A quelques encablures de clôture d’exercice – et alors que la fluidité des recettes résiste si farouchement aux efforts pour booster les objectifs -, les équivoques s’installent comme à demeure au service des Douanes du Mali. Les différents maillons de sa chaîne de performance se regardent plus en chiens de faïences que sous le prisme de la complémentarité. La confiance entre collaborateurs est manifestement entamée et les décideurs au plus haut sommet ne semblent guère résister à la vague. La hantise d’un coup fourré et la crainte d’un coup de balai sont passées par là et déteignent forcément sur les rapports au pied de la pyramide où chaque agent est perçu comme un potentiel délateur.
Par ces temps de disette financière, les services de douanes du Mali ont pourtant besoin de tout sauf d’une telle confusion consécutive à la découverte d’un pot-aux-roses dans la région de Kayes : la mise à nu d’un puissant réseau bien huilé de minoration de la valeur des véhicules importés. L’épisode remonte à quelques semaines et aura mobilisé tout ce que la Douane recèle de ressources techniques capables de déceler les contours d’une pratique se résumant en une réduction drastique des droits de douane des véhicules, y compris par modification des caractéristiques desdites marchandises. Nos sources indiquent qu’une opération de démantèlement de ce réseau mafieux de faux dédouanements, conduite de main de maître par le Bureau du contrôle interne, sous l’égide de son chef adjoint, a pu remonter le filon en braquant les projecteurs sur ses graves implications en termes de manques à gagner pour les recettes aux portes. Aussi les mesures de correction et de redressement n’ont-elles pas tardé à suivre. En plus d’infliger des sanctions aux agents ayant trempé dans la forfaiture, instruction a été donnée par qui de droit de repérer tous les véhicules concernés par la supercherie et de remettre l’Etat dans ses droits à travers un recouvrement des pertes occasionnées. Sauf que cette réponse ne paraissait de nature à agréer l’ensemble des protagonistes. Si les agents fautifs de la Douane s’en accommodent, il n’en est pas pareil pour les principaux bénéficiaires de la manœuvre frauduleuse, qui ont l’impression d’être les grands perdants de la voie de règlement choisie par la hiérarchie douanière. Il s’agit notamment des transitaires dont le réseau, selon nos sources, est dirigé par une certain M. Diarra alias «Mougou». Sentant le péril d’une action judiciaire peser sur sa seule tête, l’intéressé, de source concordante, semble avoir juré de couler avec l’ensemble de ses prébendiers et de sauver sa tête en la confondant avec celles des agents de l’administration douanière impliqués dans la sale affaire. Le cerveau présumé du réseau a ainsi choisi de lever un autre lièvre en donnant une dimension judiciaire à l’affaire à coups de dénonciations auprès du Pôle économique et financier. Ce qu’on croyait étouffer par des mesures administratives rebondit ainsi à la face de la hiérarchie sous une forme d’autant plus complexe qu’elle est senti comme une manœuvre ourdie de déstabilisation de la hiérarchie.
A KEITA