Depuis l’arrivée du Colonel Modibo Maïga à la tête de la Douane malienne, la gabegie s’y accentue au jour le jour. C’est le lieu, pour beaucoup de Maliens, de soutenir que le milieu douanier est le plus corrompu du pays. En plus de ce constat patent, une certaine loi du silence entoure le sujet.
«L’institution ne peut admettre des corrompus dans ses rangs », indique un responsable de la section malienne du « FDIH » (Fédération internationale des droits de l’homme). Selon lui, la légèreté de la lutte anti-corruption dans le milieu des Douanes est volontaire car de nombreuses personnes en profitent.
Les opérations « mains propres» et la chasse aux sorcières ne seraient donc que de la poudre, sinon de la poutre aux yeux ? Toujours est-il que beaucoup de Maliens doutent des intentions des pouvoirs publics de lutter contre la corruption. « Il n’y aucune volonté politique de lutte contre la corruption, encore moins d’assainissement de la sphère du commerce extérieur gangrenée par la grande corruption et les intérêts mafieux », soulignent certains d’entre eux.
Plus d’une centaine de faux importateurs sont identifiés par l’administration fiscale. Les fraudeurs utilisent des prête-noms et des registres de commerce loués ou falsifiés et dont le nombre est effarant comparé à celui des importateurs légalement établis.
Un tour aux Impôts suffit pour se rendre compte de l’évidence du phénomène. De 1997 à 2002, tous les opérateurs économiques maliens en activité dans le commerce extérieur ont été enregistrés.
Chasse gardée des dignitaires du régime actuel depuis sa libéralisation et l’annulation du monopole de fait au début du premier mandat du Président ATT, « mamelle intarissable » pour les insatiables barons de l’importation, le commerce extérieur est peuplé (d’après un syndicaliste des Douanes) « d’une faune d’affairistes, d’importateurs frauduleux, de commerçants sans scrupules, etc. ». Et de s’interroger : « L’administration des Douanes continue de considérer cette faune comme un partenaire. Comment, dès lors, s’étonner que la corruption prenne de telles proportions ? ».
Faute d’obtenir du pouvoir politique l’assainissement (hypothétique) de la sphère du commerce extérieur, l’administration des Douanes multiplie les campagnes de lutte contre la corruption. « Il y a eu des arrestations et des licenciements. C’est un travail que nous effectuons en profondeur et en silence car cela touche l’intégrité des personnes », déclarait le D.G. des Douanes qui explique le développement de la corruption par le contact facile entre douaniers et opérateurs économiques.
« Outre les poursuites directes contre le contrevenant, nous prévoyons la mise en place de procédures informatisées où la main de l’homme sera réduite à sa plus simple expression. Tout se fera dans les normes », avait-il promis. Le Colonel Maïga avait déjà eu à lever un coin du voile sur son plan de modernisation des Douanes.
« La modernisation des moyens de travail et des méthodes de gestion de l’institution avec la transparence requise, la réhabilitation et la crédibilisation de l’institution, la consolidation de l’éthique douanière, le développement des ressources humaines et de la formation sont également des moyens de lutte contre la corruption » ; avait-il indiqué. Mais… «9 mois plus tard, on n’a rien vu de tout cela», constate notre responsable syndical des Douanes.
Sujets à des blocages ou otages de luttes sourdes d’intérêts mafieux, les « programmes de modernisation » des Douanes, annoncés en fanfare par le D.G. des gabelous n’iront pas au-delà des bonnes intentions. La magouille et les détournements au niveau des services de la Douane, auxquels s’ajoutent les trafics des chèques et les fausses déclarations de douane avec, à la clé, « le flou artistique » entretenu au niveau du Guichet automatique et du scanner ; illustrent bien l’incurie ambiante qui règne au sein des Douanes.
«Le guichet automatique et le scanner ont beau fonctionner correctement, ils ne seraient d’aucune utilité si ceux qui les font marcher ne veulent rien voir », commente un ancien haut responsable des Douanes.
La mise à jour de l’ensemble des activités et moyens des douanes, à laquelle l’Etat a consacré plusieurs milliards de francs CFA (acquisition de matériels roulants, de scanners mobiles, informatisation, recrutement, formation du personnel, etc.) saura-t-elle pour autant nettoyer les « écuries d’Augias » ? Pas si sûr !
Mais la lutte contre la corruption est simple : il suffit de comparer les ressources d’un douanier à son train de vie. Mais on ne n’y tient pas ; on sacrifie plutôt « les petits » en les présentant comme « les méchants », histoire de « jeter de la poudre aux yeux » des autres. En fait, les gabelous sont si intelligents que lorsqu’ils jouent aux « ignorants », ils réussissent mieux que quiconque.
Au lieu de s’attaquer au gros de l’import-export, ces douaniers corrompus s’acharnent plutôt contre un pauvre immigré qui a importé une simple perceuse pour bricoler sa maison qu’il a achetée après de longues années et de dur labeur.
Pauvre de nous !…Mais comment s’opèrent le trafic des chèques et les fausses déclarations à la Douane malienne ?
Nos enquêtes se poursuivent.
Jean Pierre James