sur les 260 milliards CFA. Soit un excédent de 7 milliards CFA. Une première dans l’histoire de la Douane.
Mais de féliciter le Colonel Togola et son équipe pour cette performance inégalée, certains gabelous, mus par leurs intérêts personnels, tentent de lui mettre le bâton dans les roues. Objectif : anticiper son départ de la Douane, afin de préserver leur bifteck.
« Sous le colonel Cheick Keita, ancien directeur général des Douanes, les choses étaient plus simples : il y avait moins de contrôle et moins de rigueur. Les Agents s’en sortaient bien. Mais depuis le 27 février, date de la nomination du Colonel Togola à la tête de la Douane, on ne gagne plus rien. A part, bien entendu, nos salaires », confesse un jeune capitaine, en service au Bureau des Exonérations et des Maliens de l’Extérieur (BEMEX).
Cette analyse est partagée par l’ensemble des « putschistes » qui voient en Togola un « empêcheur de voler en rond ». Leurs activités de « sabotage » ont débuté il y a six mois. Mais il a fallu attendre le 12 mai dernier pour que le pouvoir prenne la mesure du danger. Avant de couper court aux rumeurs.
« Le colonel Amadou Togola quittera, sans doute, un jour le poste de directeur général des Douanes, pour d’autres fonctions. Mais pas de si tôt. Car, nous avons encore besoin de lui pour mettre les caisses du Trésor public à flot », aurait répondu Sa Majesté à un de ses proches, qui l’interrogeait sur l’origine des rumeurs du 12 mai dernier.
Une réponse qui vient sonner le glas de ce putsch. Un putsch orchestré par un Inspecteur des Finances, entré à la Douane par la fenêtre.
Oumar Babi
Colonel Amadou Togola : un technicien hors pair
On peut l’admirer pour sa rigueur ; ou le détester pour ses méthodes. Une certitude : le colonel Amadou Togola est l’un des meilleurs cadres de la Douane.
Il a fréquenté les meilleures écoles des Douanes d’Europe. Avant d’occuper tous les postes, ou presque, à la Douane.
Né le 20 mars 1953 à Bindiougoula, dans le cercle de Bougouni, le jeune Amadou Togola passe son bac, en sciences exactes, en 1973. Quatre ans après, il obtient une maîtrise en Sciences économiques à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA), aujourd’hui, Faculté des Sciences juridiques et Politiques.
C’est en 1978 qu’il rejoint les rangs de la Douane. Six ans après, il s’envole pour la France où, il intègre l’Ecole Nationale des Douanes de Neuilly. C’était en 1984.
Nanti de son diplôme, il s’inscrit à l’Ecole Nationale des Brigades de la Rochelle où, il décroche en 1993 son diplôme d’Inspecteur principal des Douanes.
S’y ajoutent d’autres diplômes et non des moindres : un certificat en technique de gestion de la Commission de la Fonction Publique du Canada ; un certificat du Fonds Monétaire International (FMI) sur la gestion macroéconomique des Finances publiques, obtenu à Dakar.
Bref, c’est un homme d’expérience, mais surtout de caractère, qui a été nommé à la tête des Douanes du Mali le 27 février 2008. Une nomination, considérée par tous y compris ses détracteurs, comme le couronnement d’une riche carrière, entamée en 1979 comme chef de visite au bureau des Douanes de Mopti.
Oumar Babi