Aujourd’hui, le courant ne passe plus entre les commerçants et les douanes maliennes. Pour cause, les douanes rencontrent d’énormes difficultés dans la mobilisation des 385 milliards recommandée par l’Etat au titre de l’exercice budgétaire 2014. Pour relever le challenge, l’application de certaines mesures annoncées par la direction Générale des douanes est violemment contestée par les commerçants.
La situation financière au Mali est très critique, surtout du côté du gouvernement. En effet, après la suspension de l’appui budgétaire international par le FMI et la Banque mondiale à notre pays, malgré la volonté de faire face aux charges de l’Etat en comptant sur nos propres ressources, tout semble se compliquer pour nos gouvernants. Car les structures de mobilisation des fonds pour renflouer les caisses de l’Etat arrivent difficilement à combler les attentes.
Au titre de l’exercice budgétaire 2014, il avait été assigné à la Direction générale des douanes un objectif de recouvrement de 375 milliards de FCFA. Avec la suspension des appuis budgétaires du FMI et de la Banque mondiale, le Mali était obligé à nouveau de réviser sa loi des finances. Dans le cadre de cette loi rectificative des finances, mars 2014, le quota des douanes a été revu à la hausse et porté à 385 milliards F Cfa. A la date du 31 mai 2014, des difficultés de recouvrement ont été enregistrées. A en croire nos sources, il a été réalisé 141,2 milliards FCFA en termes de recouvrement contre une prévision de 153, 5 milliards sur la période. Soit un gap négatif de 12,3 milliards. La moyenne de réalisation mensuelle aura été de 28,2 milliards contre une prévision moyenne mensuelle de 32,1 milliards FCFA. Selon les mêmes sources, sur la période de juin à décembre 2014, l’administration douanière doit impérativement réaliser des recettes à hauteur de 243,8 milliards, soit une moyenne mensuelle prévisionnelle de 34,8 milliards.
Au regard de son incapacité à mobiliser 32,1 milliards par mois pendant le deuxième trimestre de l’année, la mobilisation de 34,8 milliards fera saigner à coup sûr les contribuables.
Dans tous les cas de figure, la Direction générale des douanes jure d’utiliser tous les moyens légaux pour mobiliser les 385 milliards FCFA qui lui sont recommandés par le gouvernement. «Ce challenge interpelle et invite chacune des structures du service à des efforts soutenus, à une remise en cause des pratiques et des méthodes d’exécution du service contre-productives en autant que sur la période coulée (janvier mai), la moyenne observée était à un niveau nettement plus bas. L’ensemble du service devra donc résolument se mettre dans une dynamique et dans une logique nouvelle afin d’honorer le contrat de performance qui engage l’administration douanière à réaliser pour le compte du gouvernement les recettes budgétaires assignées» précise la lettre circulaire N° 14-0025/MEF/DRPPV de la Direction générale des douanes.
D’anciennes mesures réactivées et contestées
En vue de satisfaire les besoins du régime, la direction générale des douanes a réactivé un certain nombre de mesures et a invité tous les services de douanes à observer les instructions qui suivent :
Au sujet de la prise en charge des marchandises, il est recommandé aux chefs de brigade de veiller à l’apurement systématique des manifestes créés. A cet égard, aucune situation résiduelle ne devra demeurer au-delà de 7 jours.
S’agissant de scanning, les résultats des contrôles opérés sur le terrain par la Direction du renseignement et des enquêtes douanières seront analysés tout au long de la chaine afin de sanctionner les errements constatés. La Direction des recettes, de la planification et des programmes de vérification poursuivra les investigations déjà amorcées en vue de clarifier la situation des suspicions avérées non prises en compte par les bureaux de dédouanement ainsi que celle des cargaisons suspectes en attente de dédouanement.
Quant à l’évaluation des marchandises au niveau des structures de dédouanement, il est question de mettre systématiquement en œuvre la pénalité par défaut du respect du Programme de vérification des importations (PVI) sur toutes les marchandises conteneurisées importées sans attestation de vérification conformément aux dispositions prévues par les articles 352, 361 et 354 du code des douanes. « Lorsque la transaction sollicitée sera retenue par le service, indique la présente lettre circulaire, il sera fait application d’une amende transactionnelle égale au moins à 30% des droits». En plus, les bureaux de dédouanement veilleront au respect de l’application des valeurs de référence, à la pesée systématique des marchandises visées par l’arrêté fixant les valeurs de référence et dont l’évaluation est au poids.
En ce qui concerne les dédouanements en ligne, ils seront réservés exclusivement aux cargaisons ne contenant qu’une seule espèce de marchandise. Ladite marchandise devra au préalable avoir satisfait aux conditions d’inspection avant embarquement et être déclarée non suspecte au scanning.
Faut-il le rappeler, ces mesures qui datent du temps de Seydou Diawara, ancien Directeur Général des douanes du Mali, qui, lui-même, n’a pas pu les appliquer a été toujours une source de conflit entre les commerçants et les douanes.
A chaque fois qu’il y a des problèmes de trésorerie, l’Etat se rabat sur la douane qui à son tour jette son dévolu sur les commerçants en réactivant ces mesures qui sont toujours rejetées par les hommes d’affaires maliens. Le cas de cette année n’a pas échappé à cette règle. Les douanes jurent d’appliquer ces mesures et les commerçants jurent le contraire. C’est donc un bras de fer engagé entre les deux entités.
Approché par nos soins, Idrissa Bana Maïga, sous-directeur des enquêtes douanières dira que c’est l’obligation et le devoir pour les douanes de chercher par tous les moyens et voies légales à répondre aux besoins de trésorerie de l’Etat. «Il se trouve qu’aujourd’hui les caisses de l’Etat doivent être alimentées pour parer à tous les défis et besoins imminents. Cela d’autant que nous venons d’une crise et nous vivons une situation qui a sérieusement affecté les rentrées de recettes pour le fonctionnement de l’Etat. Ce qui a amené l’administration des douanes à essayer d’être plus efficace en renforçant ses contrôles et d’avoir une meilleure maîtrise de dédouanement en appliquant les dispositions qui ont été prises», affirmera-t-il. Les résultats de ces contrôles ont abouti à des constations de quelques infractions douanières que nous réprimons conformément à la loi, a-t-il ajouté.
Les passeurs indexés
Si ces mesures ont été bien accueillies par les grands opérateurs économiques, les petits commerçants qui excellent dans la pratique des « groupages » ne l’entendent pas de cette oreille. A en croire certains, il n’est pas question qu’ils se soumettent à ces mesures. Avec le soutien des transitaires, ils sont aujourd’hui parvenus à paralyser le fonctionnement normal des services de douanes.
Des informations qui nous sont parvenues révèlent que ces mesures ont engendré le blocage de près de 300 camions dans les différentes entrées de Bamako.
Oumar KONATE
C’est un faux débat! Le gap dont il est question résulte simplement d’une mauvaise gestion de la matière douanière à savoir le traitement des marchandises. De façon délibérée, on a sacrifié depuis un bon moment pour ne pas dire à partir de 2012 (le second semestre précisément)les droits et taxes exigibles au cordon douanier avec des faibles niveaux. En faisant une simple comparaison, les chiffres et statistiques mêmes de la douane peuvent le prouver, on constate cette baisse de niveau de droits et taxes sur l’ensemble du territoire. A cela, il faut ajouter la disparition de certaines importations de produits pourvoyeurs de recettes (tissus, motocyclettes, bonneterie etc..) qui inondent le marché et ne font l’objet d’aucune déclaration dans les bureaux de douane, car d’autres marchandises moins importantes sont déclarées à leur place. Le même phénomène se manifeste au niveau des matières liquides qui sont également dénaturées ou simplement “sautées”.
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